QUE FAIRE DE LA VICTOIRE ?

 

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 01 août 2005

Lénine titrait son livre « Que faire ? ». Il se posait la question de ce que les révolutionnaires de ce moment allaient faire de la révolution. La conquête du pouvoir est comme une conquête militaire. Il est souvent plus  facile de conquérir un terrain que de bien le garder. Le pouvoir est un mystère. Ce mystère est surtout engendré par le culte de ce pouvoir qu’imposent ceux qui y arrivent par rapport à ceux qui sont dehors. Le pouvoir peut faire beaucoup de choses, du bien comme du mal. Il devient de la dictature quand il cesse de travailler pour le peuple au profit des individus qui l’exercent.

Aujourd’hui, le CNDD-FDD arrive au pouvoir dans un pays meurtri, affamé, pauvre, corrompu etc… Il arrive au pouvoir avec des hommes et femmes nouveaux, d’autres ayant déjà exercé, participé au pouvoir. Ce qui importe est ce sang nouveau attendu, une nouvelle méthode de travail. Que faire de la victoire et surtout d’une telle victoire ? Une telle confiance du peuple mérite une attention particulière. C’est un vrai message qui a été passé. « Nous vous confions le pouvoir, améliorez notre niveau de vie et assurez-nous la sécurité », voici le message du peuple. Je suis convaincu que le message a été compris. C’est une lourde tâche, certes honorable. Ceux qui sont entrés au CNDD-FDD par opportunisme, pour s’enrichir, pour escroquer les gens, pour détourner les deniers de l’Etat ont mal choisi le moment. Ce parti a besoin des vrais patriotes, qui mettent en avant les intérêts du peuple avant les intérêts personnels. Si demain, ces gens manquent à ce parti, il connaîtra sans aucun doute le sort du Frodebu. Il aura déçu l’immense capital de confiance que le peuple aura placé en lui.

La victoire signifie pour les uns une occupation de postes juteux, générateurs de pots de vin. Elle signifie pour les autres, patriotes, le moment venu pour servir le peuple. Il serait utopique de dire que ceux qui pensent aux postes pour se servir n’existent pas au CNDD-FDD. Le plus important est de savoir s’ils auront les mains libres pour agir. Chaque parti qui arrive peut déterminer les gardes fou pour éviter les dérapages. Le pire pour une nation est quand le dérapage commence par le sommet. Wait and see, disent les anglais. Si le CNDD-FDD arrive à combattre la corruption, le détournement des fonds d’abord  dans des responsabilités occupées par les leurs, il aura réussi la première manche. C’est en réalité un véritable combat. Tout va séduire. Les autres ont des maisons, de belles voitures, de l’argent. Résister est un devoir patriotique qu’on soit ministre, directeur d’une société para-étatique etc…

Le peuple a besoin d’un système de santé qui le protège. Réformer la santé est plus difficile que réformer l’éducation. Il faudra un véritable plan Marshal interne pour garantir les soins au peuple burundais. La victoire est la sienne. La richesse est la sienne. Lui priver des soins de santé est une violation de ses droits qui s’inscrivent dans le  partage des richesses du pays. Le pays est riche mais sa richesse est mal exploitée et mal distribuée.

La santé d’abord, le reste viendra. Le pays a besoin de retrouver le chemin du travail. Seul le travail pourra développer le pays. La relance de l’économie passera nécessairement à l’augmentation de la production agricole. Ainsi, la baisse des prix sera automatique dès que l’offre augmentera sur le marché.

Il est difficile de relancer l’économie en une année. Par ailleurs, l’objectif de la relance de l’économie ne doit pas être oublié pour être effectif à moyen terme. Le pays  doit se mettre  au travail. Il a besoin aussi des idées pour créer la richesse.

L’aide internationale est souvent gaspillée. Il est temps que les résultats soient au rendez-vous. Les utiliser pour augmenter le train de vie des dirigeants ou des cadres de tel ou tel organisme est contraire aux intérêts du peuple burundais.

En définitive, le CNDD-FDD arrive au pouvoir au moment où il y a beaucoup d’attentes de la population. Plus que jamais, le futur gouvernement sera suivi à la loupe. Son action sera analysée et il sera jugé à l’acte. Le temps des paroles, les leitmotivs éthnistes ou régionalistes n’ont pas droit de cité.