QUI DIRIGE LE BURUNDI? 

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 18/01/2008

Si les questions n'avaient pas de réponse, personne ne les poserait. Il y a des questions qui ont une réponse facile. Souvent, les questions dont les réponses sont faciles induisent souvent en erreur les étudiants. Celui qui est censé diriger un pays n'est pas souvent celui qui décide. Il arrive souvent qu'il y ait des lobbies autour du Président pour prendre des décisions  à sa place. Ils ne font que lui demander son approbation. Celui qui donne l'impression de laisser la place aux autres pour diriger  n'est pas nécessairement celui qui ne dirige pas. On peut donner l'impression de se faire conduire alors qu'en réalité, on prend les décisions. Si elles sont bonnes, elles appartiennent au décideur officiel, si elles sont difficiles à accepter pour le peuple, ce sont les décideurs officieux qui en seront responsables.

Quatre généraux aux commandes militaro-politiques du pays

Quatre généraux font la pluie et le beau temps au Burundi. Il  s'agit du général Adolphe Nshimirimana, chef de la Documentation nationale, actuel SNR, le général Bunyoni, ministre de la Sécurité Publique, le général Evariste Ndayishimiye, chef du cabinet militaire du Président, ancien ministre de l'intérieur et le général Godefroid Niyombare, chef d'Etat Major de l'Armée. L'ancien Président soviétique demandait combien de divisions pouvait aligner le pape compte tenu de l'importance qu'on lui donnait. Les cinq membres du conseil de sécurité possèdent tous la bombe atomique. Au Burundi, ce ne sont pas les divisions qu'on aligne mais des milices. Les quatre généraux burundais, anciens FDD,  en possèdent, à l'exception de Godefroid Niyombare, chef  d'Etat Major de l'Armée. Beaucoup d'analystes sont indécis sur son cas.

Ces quatre généraux se réunissent pour définir les contours de la politique sécuritaire et politicienne du Burundi. Le Président les consulte régulièrement dans le cadre du syndicat des tous puissants généraux FDD. Faut-il souligner qu'il y a d'autres généraux, anciens FDD, qui ne sont pas admis dans le cercle fermé. Ils viennent de se réunir à Gitega ce lundi 14 janvier 2008 pour prendre une décision qui est attendue.

Parmi les quatre généraux, deux sont très puissants et ont des avis déterminants dans les décisions du Président de la République. Il s'agit des généraux Bunyoni et Evariste Ndayishimiye. S'il faut réduire le cercle des décideurs, ils constituent le duo qui dirige le Burundi, à côté du Président Nkurunziza. Les généraux Adolphe Nshimirimana et Munyembare sont dans le cercle élargi.

Des généraux qui violent les lois régissant les forces de sécurité et  de la défense

En principe, ces généraux ne sont plus membres du CNDD-FDD et doivent s'occuper de leurs missions. Or, ils donnent des injonctions au niveau du parti pour faire désigner tel à la tête du parti,  pour faire démissionner tel autre à un poste important. S'immiscer dans les affaires intérieures des partis politiques ne diffèrent en rien de ce que nous avons critiqué de l'Armée par rapport à l'Uprona à un certain moment. Par ailleurs, l'Armée n'avait jamais imposé quelqu'un ou pesé dans des choix des chefs au sein du parti Uprona.

Ce comportement exaspère les militaires et les policiers, surtout ceux issus du CNDD-FDD. L'armée ou la Police devient une étiquette mais la réalité est que ceux qui se retrouvent dans des autres instances officieuses trahissent leur corps institutionnel.

Si le Président de la République doit diriger avec des généraux, anciens membres de son parti, il ne sert à rien d'aller aux urnes; autant confier officiellement le pouvoir aux généraux et que les Burundais et la communauté internationale le sachent. La voie démocratique serait alors abandonnée. 

Deux conseillers principaux au pouvoir

Au niveau civil, les vrais détenteurs du pouvoirs sont les deux conseillers principaux du Président. Il s'agit de Gabriel Mpozagara et Joseph Ntakarutimana. Inutile de parler de leur passé. Le premier a été condamné par la justice française d'esclavage moderne et le deuxième avait quitté le ministère de la Bonne gouvernance qui nous avions appelé celui de la mauvaise gouvernance après une affaire de corruption concernant le marché des haricots de la police.

Ces deux hommes occupent des postes stratégiques et de ce fait, sont parmi les dirigeants de ce pays.

Le piège de la rivière dormante

On dit au Burundi que la rivière silencieuse emporte plus de gens que celle qui comporte des chutes et des courants forts. Le Président Nkurunziza a su donner l'image de celui qui ne contrôle pas grand chose et qui laisse agir les autres à sa place. Radjabu en a appris à ses dépens. Le Président avait donné l'impression que le pouvoir était détenu par Radjabu et ce dernier y avait cru alors que ce n'était qu'un piège. Toutes les erreurs du pouvoir ont été attribuées à Radjabu. Au nom d'une supposée suprématie du parti au pouvoir, Radjabu a défendu des dossiers indéfendables et il est apparu comme l'homme méchant du régime par rapport au "gentil Président".

Après le départ de Radjabu, le Président a fabriqué un syndicat des généraux, anciens FDD. Ils sont présentés comme les vrais décideurs. Ils sont consultés. Des fuites sont organisées par la  Présidence pour faire comprendre aux Burundais qu'il est bloqué par ces généraux qui ne lui laissent pas les mains libres. Ces généraux sont devenus des manipulateurs manipulés. Leur syndicat hors -la- loi donne l'impression de dicter des décisions à prendre alors qu'ils sont des exécuteurs d'oeuvres basses du pouvoir. En réalité, le Président s'entoure de ces généraux pour les avoir avec lui plutôt que de les avoir contre lui. C'est aussi une négation de la démocratie car le soutien de ces généraux, avides d'argent plus que du pouvoir, est contraire à la démocratie et à l'existence d'une armée républicaine.

Quelques députés dans le collimateur de ceux qui dirigent le Burundi

Ces généraux et le Président de la République auraient décidé de donner une leçon aux députés qui critiquent l'exécutif à l'Assemblée Nationale. Selon des sources dignes de foi et des informations révélées par l'agent de la Documentation qui a pris fuite du surnom de Bienvenu, des attaques contre les députés Alice Nzomukunda, Mathias Basabose, Jean Marie Ngendahayo, Jean Marie Nduwabike et Pancrace Cimpaye seraient prévues. Ce dernier n'est pas député mais il est très actif dans l'opposition. Ces attaques sont prises au sérieux par plusieurs observateurs burundais et internationaux.