LE RAPPORT D'ENQUETE SUR LE CARNAGE DE GATUMBA
Burundi news, le 01/11/2011
Par Gratien Rukindikiza
1. En date du 18 septembre 2011, dans la zone Gatumba, commune Mutimbuzi, province de Bujumbura RURAL, vers 20h, une quarantaine de civils ont péri dans un massacre terrible perpétré par des hommes armes en tenues policières et militaires. Dans la foulée, plusieurs versions ont été entendues. Certains ont vite cru que l'attaque était l'œuvre du pouvoir à travers le SNR ainsi que certains de leurs alliés de la Police et Imbonerakure qui auraient l'objectif de mettre le crime sur le dos de l'ADC-IKIBIRI dont le FNL /RWASA et certains membres influents de la société civile. Ils avaient raison. D'autres ont affirmé à tort que l'attaque était signée FNL en réaction à des dizaines de personnes tuées et retrouvées mortes suite à leur appartenance au FNL.
2. Elections truquées et insécurité
Après le contentieux électoral et l'insécurité grandissante dans le pays surtout dans Bujumbura Rural ( Fief des FNL), le pouvoir a réalisé qu'il y a un risque de rébellion. Malgré le discours officiel d'une insécurité liée au phénomène des bandits armés, le pouvoir savait très bien que l'adversaire était en train de s'organiser pour une résistance armée. Les premiers signes furent des attaques d'hommes armés et dirigés contre les positions de police et certains ménages des membres du CNDD-FDD dans Bujumbura Rural, Ruyigi, Bururi, Gitega et ailleurs. A ces attaques ciblées, se sont ajoutés des désertions des policiers ex- FNL et les départs massifs de certains jeunes fidèles à Agathon RWASA vers le Congo et la Tanzanie. Devant cette situation qui a inquiété le pouvoir, le Service National des Renseignements (SNR) a vite compris qu'il fallait devancer l'"ennemi" avant qu’il ne se renforce. Les anciens compagnons d'armes de RWASA, alliés du pouvoir au sein du FNL-IRAGI rya GAHUTU et IBRAHIM l'ancien chef d'Etat Major des FNL(Aujourd'hui cadre du SNR) allaient devenir les principaux acteurs de cette guerre CNDD-FDD-FNL. La mission principale : Identifier tous les anciens combattants et membres influents du FNL susceptibles de constituer la base interne des FNL en cas d'attaques militaires et les éliminer un à un ou les contraindre à collaborer. C'est ainsi que des attaques ciblées furent organisées contre les FNL/RWASA et d'autres furent retrouvés morts.
Tout commence par la traque de Rwasa
Dans cette peur panique du pouvoir, le staff des anciens FNL conseilla au pouvoir de collaborer moyennant l'argent avec certains anciens combattants FNL pour traquer le réseau militaire de RWASA et si possible poursuivre la hiérarchie de RWASA supposée être basée au Congo ou ailleurs. Les têtes visées étaient le général BARIYANKA Antoine (Alias SHUTI), le Major NEGAMIYE Rogatien, le Commandant NZABIMPEMA Aloys ainsi que RWASA Agathon, le président du FNL. Ainsi, un certain Carmel dit MUKONO pour son bras perdu au champ de bataille, ancien combattant FNL et incarcéré à la prison de Mpimba depuis la fuite de RWASA en Juin 2010, fut désigné par le SNR et les anciens FNL proches du pouvoir pour faciliter la traque des FNL y compris l'entourage de RWASA.
La mission confiée à Mukono et le début de l'exécution
Ce MUKONO accepta la mission du pouvoir et empocha une somme importante du SNR. Ainsi, il sortit de la prison de Mpimba au mois de juin 2011 pour organiser la traque de Rwasa. Une fois sorti de la prison, juste après une semaine, il ne tarda pas à trahir et à annoncer la couleur. Il appela le chef de cabinet du SNR en personne (Le Général Agricole NTIRAMPEBA qui lui avait confié la mission et remis la somme). En tout et pour tout, il lui dit ces mots « Merci de m'avoir libéré, vous m'avez torturé à mourir et je ne suis pas mort, je voulais juste te dire que si tu ne m'as pas eu, moi je ne vais pas rater ta tête ». MUKONO venait d'avoir autour de lui presque 100 hommes en provenance du CONGO et faisaient la navette entre le Congo et la région de l' Imbo (Bubanza, Cibitoke et une partie de Bujumbura Rural) dont il devenait le Commandant. Pendant les mêmes mois de Juin, Juillet, Août et Septembre 2011, le même MUKONO s'est illustré par plusieurs opérations de vol, d'embuscades et d'attaques dirigées contre des positions de police dans cette partie du pays. On citera à titre d'exemple, l'attaque de Murwi en province de Cibitoke qui a emporté la vie d'une dizaine de policiers, les embuscades tendues sur les routes Bujumbura-Bubanza et Bujumbura-Cibitoke et le vol des médicaments à Rukaramu au cours du mois de septembre 2011.
Face à cette profonde déception du pouvoir, le Chef de Cabinet du SNR (auteur de l'échec) promit de secouer terre et ciel pour retrouver MUKONO ou sa tête. Ainsi, le SNR mit en place un plan pour retrouver MUKONO et le combiner à un massacre qui servirait à discréditer définitivement l'opposition.
L'infiltration du groupe de Mukono
· Après la trahison de MUKONO, le SNR décide de recruter un certain Innocent NGENDAKURIYO de Gatumba. Il est ancien combattant du FNL. Ancien Lieutenant aux FNL, il a intégré la FDN au Camp de Kayanza sous le grade de caporal. Mécontent de ce grade, il décide de se faire chasser de la FDN à travers une indiscipline notoire. Il sera renvoyé de la FDN et regagnera Gatumba.
· Cet Innocent NGENDAKURIYO se voit confier moyennant de l'argent, la mission de regagner le maquis pour retrouver ses anciens compagnons d'armes afin de les dénoncer systématiquement au pouvoir qui devrait envoyer au besoin des hommes à l'étranger pour éliminer les FNL influents. Comme les FNL sont déjà organisés sur terrain, il devrait passer par celui qui a déjà un groupe actif dans la région d'Imbo en la personne de MUKONO. MUKONO devrait être sa première victime.
· Avec l'appui du SNR (numéro de téléphone de MUKONO, argent pour les contacts et déplacements, armes), Innocent NGENDAKURIYO entre en contact avec MUKONO qui le reconnaît directement. Ils échangent des appels pendant un certain temps et parlent d'une possibilité pour Innocent NGENDAKURIYO de rejoindre le groupe de MUKONO. Pendant tout ce temps, l'agent NGENDAKURIYO donnait des rapports oraux au SNR sur ses relations et discussions avec MUKONO.
· Après plusieurs contacts et discussions téléphoniques entre NGENDAKURIYO et MUKONO, le SNR suggère à Innocent NGENDAKURIYO de rencontrer MUKONO et de lui proposer un plan d'attaque. Cette proposition des services de renseignement avaient pour objectif de renforcer la confiance entre MUKONO et Innocent NGENDAKURIYO, agent du pouvoir et faciliter la capture de MUKONO.
· En date du 16 septembre 2011, NGENDAKURIYO rencontre MUKONO dans la forêt de Rukoko et discute avec MUKONO sur l'éventualité d'une attaque à Gatumba. Une attaque qui viserait le vol des médicaments dans certaines pharmacies de Gatumba. Selon les prévisions du SNR, c'est au cours de cette attaque connue à l'avance de Gatumba que MUKONO devrait être capturé. Pendant tout ce temps, NGENDAKURIYO Innocent informait le SNR sur l'évolution des préparatifs de l'attaque.
L Les préparatifs du jour J par les services de renseignement et la police
Quelques semaines avant le massacre, plusieurs réunions sur les préparatifs de ce massacre ont eu lieu dans le bureau du chef de cabinet du ministre de la sécurité publique, Maurice MBONIMPA, où étaient présents le directeur général adjoint de la Police, Agricole NTIRAMPEBA des SNR, UWAMAHORO et d'autres. Le fond de l'affaire concernait plus l'organisation de carnage que la capture de MUKONO.
Plusieurs officiers se réunissent aussi le 18 septembre 2011 nommé jour J à l'hôtel de Gatumba appartenant à Clotilde NIRAGIRA, directrice de cabinet du Président. Clotilde NIRAGIRA a passé des appels téléphoniques à la personne chargée de gérer l'hôtel et a aussi appelé un des généraux pour lui signifier que tout est prêt pour cette réunion.
Cet hôtel était fermé au public ce jour. Etaient présents le Général Adolphe NSHIMIRIMANA, patron du SNR, le Général Gervais NDIRAKOBUCA, alias Ndakugarika, directeur général adjoint de la police nationale, le colonel David NIKIZA du ministère de la sécurité publique, le commissaire Désiré UWAMAHORO, commandant de la police en province de Bujumbura, le commissaire Jérôme NIBOGORA, le général Agricole NTIRAMPEBA du SNR , KAZUNGU du SNR ainsi que d'autres cadres des forces de sécurité que nos sources n'ont pas pu identifiés.
o A la fin de la réunion, ils ont fait une reconnaissance des lieux selon le plan et l'itinéraire tracés par l'agent Innocent NGENDAKURIYO. Ils ont visité l'emplacement des pharmacies qui devront faire objet d'attaque. Ils ont choisi les lieux de positionnement de leurs éléments qui devront "accueillir" MUKONO et ses hommes ainsi que l'équipe du carnage. Ils ont aussi finalisé un autre plan macabre.
Ils sont allés à la brigade de Gatumba pour donner l'ordre au sous officier de corps de la brigade Gatumba de ne pas intervenir le soir en cas d'attaque et lui ont signifié qu' il s'agira d'un plan du pouvoir pour capturer l' ennemi. Tous ces préparatifs se sont déroulés entre 8h et 16h. L'opération était prévue entre 19h et 21h. Le Commissaire Désiré UWAMAHORO a reçu la mission d'ouvrir le feu pour lancer l'assaut qui allait capturer MUKONO et ses hommes. UWAMAHORO avait prévu de scinder son équipe en deux, une pour capturer ou tuer MUKONO et une autre pour commettre le massacre de Gatumba afin de l'attribuer à MUKONO, soi disant pour le compte de RWASA et SINDUHIJE.
L'attaque au jour J n'aura pas lieu et l'impardonnable carnage du commandant Désiré UWAMAHORO
· Dimanche 18 septembre 2011, vers 19h quelques minutes, l'équipe de MUKONO était déjà à Gatumba mais loin des pharmacies qui devraient faire objet de vol. L'éclaireur n'était autre que l' agent NGENDAKURIYO qui était en communication directe avec le Commissaire Désiré UWAMAHORO qui allait donner feu vert au commando qui devrait capturer MUKONO et ses hommes.
· Le Commissaire Désiré UWAMAHORO avait placé ses hommes autour de l'église adventiste. Quand UWAMAHORO a lancé le coup d'envoi avec son tir de roquette à 19 hrs 40, MUKONO a annulé son attaque des pharmacies. Au même moment, l'équipe de KAZUNGU et UWAMAHORO a foncé sur le bar et a massacré les personnes présentes. Cette équipe de tueurs était composée de policiers, de jeunes Imbonerakure habillés en policiers et des gens des SNR. L'agent infiltré dans le groupe de MUKONO avait déjà rejoint UWAMAHORO en ce moment.
· Des policiers ont massacré certains des leurs, y compris des agents des services de renseignement et des civils qui étaient présents. Le texte distribué par les SNR était déjà prévu avant même l'action.
La gestion de l'imprévisible devenu tragique
D'après nos sources, toutes les autorités de la Police et du SNR présentes sur place ce soir ont vite quitté les lieux juste après le carnage. Ce n'est que le matin que certaines arrestations ont commencé. Les premières personnes arrêtées très tôt lundi matin furent le sous officier de corps de la brigade Gatumba, un adjoint au chef de poste PAFE de Gatumba et l'agent Innocent NGENDAKURIYO. Raison principale : Le sous officier de garde de la brigade Gatumba devrait se taire pour ne pas révéler la personne qui lui a donné l'ordre de ne pas intervenir en cas d'attaque à Gatumba. Quant à l'agent Innocent NGENDAKURIYO, il fallait l' empêcher de tout déballer pour ne pas révéler le plan de la police et du SNR qui venait de provoquer un bain de sang chez les innocents. Il devait servir pour accuser à tort Rwasa.
Le président du Frodebu Léonce NGENDAKUMANA a été arrêté le lendemain de l'attaque et sa maison a été fouillée pour vérifier qu'il avait des armes et donc "impliqué" dans le carnage de Gatumba. Pourtant, le pouvoir savait ce qui s'est passé. Un rapport des services de renseignement envoyé aux services des pays de la sous-région désignait nommément RWASA comme étant l'auteur des tueries de Gatumba. Ce rapport a fait l'objet de non reconnaissance par le gouvernement.
Au niveau de la PAFE, l'adjoint au chef de poste nommé Jean de Dieu NIZIGIYIMANA a été arrêté. Le lendemain des massacres de Gatumba, un montage a été fait par un ancien AT de BUNYONI travaillant au poste de la PAFE de Gatumba pour accuser cet adjoint au chef de poste d'avoir facilité la fuite d'une personne arrêtée à la frontière. Paradoxalement, quelques jours dans les cachots de la Documentation ont suffi pour transformer sa "faute" en complicité de crime contre l'humanité. Il venait d'entrer sur la liste des accusés de Gatumba.
Au niveau de l'armée, le commandant de la 1 ère région militaire en complicité avec le G2 de l'armée avait donné l'ordre au Lieutenant NIYONKURU de la DCA, ancien FDD, de rejoindre Rukoko pour participer au montage avec UWAMAHORO. Ce Lieutenant n'a pas voulu participer à l'opération et s'est mis en arrêt maladie. Comme il était au courant de l'opération, il a été arrêté par cette commission d'enquête et se retrouve en prison de Rumonge aux dernières nouvelles. Au niveau de l'hiérarchie de l'armée, le motif de l'arrestation de ce Lieutenant reste flou.
La commission d'enquête abasourdie
La commission d'enquête a déjà interrogé le commissaire UWAMAHORO, commandant de la police en province de Bujumbura et auteur de ce crime. Elle a aussi interrogé Gervais NDIRAKOBUCA, alias Ndakugarika, directeur général adjoint de la Police, Maurice MBONIMPA, le G2 de l'armée Ildephonse HABARUGIRA. Le général Agricole NTIRAMPEBA des services de renseignement, Jérémie BIBONIMANA n'ont pas été interrogés mais ils ont été cités comme faisant partie du groupe organisateur de ce carnage.
La commission d'enquête n'en revient pas sur ce scénario mis en exécution. Innocent NGENDAKURIYO est en prison à Bubanza et a tout déballé devant cette commission d'enquête. Une tentative d'enlèvement a été évitée de justesse. Il a été décidé de le tuer afin d'éviter qu'il parle. Le directeur général adjoint de la Police NDIRAKOBUCA, alias Ndakugarika et Kazungu de le Documentation ont demandé au directeur de la prison de Bubanza de transférer Innocent, le témoin gênant de la prison de Bubanza à la prison de Mpimba. Ils se proposaient de le conduire eux-mêmes de Bubanza à Bujumbura. Ils disposaient pour ce transfert d'un document du procureur général sans que le procureur de Bujumbura qui l'a mis en prison le sache. En plus, le transfert des prisonniers est organisé par les prisons et non la police. Grâce à l'intervention d'un membre de la société civile, le transfert n'a pas eu lieu et Innocent a évité la mort car il était prévu son élimination.
La comédie du Président NKURUNZIZA pour couvrir le mensonge
Le lendemain du carnage de Gatumba, le Président a fait venir les ambassadeurs pour constater ce massacre. Il savait déjà qui avait commis ce massacre mais avant de s'envoler pour New York, il a préféré participer à cette comédie tragique. Les ambassadeurs ont été les dindons de la farce car ils étaient convaincus que l'auteur des massacres était RWASA. Oser jouer avec le feu de cette façon est une des premières. Cette comédie continue aujourd'hui au moment où les arrestations s'orientent plus vers une ethnie au niveau de la Police ou de l'Armée.
Des gens qui n'ont aucun rapport avec ce dossier sont recherchés pour les jeter en prison à savoir Agathon RWASA, Logatien NEGAMIYE, DUNADUNA, Hussein NDUWIMANA, Ezéchiel, MUKONO etc...
Des civils arrêtés à Gatumba
Quatorze personnes sont aujourd'hui en prison pour cette affaire. Il ressort que les coupables sont en liberté et sont toujours aux commandes de l'appareil de sécurité.
Un groupe de civils a été arrêté à Gatumba le lendemain du carnage. Les SNR lui ont proposé des armes et uniformes militaires afin de se faire arrêter en possession de ces équipements. Ils devaient à leur tour déclarer qu'ils ont participé à ce carnage pour le compte de SINDUHIJE et RWASA. Ces civils ont tous refusé. Ils sont aujourd'hui en prison accusés de crime contre l'humanité. Ce sont ces mêmes civils que le Président NKURUNZIZA a présenté dans les médias comme étant des gens qui ont participé à ce massacre et qui se sont présentés de leur propre gré.
Burundi News continuera à informer les lecteurs en fournissant des informations complémentaires.
A suivre.