RADJABU, EST-IL REDEVENU L’HOMME FORT DU BURUNDI ?

 Burundi news, le 24 juin 2007

Par Gratien Rukindikiza

En politique, il ne faut jamais sous estimer un adversaire. Il peut rendre des coups là on l’attend pas. La modestie et la bonne analyse sont les alliés des bons politiciens. Les arrogants ne résistent pas à la critique et leurs pouvoirs ne tiennent pas longtemps.

Au Burundi, l’arrogance est devenue le mode d’emploi. Les rapports de force sont sous estimés et les choses évoluent dans le sens contraire de ce qui était prévu.

Radjabu bloque l’Assemblée Nationale

Incroyable mais vrai, l’ancien président du CNDD-FDD, prisonnier, est à la base du blocage du parlement burundais. Si les députés qui le soutiennent votaient encore avec le parti au pouvoir, le parlement n’aurait pas de problèmes. Le Frodebu se fait courtiser car il sait bien que ses voix comptent pour faire voter une loi en l’absence des voix des pro-Radjabu. La constitution ne permet pas la dissolution de l’Assemblée Nationale au cours de cette législature. Ainsi, les députés de Radjabu ont encore 3 ans pour continuer à bloquer le parlement burundais. De ce fait, les autres partis présents au Sénat et à l’Assemblée Nationale peuvent faire des surenchères. 

Acheter les députés du Frodebu, proches de Minani pour régler la question de la majorité

L’idée est en phase pratique. Le CNDD-FDD recherche activement des traîtres au Frodebu qui peuvent accepter des millions de francs bu pour entrer au CNDD-FDD afin d’assurer la majorité du CNDD-FDD. Le système est à double tranchant. Le Frodebu est devenu très offensif en raison de cette manœuvre du CNDD-FDD. De plus, certains députés du Frodebu sont prêts à prendre l’argent et retourner au Frodebu. Ce système peut aussi fragiliser le CNDD-FDD car les pro-Radjabu peuvent acheter quelques députés du CNDD-FDD. Après tout, l’argent produira les mêmes effets.

Le pouvoir compte sur ces frodebistes pour faire passer ses lois. C’est un calcul risqué car le Frodebu fait monter les enchères qui seront difficiles à honorer. Or, plus les jours passent, plus le Frodebu se croit en position de force. Au départ, il demandait à rentrer dans le  gouvernement avec 5 ministres. Encore faut-il noter que les ministres actuels originaires du Frodebu ne sont plus reconnus par le Frodebu. Aujourd’hui, non seulement le Frodebu demande à rentrer dans le gouvernement avec des ministères importants mais aussi il demande un droit de regard sur les décisions importantes du pouvoir.

Et si les pro Radjabu entraient dans le gouvernement !

Un parti politique vient d’être créé au Burundi. Il n’est pas encore agréé. Il est dirigé par un certain Feruzi, un proche de Radjabu. Ce parti,  qui revendique l’union des patriotes démocrates, devrait être agréé s’il respecte les obligations légales. Il a déjà des atouts car il compte plus de 10 députés, voire 20. Les démissions des députés du CNDD-FDD dans ces jours ont pour objet l’entrée dans ce nouveau parti politique. Certains craignent même que d’autres députés du CNDD-FDD, proches de Radjabu, officieusement, changent de parti politique pour affaiblir le CNDD-FDD par déception ou par vengeance personnelle. Dieu seul sait qu’il y en a encore non déclarés. Il suffit de constater que toutes les réunions des cadres dirigeants du CNDD-FDD sont connues dans les moindres détails par Radjabu et les siens.

Si le parti de Feruzi se fait agréé, avec un nombre variant de 15 à 20 députés, il aura droit à un groupe parlementaire, pourquoi pas un vice-président de l’Assemblée Nationale si la constitution est respectée. Ce parti aura droit aussi à un pourcentage de ministres dans le gouvernement en fonction du nombre de ses députés. S’il a 15 députés, il aura droit à 10 % de ministres dans le gouvernement.

Rien ne se perd, rien ne se crée, selon le principe du chimiste Lavoisier, tout se transforme. Les ministres qui devront revenir au parti des pro Radjabu seront prélevés sur le quota du CNDD-FDD. En effet, le CNDD-FDD n’aura droit selon la constitution qu’à un tiers du gouvernement. Soit, le pouvoir respecte la constitution, soit il ne la respecte pas et la voie est ouverte à tout acte inconstitutionnel.

Si le parti des pro Radjabu entraient dans le gouvernement, c’est une pure fiction car le Président de la République préférera violer la constitution plutôt que de le faire, le Président aurait du pain sur la planche.

Un Radjabu bis a vu le jour à la tête du CNDD-FDD

Chasser le naturel y revient au galop. Le CNDD-FDD n’a pas encore la culture de la démocratie. Le dirigisme du parti se fait à la manière des partis uniques. Pourtant, c’est un parti qui a besoin d’un débat interne, des contradictions, des confrontations d’idées. Or, il est devenu une caisse de résonance du pouvoir.  Les cadres du parti se taisent pour ne pas démériter. Ceux qui occupent des postes acquis par militantisme que par compétence n’osent pas s’exprimer pour ne pas perdre leurs postes.

Le nouveau président du CNDD-FDD, le colonel Jérémie Ngendakumana, est en phase de devenir un Radjabu bis. On dirait qu’il a été formé par Radjabu. Son dernier discours lors du meeting de soutien au Président de la République (Meeting boycotté par les militants) a rappelé le  discours de Radjabu de gahanga wishwe n’iki. Ngendakumana n’a pas bien compris la situation actuelle pour tendre les bras au Frodebu plutôt que de le fustiger.

Lors des réunions des cadres du parti, Ngendakumana impose ses  décisions comme des ordres à l’armée. Les Bagumyabanga, militants de ce parti, le disent tout haut et critiquent ouvertement le président du parti CNDD-FDD.

Radjabu avait son entrée à l’Assemblée Nationale. Il passait par l’entrée d’honneur du président de l’Assemblée Nationale. Il ne se considérait pas comme un simple député. Un président de parti n’a pas de statut spécial. Le nouveau président du CNDD-FDD vient d’adopter les méthodes Radjabu. Il passe par l’entrée du président de l’Assemblée Nationale au grand dam des autres députés. Certains même ironisent dans ces jours que Radjabu est revenu à l’Assemblée Nationale sous l’incarnation de Ngendakumana.