RADJABU ENGAGE LE BURUNDI CONTRE LA FRANCE DU COTE DU RWANDA
Burundi news, le 03 décembre 2006
Par Gratien Rukindikiza
Il est rare que dans un pays, le chef d’Etat ne soit pas le vrai dirigeant. Dans les monarchies démocratiques, le roi règne et le premier ministre dirige. Le roi intervient rarement dans la gestion courante des affaires de l’Etat. Il ne peut ni déclarer la guerre, ni signer les armistices.
Quelques exceptions subsistent. Certains pays sont dirigés par des hommes de pailles, laissant leurs places aux véritables dirigeants qui restent dans l’ombre. Ce sont les guides suprêmes, les chefs de la révolution, etc…
Le Burundi a élu ses dirigeants au mois de juillet 2005. Un Président a été élu par le Parlement et le Sénat réunis. Pierre Nkurunziza est le Président officiel du Burundi. Il était le chef du parti CNDD-FDD. Le secrétaire général de ce parti, anciennement mouvement rebelle, était Hussein Radjabu. Il était en réalité le véritable patron de la rébellion. Pierre Nkurunziza n’avait pas le droit de prendre une décision sans qu’elle soit avalisée par Radjabu. Radjabu pouvait engager le mouvement sans l’accord de son chef.
Depuis l’élection de Pierre Nkurunziza à la tête du pays, Hussein Radjabu est président du parti CNDD-FDD. Pierre Nkurunziza a du mal à s’affranchir de son « chef ». Radjabu continue à gérer les affaires du pays à la place du Président de la République pris par ses prières et matchs de football.
Aucun haut cadre n’est désigné sans que Radjabu ne donne son accord. Toute décision de l’Etat doit avoir son aval. Un ministre me disait qu’il ne pouvait pas nommer son directeur général sans passer par la permanence du parti au pouvoir même si le ministre en question n’est pas membre de ce parti.
De passage à Paris le 18 novembre 2006, le Président de la République a répondu à la question de la place de Radjabu.
Voici ce que j’écrivais sur la question de Radjabu le 18 novembre 2006
Radjabu, quel pouvoir ?
Le Président a été à l’aise quand il a abordé la question de Radjabu. Il n’est pas au pouvoir, il n’est pas membre du gouvernement. Dans l’ordre protocolaire, il est très loin, selon le Président. « Même si je disparaissais, la constitution est claire, ce n’est pas Radjabu qui aurait le pouvoir. Radjabu n’est pas un Monsieur important tel que vous le concevez » Il a dit que Radjabu ne représente pas le Burundi à l’étranger, c’est le Président qui le représente ou les ministres.
Radjabu vient d’effectuer une visite au Rwanda ce jeudi 30 novembre 2006 où il a rencontré le Président Kagame. A la sortie de l’audience, il a fait une déclaration qui a donné des sueurs aux Burundais. Je préfère citer l’agence très connue et sérieuse Reuters qui était sur les lieux.
KIGALI (Reuters) - Burundi weighed
into neighboring Rwanda's row with France on Thursday, saying it backed Kigali's
decision to sever diplomatic ties with Paris.
Relations between France and Rwanda plummeted last week after a French
anti-terrorism judge called for Rwandan President Paul Kagame to stand trial
over the downing of a plane carrying his predecessor, an event that unleashed
Rwanda's 1994 genocide.
Burundi's President Cyprien Ntaryamira was on board with his Rwandan counterpart
Juvenal Habyarimana and both men died.
"I am here to assure (Kagame) of our government's support at this time," Rajab
Hussein, chairman of Burundi's ruling CNDD-FDD party, was quoted by Rwandan
media after meeting Kagame. "France is biased. Justice can't work on one side,"
he said.
Thousands of Rwandans have staged angry protests at the allegations against
Kagame and nine of his top aides. Many in the central African country say the
West turned a blind eye to the genocide, in which some 800,000 people were
slaughtered.
And Rwanda has accused France of training soldiers it knew were plotting to
commit massacres. France denies any wrongdoing. "Rwanda has continued to produce
evidence about France and other foreign countries' involvement in the genocide
but the world has always
remained silent," Burundi's Hussein said. "We are prepared to support this
government until justice prevails."
Le Burundi est engagé par Radjabu dans ce conflit franco-rwandais. Comme me disait un rwandais, le soutien de Radjabu est un soutien embarrassant.
Ce soutien au Rwanda et la déclaration qui accuse la France d’avoir participé au génocide rwandais constituent une haute trahison de la part de Radjabu. La France peut convoquer l’ambassadeur à Paris pour lui demander des explications. Elle peut aussi arrêter les aides au Burundi au moment où il en a besoin. Ce n’est pas Radjabu qui fournira les fonds au pays.
Au niveau national, le Burundi a perdu un Président quand l’avion de l’ancien Président rwandais Habyalimana a été abattu. Le Président Ntaryamira a été tué. Le Burundi devait exiger la vérité pour savoir qui est responsable de la disparition du Président.
La France a enquêté par le biais du juge Brugère. Deux thèses sont avancées par des spécialistes. Il y a la piste du FPR dirigé par le Président Kagame. Cette thèse est soutenue par la France. Il y a une autre thèse soutenue par certains journalistes Belges qui pointent du doigt les proches de Habyalimana. Qui a raison, qui a tort ? Les Burundais ne peuvent pas répondre car ils n’ont pas fait d’enquêtes. Le pouvoir burundais ne peut pas se permettre de blanchir ou d’accuser qui ce soit sans preuve.
Radjabu a commis plusieurs erreurs et a trahi non seulement son parti mais aussi son pays. Radjabu n’est ni Président du Burundi, ni Vice-Président, ni ministre. Il n’a aucun pouvoir d’engager le Burundi. Il a le rang de n’importe quel député Burundais et aucun député ne peut engager le Burundi sur un terrain aussi glissant que ce conflit franco-rwandais. Dans son intervention, il réfute la thèse du complot du FPR. Il doit avoir une autre piste. Les Burundais aimeraient que le spécialiste Radjabu leur dise qui a tué le Président Ntaryamira.
Paradoxalement, il s’est battu aux côtés des ex-Interahamwe, ex-Far, au Congo. Il savait alors qu’il s’alliait avec les assassins du Président Ntaryamira s’il privilégie la piste des ex-Far. Il n’est jamais tard, il peut alors intenter un procès ou faire arrêter ceux qui ont été impliqués dans ce complot.
Radjabu n’a pas été envoyé par le Président Burundais selon des sources dignes de foi au Burundi. Son voyage au Rwanda est une fuite en avant face à ses problèmes au sein de son parti CNDD-FDD. Des voix commencent à s’élever contre sa dictature et son infantilisation du Président Nkurunziza. Le mécontentement des officiers, anciens FDD, est un secret de Polichinelle. Certains officiers supérieurs ont déjà fait comprendre à Radjabu leurs positions. Le voyage au Rwanda a été une fois de plus une démonstration de force. Il a voulu signifier aux Burundais et aux Rwandais que le Burundi, c’est lui. Le chef du Burundi, c’est lui. Le Président en titre est son « coursier ». Si le Président Nkurunziza ne réagit pas face à cette provocation, il aura confirmé son rôle de Président sans pouvoir.
En affirmant que la France est impliquée dans le génocide rwandais au nom du gouvernement burundais, il a commis un acte grave. Il y a trois génocides reconnus dans le monde. Le génocide arménien par les Turcs, le génocide contre les juifs par les Allemands du temps de Hitler et le génocide rwandais contre les tutsi par le pouvoir des proches de Habyalimana. Un génocide est plus un crime contre l’humanité. On n’accuse pas à la légère un Etat comme la France de participation au génocide sans disposer des preuves suffisantes. La France peut porter plainte contre Radjabu ou l’arrêter pour le juger. Il a voulu jouer dans la cour des Rwandais sans disposer des mêmes soutiens.
Le Burundi devra démentir les propos de Radjabu pour éviter les représailles diplomatiques de la France. Si le pouvoir burundais soutient réellement le Rwanda dans cette guerre comme l’appelait le Président Kagame, je ne comprends pas pourquoi l’ambassadeur Burundais n’est pas rappelé.
Radjabu devrait d’abord arrêter d’empêcher le Président Burundais de diriger et ensuite de représenter celui qui ne l’a pas mandaté. Quant à engager le pays dans une voie périlleuse, elle relève de la haute trahison et mériterait un bon procès pour regagner la prison de Mpimba.
Radjabu qui prétend avoir les preuves de l’implication de la France dans le génocide rwandais devrait d’abord libérer les personnalités emprisonnées sans preuves. Ses déclarations à Kigali ne suffisent pas pour améliorer ses mauvaises relations avec le pouvoir rwandais. En voulant se racheter auprès de Kigali, profitant de la situation actuelle des relations franco-rwandaises, Radjabu s’est coupé de la base de son parti. Il a accéléré le processus de sa chute.
Comme disait Alice Nzomukunda, l’ancienne vice-Présidente de la République du Burundi, Radjabu ne respecte personne. Il devrait penser à respecter le peuple car toute chose a ses limites et sa fin. Le sommet tant attendu par Radjabu ne sera jamais atteint en raison de la précipitation. Ayant constaté que le pouvoir lui échappe, Radjabu pourrait être tenté d’appliquer la politique de la terre brûlée. Après lui, le déluge !
Est-ce que le CNDD-FDD va perdre avec lui ou va gagner sans lui ? Il appartient aux militants et surtout aux cadres de ce parti de répondre à la question.