Burundi news, le 20/01/2010

Observatoire de l’Action Gouvernementale

                               (OAG)

Rapport d’observation sur la Gouvernance au Burundi au cours du second semestre 2009

 

 

Fébrilités pré-électorales : Calmer les tensions pour réussir les élections de 2010.

 

Janvier 2010

 

Rapport final

 

SOMMAIRE EXECUTIF

Au cours du second semestre 2009, comme au premier la gouvernance porte les marques des élections prochaines même si elles sont annoncées pour la deuxième moitié de 2010. Déjà,  les états-majors des partis politiques rivalisent d’ardeur dans leurs déploiements de mobilisation et propagande dans le pays. Ceux-ci sont ostentatoires pour le parti au pouvoir qui contrôle l’essentiel de l’administration et beaucoup plus feutrés pour les autres formations politiques, qui se heurtent régulièrement au courroux des administratifs agissant vraisemblablement sur les consignes du parti au pouvoir.

 

Alors que face aux inquiétudes soulevées par les tensions et les violences politiques, le Président de la République dans ces différents messages ne cesse de rassurer, en affirmant que les élections de 2010 se dérouleront mieux que les précédentes, les faits semblent prouver le contraire.

Certains signes ne trompent pas. Après avoir surmonté l’épreuve de mise en place de la Commission Electorale Indépendante, l’adoption  du  Code électoral a failli briser les quelques ressorts de dialogue qui subsistaient au sein de la classe politique. Le parti au pouvoir a tenté un forcing pour faire valider des dispositions supposées accroître ses chances de victoire aux élections de 2010. Il s’agissait essentiellement de l’ordre des scrutins, qui pour le parti au pouvoir devait commencer par les présidentielles, du nombre de cartes à utiliser et des dispositions portant sur l’organisation et le fonctionnement de la CENI, qui selon  la proposition présidentielle,  devait être déterminé par un décret. Les Ministres issus du FRODEBU n’ont pas hésité de craquer la porte du Conseil des Ministres quand ils ont réalisé que le contenu du projet de code s’écartait sensiblement de celui qui avait été convenu au sein des Cadres de dialogue. Un document signé par 14 partis politiques a été adressé au Secrétaire Général des Nations Unies dénonçant le refus du dialogue du Président de la République.

Après de nombreuses valses du code, du Conseil des Ministres à l’Assemblée Nationale, les appels au dialogue autour d’une loi d’une si haute importance pour la paix et la démocratie finirent par avoir gain de cause. Alors que la situation semblait se calmer, la CENI a continué d’être la cible de critiques de remises en cause par  quelques ténors du parti au pouvoir, en particulier de son Secrétaire Général qui a déclaré que son parti n’avait plus confiance dans la CENI[1].  C’est probablement, en raison de cette hostilité que le  Ministre de l’Intérieur avait même bloqué quelque 200 millions de francs burundais (162.000 dollars) qui devaient couvrir les frais de fonctionnement de la CENI pour les mois de juillet, août et septembre 2009. Le Ministre reprochait à la CENI d’avoir recruté 57 de ses cadres au sein de l’opposition[2].

Entretemps, les manœuvres de mobilisation des partis sur le terrain se sont poursuivis, culminant par des heurts et des tensions entre les militants des différentes formations politiques. Sur le terrain, les jeunes du parti au pouvoir, dans leurs sports aux allures martiales, ont failli en découdre, à maintes reprises, avec les jeunes du FNL  et du FRODEBU qui ont fait de même pour tester l’impartialité de certaines autorités administratives. En effet, certaines d’entre elles étaient tentées de laisser faire, voire encourager les jeunes du parti au pouvoir et sévir à l’égard des autres. Le débat sur la légalité et la réglementation de ce sport a même créé des divergences entre le Ministre de l’Intérieur, tenté de l’interdire, et le Président de la République, qui a vanté les bienfaits de ces pratiques.

 

Cette effervescence liée à la campagne électorale empoisonne les rapports entre les partis politiques. La fébrilité née de cette compétition fait que les responsables des partis recourent à tous les stratagèmes possibles pour  porter des coups aux autres en vue de les affaiblir. Dans ce jeu, le parti au pouvoir tire sur les courroies politiques et administratives, pour restreindre les libertés d’action des autres partis politiques, voire provoquer leur  implosion comme cela a été tenté pour le FNL.

 

S’agissant du fonctionnement de la justice, les consultations populaires sur la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle, après de nombreuses  remises, sont sur le point d’être conclues.  Mais la justice peine à venir à bout du dossier qui a défrayé la chronique, celui de l’assassinat d’Ernest Manirumva, en raison d’immixtions et d’interférences de personnalités influentes de l’Exécutif dans ce dossier. La persévérance et la détermination de la société civile dans le suivi de ce dossier, et dans celui de Salvator Nsabiriho, a contribué à envenimer les rapports entre les pouvoirs publics et la société civile. C’est notamment en raison de ce motif que le Ministre de l’Intérieur a décidé d’annuler l’agrément de FORSC, sur une base que beaucoup d’analystes avisés considèrent comme illégale. Derrière cet acte, la volonté de faire taire les organisations dynamiques et critiques de société civile est manifeste.

 

Le paysage économique a été caractérisé, en partie par des ajustements et des réformes consécutifs à l’entrée du Burundi dans la Communauté Est africaine. Il s’agit notamment de la création de l’Office Burundais des Recettes (OBR) qui peine malheureusement à se mettre en place. Sa direction par un expatrié n’est pas vu d’un bon œil par certains qui préfèrent qui préfèrent, au moins pendant un temps, garder la main sur la direction des douanes et des impôts qui constituent une source importante de prébendes. Aussi, face aux incertitudes créées par l’imminence des élections, la corruption et les malversations économiques ont franchi un nouveau cap et se pratiquent au vu et au su de tout le monde, la corruption est tout simplement en passe d’être institutionnalisée, cela d’autant plus que la contagion vient d’en haut[3]. Cette tendance est confirmée par le dernier rapport Transparency International qui classe le Burundi à la 168ème position sur 180 pays[4].  Il se trouve à 7 places derrière la RD Congo qui était demeurée pendant longtemps une sorte de repoussoir en la matière. Cette position est donc emblématique d’une étape franchie quant à l’ampleur et la fréquence de la corruption au Burundi. L’attribution du marché des nouvelles plaques d’immatriculation en est l’exemple le plus emblématique.

 

La gouvernance administrative et sociale est marquée par des dysfonctionnements et des grognes dans certains secteurs. La gestion de l’énergie électrique par la REGIDESO pendant le second semestre en est une illustration, aussi bien par des délestages jamais expliquées, et sa responsabilité par rapport aux préjudices subis par ses clients. La grogne récurrente dans les secteurs de l’Education et de la Santé se sont étendues aux Corps de Défense et de Sécurité où la gestion du malaise a pâti d’un déficit de dialogue. La déstabilisation de ces corps à l’approche des élections est porteuse de dangers.

 Le rapatriement des Burundais continue à provoquer des tensions liées aux conflits fonciers qui trouvent difficilement des solutions à travers les divers mécanismes prévus. Egalement, les questions de déplacement des réfugiés banyamulenge et de gestion des demandes d’asile de réfugiés rwandais ont été problématiques. Dans le second cas, le souci de préservation de bons rapports avec le Rwanda a pris le pas sur l’impérative nécessité de respecter les engagements internationaux en la matière.

 

Chronologie des événements marquants au cours du second semestre 2009

 

Date Evénement
MOIS DE JUILLET
1 juillet  Nomination de six colonels de la FDN au grade de général. Cela porte le nombre de Généraux de la FDN à 43. Deux sont morts dans la mission de maintien de la paix en Somalie.
6 juillet  Controverse  entre des représentants du gouvernement du Burundi au sein de la SINELAC opposition entre le Ministre de l’Energie et des  Mines et le Directeur Général de la RIGIDESO.
7 juillet Le Président du parti FNL Agathon Rwasa déclare avoir échappé à un attentat. Il accuse les forces de l’ordre  d’être à l’origine de cet attentat manqué.
8 juillet  Analyse des projets de  la loi portant révision du code électoral et de la loi communale au Conseil des Ministres. Cinq ministres issus du parti FRODEBU quittent la séance.
9 juillet  Effondrement de l’immeuble de quatre niveaux en  chantier de la permanence du parti CNDD-FDD  à Tankoma, à Gitega. Quatorze personnes trouvent la mort, plus d’une cinquantaine d’autres sont blésées. Le Président de la République ; les Présidents des deux chambres du Parlement et le Président du parti au pouvoir se dépêchent sur les lieux et des funérailles presque nationales sont organisées. Les travaux sont même arrêtés à l’Assemblée Nationale.
14 juillet  Quatorze partis adressent une correspondance au Secrétaire Général des Nations Unies. Ils dénoncent le refus du dialogue par le Président de la République et son parti le CNDD-FDD sur le contenu du Code Electoral.
 16 juillet  Hausse des prix des produits pétroliers. Un litre d’essence à la pompe passe de 1600 à 1650 BIF et le gasoil de1550 à 1600 BIF.
22 juillet Les  partis UPRONA, FRODEBU, CNDD et MRC  animent conjointement une conférence de presse au cours de laquelle ils réitèrent leur ferme opposition au projet de loi régissant le cadre légal des élections de 2010.
MOIS D’AOUT
2 août Bonaventure Niyoyankana est élu Président du parti UPRONA lors du congrès national d’unification de ce parti.
3 août  Séquestration à Ruyigi d’Alexis Sinduhije, Président du MSD  par le Procureur de la République dans cette province.

 

Le président du MSD Alexis Sinduhije accuse le pouvoir de préparer un montage pour l’accuser, il affirme détenir des preuves que le Service National de Renseignement est en train de préparer  un groupe de jeunes tutsi pour tuer des Hutu en vue de mettre ces meurtres sur le dos du MSD.

6 août  Le Ministre de l’Intérieur Edouard  Nduwimana, annonce qu’il sera désormais exigé aux membres des organisations de la société civile  de demander un ordre de mission à son ministère pour se rendre à l’extérieur du pays.
9 août  Fermeture de tous les camps de démobilisation des ex combattants du FNL .Cinq mille combattants sont démobilisés, 3500 sont intégrés au sein des forces gouvernementales.
20 août Le Ministre de la Défense Nationale et des Anciens Combattants  annonce une incursion des FDLR et des miliciens Interahamwe sur la frontière du Burundi dans la commune Mabayi, en  province Cibitoke.
20 août Le projet de Code électoral controversé est présenté à l’Assemblée Nationale.
27 août  Le code électoral est analysé par la Commission Justice et droits de l’homme de l’Assemble Nationale. Le FRODEBU et l’UPRONA claquent la porte. Les membres de la Commission « Justice et droits de l’homme » chargés d’apporter des amendements sur le projet du code électoral ne s’entendent pas.

 

29 août Adoption de la loi budgétaire révisée, exercice 2009.
30 août Radiation de Pasteur Habimana du FNL.  Le Secrétaire Général du parti CNDD-FDD, Gélase Ndabirabe , est pointé du doigt, accusé  d’avoir orchestré la scission du FNL.
MOIS DE SEPTEMBRE
2 septembre Mort accidentelle d’une personne à la permanence nationale du parti CNDD-FDD en construction en commune urbaine de Ngagara. Six autres personnes sont blessées.

 

Le Président de la République est interpellé pour convoquer une session extraordinaire parlementaire pour débattre des questions urgentes spécialement du nouveau  projet de la loi portant code électoral pendant les vacances parlementaires.

4 septembre Lancement de la campagne d’éducation civique et électorale par le Président de la République à Ngozi.

 

5 septembre  Lors des festivités marquant le 4éme anniversaire au pouvoir du parti CNDD-FDD,  Gélase Ndabirabe, Secrétaire  Général de ce parti,   accuse la Commission Electorale Nationale Indépendante de manque de transparence en affirmant qu’elle a recruté uniquement des agents issus du parti FRODEBU  et UPRONA.
6 septembre  L’Observatoire de la Lutte contre les Malversations Economique (OLUCOME) dénonce l’utilisation des moyens de l’Etat par les cadres du  CNDD-FDD,  à l’occasion de la célébration du 4eme anniversaire de ce parti.

 

Création au Ministère de l’Intérieur d’un département chargé de l’administration des élections.

8 septembre  Vote à l’unanimité par les députés du projet de loi portant création, organisation et fonctionnement de l’Ombudsman
9 septembre

 

 L’Assemblée Nationale n’a pas pu analyser et adopter  le projet de loi portant Code Electoral. Le Président de l’Assemblée Nationale Pie Ntavyohanyuma, propose le glissement de calendrier pour remettre l’étude de ce projet de loi, le lendemain.

 

Les députes refusent de participer aux travaux d’analyse et d’adoption du projet de loi portant code électoral et préfèrent rester à l’extérieur du Palais des congrès de Kigobe. Seuls  les partis  CNDD-FDD, FRODEBU nyakuri  et CNDD étaient présents dans les enceintes de l’hémicycle de Kigobe. Ceux des partis FRODEBU et UPRONA arrivent plus tard mais personne n’entre à l’intérieur de l’hémicycle.

11 septembre  Le projet de loi de Code Electoral est adopté à 3 heures du matin  à l’Assemblée Nationale après de longues discussions et négociations.
12 septembre  Adoption du projet du projet de Code Electoral par le Sénat.
13 septembre Six  sénateurs, membres du CNDD-FDD, démissionnent de ce parti pour migrer vers  l’UPD-Zigamibaga et le FNL.
15 septembre Le président de la République, Pierre NKuruziza, demande une seconde lecture sur un des articles du Code Electoral relatif au système de vote et de comptage des voix. Le CNDD boycotte la séance, certains députés craignent que ce système entraine un double comptage qui pourrait être une source de fraude.
17 septembre  Douze  militaires burundais de l’AMUSOM sont tués dans un attentat perpétré par les milices Shebab en Somalie. Le Général Major Juvénal Niyoyunguruza trouve la mort au cours de cet attentat.
18 septembre  Promulgation du nouveau Code Electoral par le Président de la République.
25 septembre  Le directeur des impôts Aloys Ntakirutimana affirme que la distribution des nouvelles plaques d’immatriculation est possible en l’espace de deux mois.

 

26 septembre Publication du rapport 2009 de Transparency International. Le Burundi est classé à la 168ème position sur 180 pays.
29 septembre L’OLUCOME dénonce la violation du code des marchés publics au Burundi  dans l’attribution du marché des plaques d’immatriculation des véhicules et des motos, à une entreprise ougandaise.
MOIS D’OCTOBRE
4 octobre Pasteur Habimana, ancien porte parole du FNL, et Jacques Kenese, ancien responsable des relations extérieures du FNL,  président une réunion présentée comme un congrès du FNL dont la principale décision aura été la destitution d’Agathon Rwasa et il est remplacé par Jacques Kenese. Le Ministre de l’Intérieur autorise la tenue de cette réunion.

 

5 octobre  Les réfugiés banyamulenge installés au camp de Gihinga, en province de Mwaro,  refusent d’aller  à Bwagiriza en province de Ruyigi. Ils préfèrent regagner leur pays d’origine la RD  Congo plutôt que d’être installés dans ce site.
8 octobre  Le Général Major Godefroid Niyombare, Chef d’Etat Major  de la FDN  anime un point de presse pour faire lumière sur la situation des troupes burundaises en Somalie après la mort de douze militaires burundais. Il confirme que les troupes vont rester là mais demande que leurs moyens de défense soient renforcés.

 

Grève des infirmiers. Ils réclament la mise en application de leur statut.

10 octobre Les réfugiés banyamulenge du camp Gihiga acceptent  finalement  d’être transférés au camp de Bwagirizi  après un entretien avec le 1er Vice-président de la République Yves Sahinguvu.
13 octobre Sur ordre du Gouverneur de Kayanza, sa garde frappe M. Salvator Nsabiriho. Il trouvera la mort des suites de ces coups.
MOIS DE NOVEMBRE
16 Novembre    Prestation de serment de 129 membres des Commissions Electorales Provinciales Indépendantes (CEPI) devant la CENI.
18 Novembre  Comparution du Gouverneur de Kayanza Senel Nduwimana  devant le Substitut du Procureur Général  de la République à Bujumbura suite à des  accusations en rapport avec la mort de Salvator Nsabiriho.
22 Novembre  Organisation d’une marchée manifestation à Bujumbura par les anciens membres du parti FNL dirigé par Jacques Kenese  pour demander le départ d’Agathon Rwasa Président du parti FNL. La marche a été autorisée. Le Maire de la Ville de Bujumbura  justifie cette autorisation par la confusion avec une marche autorisée du mouvement d’action catholique  CHIRO.
23 Novembre  Boycott de la clôture des activités du projet «  Cadres de dialogue » par les partis MSD,FNL,UPRONA, FRODEBU ,MRC,UPD-Zigamibaga,ADR-Urunani rw’imvugakuri et le CNDD. Ils reprochent au Chef de l’Etat de ne pas être acquis à la culture du dialogue.
24 Novembre  Le Ministre de l’Intérieur annule l’ordonnance ministérielle portant agrément du Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC). Sa principale argumentation est que le FORSC comprend des organisations qui n’ont pas été reconnues par le ministère de l’intérieur  mais par d’autres comme le Barreau et les syndicats. Cette mesure provoque des représailles de la société civile qui suspend sa participation à divers projets exécutés avec le Gouvernement.
25 Novembre  Publication d’un rapport des experts sur la République Démocratique du Congo. Il révèle une collaboration entre le FDLR et le Général Major Adolphe Nshimirimana ainsi que le Colonel Agricole Ntirampeba dans l’approvisionnement logistique et  l’assistance médicale.
29 Novembre  Le congrès du parti FNL désigne Agathon Rwasa comme  candidat  aux élections présidentielles de 2010.
MOIS DE DECEMBRE

 

18 Décembre  Le Ministre de la Défense Nationale et des anciens combattants fustige l’indiscipline au sein de l’Armée burundaise. Il déplore l’attitude des militaires qui distribuent des tracts.
21 Décembre Ouverture de la campagne de l’octroi de la carte d’identité. Un million de Burundais recevront gratuitement une carte d’identité grâce à l’appui du PNUD au Gouvernement du Burundi.

 

26 Décembre Le Gouvernement burundais demande formellement le rappel du Représentant de l’ONU au Burundi, Youssef  Mahmoud. Ce dernier  accusé par le Gouvernement d’être proche de l’opposition.

 

24 Décembre  Vote à l’Assemblée Nationale du budget  général de L’Etat, exercice 2010. Il s’élève à 861,5 milliards de BIF. Les ressources propres du budget s’élèvent à 728, 9 milliards, que l’Etat compte compenser par la hausse en cascade de prix de consommation. Des avantages faramineux y sont accordés aux mandataires politiques en fin de mandat.

             

31 Décembre Départ du dernier contingent des soldats de la force sud africaine de la force spéciale de l’Union  Africaine au Burundi.

           

 

 

0. Introduction générale

0.1. Contexte

 

Comme les tendances du premier semestre 2009 le laissaient présager, le second semestre a  continué à être dominé par  le spectre des élections qui approchent. Malgré que le début de la campagne est annoncée  pour le deuxième trimestre 2010, les états majors des partis politiques rivalisent par leur déploiements, ostentatoires pour le parti au pouvoir et plus feutrés pour les autres formations politiques, qui se heurtent régulièrement au courroux des administratifs agissant vraisemblablement sur les consignes du pouvoir.

 

Pourtant dans son message, diffusé à l’occasion du quatrième anniversaire de son accession au pouvoir, le Président Pierre Nkurunziza avait tenu à rassurer, en déclarant « qu’il ne doutait un seul instant que les élections de 2010 se dérouleront dans de bonnes conditions et à la satisfaction de tout le monde ».  A cet égard, il s’est engagé solennellement et  publiquement en déclarant « Nous veillerons à ce que les élections de 2010 se déroulent plus correctement que les précédentes, étant donné que les conditions de sécurité sont aujourd'hui nettement meilleures [5]».

 

Cependant, ces déclarations apaisantes sont quelque peu contrariées par les faits, même si des avancées indéniables ont été remarquées. Ainsi, en dépit des difficultés ayant jalonné le processus d’adoption du code électoral, des pressions diverses, internes et externes,  ont fini par convaincre le parti au pouvoir de la nécessité de privilégier le consensus dans l’élaboration d’une loi d’une aussi grande importance pour l’avenir de la démocratie et la cohésion du pays. Mais parallèlement à cela, alors que les querelles autour de la nomination des membres de la CENI semblaient se calmer, pendant un temps, la CENI  a continué à être la cible de critiques et de remises en cause par  quelques ténors du parti au pouvoir, en particulier de son Secrétaire Général qui a déclaré que son parti n’avait plus confiance dans la CENI[6].  C’est probablement, en raison de cette hostilité que le  Ministre de l’Intérieur avait même bloqué quelque 200 millions de francs burundais (162.000 dollars) qui devaient couvrir les frais de fonctionnement de la CENI pour les mois de juillet, août et septembre 2009. Le Ministre reprochait à la CENI d’avoir recruté 57 de ses cadres au sein de l’opposition[7].

 

Entretemps, les manœuvres de mobilisation des partis sur le terrain se sont poursuivis, culminant par des heurts et des tensions entre les militants des différentes formations politiques. Sur le terrain, les jeunes du parti au pouvoir, dans leurs sports aux allures martiales, ont failli en découdre, à maintes reprises, avec les jeunes du FNL qui souhaitaient leur emboîter le pas. C’est dans cette logique que le FRODEBU a voulu défier les autorités provinciales de Gitega en mobilisant les jeunes de ce parti pour effectuer des exercices similaires à ceux de jeunes « Imbonerakure », dans la perspective annoncée de « combattre le feu par le feu ». Par la suite, le Vice-président de ce parti avait affirmé « Nous avons commencé et nous allons continuer aussi longtemps que le parti au pouvoir le fait et jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il a pris une route dangereuse[8]. »

 

Cette effervescence liée à la campagne électorale empoisonne les rapports entre les partis politiques. La fébrilité née de cette compétition fait que les responsables des partis recourent à tous les stratagèmes pour porter des coups aux autres en vue de les affaiblir. Tous les moyens sont bons et chacun utilise ceux qui sont à sa portée. Dans ce jeu, le parti au pouvoir passe par des courroies politiques et administratives, pour restreindre les libertés d’action, ou  provoquer l’implosion  en proposant des dividendes à certains ténors de ces partis. Le cas du FNL est le plus récent mais d’autres partis comme le FRODEBU ont été touchés auparavant. 

 

La scène politique burundaise a été marquée par un fait sans précédent dans les annales politiques, l’initiation d’une motion de censure par un groupe de parlementaires, à l’égard d’un membre du Gouvernement, le Ministre de l’Energie et des Mines. Il lui était reproché d’avoir cédé l’équivalent de 37 milliards de francs aux deux autres pays membres de la SINELAC, le Rwanda et la RD Congo[9],  sans l’aval du Gouvernement et de l’Assemblée Nationale. Alors qu’en premier temps cette initiative avait plutôt soulevé des réactions de solidarité de la part du groupe parlementaire du CNDD-FDD, d’où était issu le Ministre en question, ces derniers finirent par se raviser. Pour éviter les conséquences politiques d’un désaveu de ce Ministre par l’Assemblée Nationale, ils conseillèrent à ce dernier de présenter sa démission. Ce qui fut fait et  accepté par l’autorité de nomination.

 

S’agissant du fonctionnement de la justice, il y a lieu de se réjouir du lancement, après de nombreuses fausses annonces, des consultations populaires sur la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle. Mais en dépit de quelques progrès réalisés, la justice peine à venir à bout du dossier qui a défrayé la chronique, celui de l’assassinat d’Ernest Manirumva. Des informations crédibles et convergentes font état d’interférences de personnalités influentes de l’Exécutif dans ce dossier. Ces immixtions empêcheraient  la Justice de frapper les véritables auteurs de ce crime. La persévérance et la détermination de la société civile dans le suivi de ce dossier a contribué à envenimer les rapports entre cette dernière et les pouvoirs publics. En  réalité, ces rapports n’ont jamais été bons, car son rôle reste délibérément incompris par les tenants du pouvoir qui préfèrent assimiler la société civile à l’opposition politique. Mais cela n’est pas nouveau. Ce qui l’est par contre, c’est l’acharnement mis pour faire taire les organisations les plus dynamiques et les plus critiques, soit en les radiant purement et simplement, ou en interrogeant sans cesse leur légitimité.

 

Le paysage économique a été caractérisé, en partie par les ajustements consécutifs à l’entrée du Burundi dans la Communauté Est africaine. Mais comme si l’imminence des élections sonnait un sauve-qui-peut généralisé, la corruption et les malversations économiques ont franchi un nouveau cap. Au lieu de rester un phénomène, certes important mais circonscrit à quelques fonctionnaires et agents véreux, celle-ci se pratique au vu et au su de tout le monde. Au regard de l’ampleur du phénomène et de sa fréquence, on peut affirmer qu’il s’agit bel et bien d’une véritable institutionnalisation de la corruption, comme le montrent différents indicateurs, établis par des institutions réputées en la matière. Ainsi, le dernier rapport de Transparency International classe le Burundi à la 168ème position sur 180 pays[10].  Il se trouve à 7 places derrière la RD Congo qui était demeurée pendant longtemps une sorte de repoussoir en la matière. Cette position est donc emblématique d’une étape franchie quant à l’ampleur et la fréquence de la corruption au Burundi.

 

0.2. Objectifs du rapport

 

0.2.1. Objectif global

 

Contribuer à la promotion de la gouvernance juste et démocratique fondée sur les bonnes pratiques et des valeurs d’intégrité, de transparence et de respect des normes et de la déontologie professionnelle dans la gestion des affaires publiques.

 

0.2.2. Objectifs spécifiques

 

0.3. Méthodologie

 

La méthodologie utilisée pour l’élaboration de ce document a combiné la revue documentaires et bibliographique et des entretiens approfondis avec quelques personnalités ciblées en fonction de leur capacités d’analyse ou des positions qu’elles occupent leur permettant d’avoir des informations ou de faire une analyse approfondie du contexte ou d’une thématique déterminée.

 

Le suivi de la situation quotidienne s’est basé sur les informations recueillies par les médias à travers la revue journalière de l’actualité réalisée par le centre de monitoring des Média de l’Organisation des Média de l’Afrique Centrale (OMAC).L’analyse de certaines thématiques a nécessité une recherche de données ou d’informations particulières qui ont été recherchés dans certains services publics ou auprès d’organisations de la société civile.

 

0.3.1. Documentation

 

L’essentiel de la documentation est constituée de documents divers provenant de différentes sources. Il s’agit notamment  des coupures de presse des journaux écrits, des extraits provenant des sites web écrivant sur le Burundi ou la retranscription des informations diffusées par diverses radios opérant au Burundi. La deuxième catégorie est constituée de rapports émanant de diverses institutions étatiques et non étatiques, des organisations internationales, mais également les décisions prises par diverses institutions du pays avec une attention particulière sur les rapports des organisations des droits de l’homme locales et internationales, les rapports du BINUB, etc. La Constitution de la République du Burundi, les lois budgétaires pour les exercices 2009 et 2010 ainsi que d’autres lois ont été consultées.

 

0.3.2. Les entretiens individuels

 

L’entretien avec des personnalités ciblées disposant d’une position leur permettant de suivre de près l’évolution du pays, d’avoir des informations pertinentes ou par l’écart dont elles bénéficient par rapport aux événements, a été réalisé pour compléter les informations brutes tirées des différentes sources documentaires. 

 

Les personnalités à enquêter ont été identifiées à partir d’une palette variée comprenant des personnalités politiques diverses, des membres de la société civile, des personnalités provenant des confessions religieuses, des membres de quelques représentations diplomatiques au Burundi, etc. Cet échantillon comprend quelques femmes et hommes d’affaires du pays.

 

Les entretiens individuels  ont été réalisés sur base d’un guide d’entretien administré de façon structurée.

 

0.4. Articulation du rapport

 

Le rapport comprend trois chapitres sur la Gouvernance politique, économique, administrative et sociale.

 

La gouvernance politique se concentre sur l’état de la sécurité dans le pays et analyse à ce sujet les résultats de la dernière campagne de remise volontaire des armes. Le fonctionnement de la justice est également analysé par rapport à son rôle de répression des crimes. Deux cas sont abordés : celui de la mort de Salvator Nsabiriho et les enquêtes sur l’assassinat d’Ernest Manirumva. La politique est fortement dominée par les préparations des élections, l’influence que la campagne précoce exerce sur la gouvernance sera abordée avec les tensions et les confrontations qu’elle entraîne au sein de la société et surtout de la classe politique. Il y a enfin les aspects importants sur la façon dont les pouvoirs publics garantissent les droits et les libertés des citoyens qui sont liés aux rapports entre les différents pouvoirs et leurs capacités de jouer leur rôle de façon indépendante. Cette partie se clôture sur l’analyse de la demande de rappel du représentant du Secrétaire Général des Nations Unies, ses motivations et ses probables conséquences sur l’évolution du pays.

 

Le deuxième chapitre est consacré à la gouvernance économique. Il aborde les questions liées à la façon dont le Gouvernement s’attelle à la lutte contre la corruption. Le budget pour l’exercice 2010 est analysé avec ses déséquilibres et ses distorsions ainsi que les questions que son adoption soulève. Une comparaison est faite sur base du niveau de corruption et de l’environnement des affaires entre le Burundi et ses voisins de l’Afrique de l’Est. Les réformes structurelles opérées sont présentées ainsi que les priorités et défis économiques. Concernant la lutte contre la corruption, le constat qui s’impose est que la corruption est en train d’être institutionnalisée. A cet égard, l’attribution du marché des plaques d’immatriculation, emblématique de la grande corruption, est analysée.

 

Le dernier chapitre  aborde la gouvernance administrative et sociale. Dans ce domaine, les développements qui retiennent l’attention sont : la grogne au sein des forces de défense et de sécurité, les dysfonctionnements dans la distribution des plaques d’immatriculation, la gestion de l’énergie électrique par la Regideso, la grogne persistante dans les secteurs de la santé et de l’éducation et enfin la façon dont les pouvoirs publics gèrent les questions de rapatriement et des réfugiés.

 

Une conclusion et des recommandations clôturent ce rapport d’observation.

 

Chapitre 1 : La Gouvernance politique

La période pré-électorale, avec ses inévitables tensions, met à rude  épreuve la gouvernance dans des contextes comme celui du Burundi. Elle devient de ce fait un moment propice pour mesurer  la capacité des dirigeants à rester au dessus du lot, leur gestion des tensions, et le maintien, si tel était le cas, de la neutralité et de l’équité des institutions envers tous les citoyens, quelles que soient leurs appartenances politiques. Dans un tel contexte, l’analyse de la gouvernance,  ausculte l’usage de l’autorité politique, économique, ou administrative pour gérer les affaires d’une communauté dans le sens de l’intérêt général.

 

Ce chapitre fait l’examen de la gouvernance à travers ses différents aspects notamment  le climat de sécurité qui règne, la façon dont les pouvoirs publics assurent la sécurité des citoyens, la manière dont les droits et les libertés sont garantis, le fonctionnement des institutions et la façon dont elles assument leurs différentes missions. Les rapports entre les trois pouvoirs seront analysés. Une attention particulière a été réservée à la demande de rappel du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations et ses éventuelles conséquences sur la capacité du BINUB d’assumer ses missions dans les prochains mois.

 

1.1. Lueurs de paix sur fond d’insécurité persistante

 

Dans son discours prononcé lors de la  célébration du quatrième anniversaire de son accession au pouvoir, le Président Pierre Nkurunziza  a dressé un bilan fort reluisant de la situation sécuritaire dans le pays. En effet selon lui « Ce jour arrive à point nommé, car nous le célébrons au moment où la paix règne dans tout le pays. Nous nous étions engagés à faire du retour et du renforcement  de la sécurité la priorité des priorités de notre action gouvernementale, pour que les Burundais se reposent définitivement des attaques meurtrières qu’ils subissaient chaque jour. La paix est maintenant une réalité chez nous. »

 

Selon lui «  Cela a été possible grâce à la signature des accords de cessez-le-feu entre le Gouvernement et le dernier mouvement politique armé, et maintenant la mise en application de ces accords est dans sa phase finale, ce qui a renforcé de plus la sécurité. »

 

Concernant le désarmement, le Président souligne que « quantité d’armes à feu illégales ont été retirées lors des fouilles perquisitions, d’autres remises volontairement.  Ce travail de récupération des armes se poursuit contre cadeaux. Mais une loi sur le désarmement va sous peu être promulguée, qui est destinée à faire plier tous ceux qui auront fait la sourde oreille

 

Le Président a conclu ce bilan sur la situation sécuritaire en affirmant  que « actuellement donc, la sécurité est totale sur tout le territoire national. On peut voyager à travers tout le pays, n’était-ce la présence de quelques bandits armés, mais cela se retrouve dans tous les pays, surtout post-conflit. Certains de ces criminels et d’autres malfaiteurs ont déjà été appréhendés par les forces de l’ordre en collaboration avec la population, et ils ont été remis aux mains de la justice qui les a jugés et punis conformément à la loi[11]. »

 

1.1.1. Une insécurité toujours persistante

 

En dépit de l’arrêt total des hostilités et des progrès réalisés dans le processus de démobilisation/réintégration, les tendances du premier semestre 2009, dégageaient  l’existence d’une insécurité persistante sur toute l’étendue du territoire.  Même si le mois de juillet et août semblent caractérisés par une certaine accalmie, si on se réfère aux informations  diffusées par les média, qui peuvent être difficilement exhaustives, le mois de septembre est marqué par la hausse des incidents violents. A titre d’exemple, rien qu’en se référant aux cas diffusés par les média, ce mois a connu 37 incidents violents, avec comme bilan une trentaine de morts et 21 blessés.

 

Le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur le Burundi, attribue cette insécurité persistante notamment  à la prolifération d’armes légères, les conflits au sujet de la terre et des possibilités limitées de réintégration socioéconomique des soldats démobilisés et des ex-combattants ainsi que des rapatriés, des personnes déplacées et d’autres groupes vulnérables[12]. Cette insécurité multiforme est devenue permanente, quotidienne sur l’ensemble du territoire du Burundi[13].

 

En gros, ces violences sont constituées notamment par des attaques ciblées pouvant être motivées par des règlements de compte, des vols à main armée et des embuscades sur les routes. De plus en plus, on observe des cas de justice populaire où la population s’en prend à un malfaiteur présumé, généralement pour le tuer. Rien que pour le mois de septembre 2009, trois cas de ce  type, sont survenus. L’on sait que ces réflexes sont fortement liés à la perception que les criminels bénéficient de l’impunité, ce qui accroît la colère des victimes et leur désir de se faire justice.

 

Comme cela se dégageait des données du premier semestre 2009, la plupart de ces forfaits sont principalement commis à l’aide des armes à feu et des grenades dans plus de 70% des cas[14].  

 

C’est probablement pour faire face à ce défi, et répondre aux nombreux appels de la communauté internationale et des organisations nationales, que le Gouvernement du Burundi, après plusieurs opérations ratées de désarmement volontaires ou forcées, a entrepris la récente campagne de désarmement de la population civile (octobre 2009). Notons que deux importantes campagnes avaient été organisées précédemment. La première avait été lancée le 9 mai 2005 sur base du décret n°100/061 du 4 mai 2005. La seconde campagne de désarmement volontaire a été lancée sur base d’une nouvelle stratégie de désarmement des civils, élaborée par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique issu des élections de 2005. Cette nouvelle stratégie, qui devait initialement débuter en janvier 2006, préconisait de s’appuyer cette fois sur un désarmement volontaire et non forcé. Le 14 avril 2006, le gouvernement a donc annoncé que la population civile avait jusqu’au 5 mai pour procéder à l’enregistrement de ses armes, date au-delà de laquelle les personnes toujours en possession d’une arme pourraient être poursuivies. Cette amnistie devait s’accompagner d’un dialogue entre les autorités et les civils, ces derniers étant invités, le cas échéant à donner par écrit les raisons pour lesquelles ils ne souhaitaient pas se défaire de leurs armes.  Des discussions sur le thème de l’insécurité étaient également prévues, en particulier pour les individus qui déclareraient souhaiter garder leur arme pour assurer leur protection personnelle. Selon plusieurs sources, ces deux campagnes ont eu des résultats décevants[15].

 

La façon dont ces opérations étaient conduites et surtout  des informations crédibles sur d’éventuelles distributions d’armes à certains groupes, faisaient planer le doute sur la volonté réelle du Gouvernement de procéder à un désarmement total, équitable et rassurant de la population civile.

 

C’est à l’aune de ces éléments  qu’il faut analyser les résultats de la campagne de sensibilisation à la remise volontaires des armes légères et de petit calibre, menée par la commission de désarmement de la population civile et de lutte contre la prolifération de ce type d’armes du 19 au 28 octobre 2009.

 

 1.1.2. La récente campagne de remise volontaire des armes : des résultats mitigés

 

Malgré l’autosatisfaction affichée par les responsables de la  récente campagne nationale de « remise et de collecte d’armes contre des outils », des questions se posent quant aux résultats, aux méthodes utilisées et aux objectifs de cette opération.

 

Selon le Président de la Commission technique de désarmement des civils et de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre (CDCPA), ladite campagne  « vient d’aboutir à des résultats on ne peut plus satisfaisants et rassurants pour une évolution positive de la sécurité dans notre pays et la préparation des élections paisibles et crédibles en 2010. » De plus, les résultats « enregistrés rassurent l’opinion nationale et internationale et constituent un espoir à entretenir pour que le processus électoral puisse se dérouler dans un environnement favorable[16]. »

 

Au regard des résultats chiffrés de la campagne, et tel que les choses sont présentées par les responsables, il pourrait s’agir à priori d’une avancée importante dans le désarmement des civils au Burundi. Mais ces progrès ne peuvent être mieux compris qu’à l’analyse des enjeux et du contexte politique et légal  du moment.

 

Une cartographie des armes remises montre que dans le cas des armes d’assaut, des grenades et des munitions, celles remises par la population civile de la capitale constituent la majorité. En effet, les armes d’assaut remises dans la province de Bujumbura mairie s’élèvent à 1376 contre 810 pour le reste du pays. La part de la  capitale représente à elle seule 63% des armes remises. Concernant les pistolets, les proportions sont beaucoup plus inégales, le total remis s’élève à 389, dont 310 en provenance de la seule capitale, soit environ 80% du total. Concernant les munitions l’apport de Bujumbura Mairie représente 51,3% avec 88506 munitions sur un total de 172643. Le nombre de grenades paraît mieux réparti selon les provinces (voir tableau ci-dessous)

 

 

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 1: Armes d'assaut remises

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 2: Pistolets remis

 

Source : CDCPA

 

Il est important de souligner que le type d’armes aux mains des civils varie par province. D’après l’enquête menée auprès des ménages, les armes de poing (pistolets et revolvers) sont détenues principalement à Bujumbura, alors que dans le reste du pays on trouve majoritairement des armes de guerre, essentiellement des Kalachnikovs et des grenades[17].  On  sait qu’à différentes périodes des crises cycliques que le pays a connues, l’armement de la population s’est fait à l’aune des clivages ethniques, suivant deux principales vagues, en 1972 où c’était principalement les Tutsi qui étaient armés et en 1993-1994, où Tutsi et Hutu se sont armés en même temps, avec la création d’un vaste mouvement de rébellion dominé par les Hutu.

1.1.2.1. Résultats chiffrés de la campagne de désarmement du 19 au 28 octobre 2009

 

 

Province

Armes d'appui

/équipe

 

Armes d'assaut

Pistolets

Mines

Bombes

Grenades

Munitions

TOTAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bubanza

3

48

5

8

311

869

5721

6965

Buja Mairie

10

1376

310

2

45

1891

88506

92140

Buja rural

2

92

7

3

103

1130

14473

15810

Bururi

1

211

13

 

1

1057

12743

14026

Cankuzo

 

23

 

 

2

256

1856

2137

Cibitoke

1

36

7

8

15

601

1174

1842

Gitega

 

62

10

4

11

437

7289

7813

Karusi

 

22

2

4

11

437

7289

7765

Kayanza

 

46

 

1

19

1020

4914

6000

Kirundo

1

24

5

1

1

746

1984

2762

Makamba

 

52

3

2

4

439

4182

4682

Muramvya

 

26

3

 

3

1101

3569

4702

Muyinga

 

38

3

 

5

355

5518

5919

Mwaro

 

28

3

 

1

438

2876

3346

Ngozi

 

68

14

 

6

1062

5863

7013

Rutana

 

13

2

2

4

546

2387

2954

Ruyigi

1

21

2

4

2

266

2299

2595

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOTAL

19

2186

389

39

544

12651

172643

188471

 

Source : CDCPA

 

1.1.2.2.  Le cadre légal et le contexte du pays

 

La loi portant régime des armes légères et de petit calibre commençait à dater et contenait des dispositions devenues obsolètes, en particulier face aux engagements pris par le Burundi, notamment par rapport  au protocole de Nairobi sur la prévention, le contrôle et la réduction des armes légères et de petit calibre dans la Région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique[18]. En la matière, c’est le décret n°1/91 du 2 août 1971 portant régime des armes à feu et de leurs munitions qui était d’application. L’amendement de cette loi a donc une portée politique importante et doit être analysé dans le contexte politique du moment.

 

En son article 6, la nouvelle loi  limite l’octroi du permis de port d’armes aux seuls fusils à répétition. Seuls les fusils de chasse et les fusils à répétition peuvent faire l’objet d’un permis de port d’arme délivré par le Ministre ayant la Sécurité Publique dans ses attributions. Une ordonnance conjointe des Ministres ayant la défense et la sécurité publique dans leurs attributions, détermine la liste des armes à feu pouvant être détenues par les civils[19].

 

La même interdiction vise les armes permettant d’utiliser des munitions appartenant à l’armement des forces de défense et de sécurité ainsi que les munitions pouvant convenir à des armes appartenant au même armement. Par ailleurs, l’inclusion d’un nouveau type d’arme dans l’armement des forces de défense et de sécurité entraîne la révocation des permis de port d’arme couvrant la détention d’armes appartenant à ce type ainsi que des autorisations de détention de toutes munitions convenant à ce type d’arme.

 

La loi change l’autorité ayant les prérogatives d’octroyer les permis de port d’armes. Elles passent du Ministère de la défense nationale  à celui de la sécurité publique. On peut penser que dans le contexte actuel, le changement de cette disposition n’est pas le fait du hasard. Il pourrait avoir une portée politique au regard des gestionnaires de ces ministères, lorsqu’on sait que le ministère de la sécurité publique est géré par un Ministre issu du parti au pouvoir et le ministère de la défense géré jusqu’aujourd’hui par une personnalité issue des Forces Armées Burundaises (FAB).

 

Les nouvelles dispositions qui annulent les permis de possession et de ports d’armes plongeaient les anciens propriétaires des permis dans l’illégalité et les poussaient donc tous à remettre leurs armes puisque celles-ci étaient enregistrées et connues. L’interdiction de possession des armes similaires à celles utilisées par les forces de défense et de sécurité rendaient caduques la possession des armes par les anciens militaires qui de ce fait étaient obligés de les remettre[20].

 

Si on se réfère au registre des permis de port d’armes, on voit que le premier à été délivré le 16 avril 1965 et le dernier le 27 juillet 2009, totalisant 4205 permis pour différents types d’armes, dont principalement les armes d’assaut et les pistolets. Au regard du nombre d’armes d’assaut de pistolets remis, au nombre de 2594,  l’hypothèse vraisemblable est que la grande partie des armes remises sont celles dont les détenteurs disposaient de permis de port.

 

Or, à une certaine époque, depuis 1972, la plupart des permis de port d’armes ont été donnés majoritairement à des Tutsi. Des questions peuvent donc être posées sur les résultats de  cette campagne. Elle pourrait avoir simplement réglé un problème qui faisait depuis longtemps l’objet de controverses sur les vagues d’armement dans le pays et sur l’identité ethnique des  bénéficiaires. Il est aussi bien connu que depuis 1994, des populations hutu et tutsi ont été obligés de s’armer. Selon plusieurs sources, certains combattants ont conservé leurs armes et les ont cachées pour pouvoir les utiliser ou les vendre en cas de besoin. Parfois même pendant la guerre, les armes récupérées sur le terrain n’étaient pas déclarées ni remises au groupe, mais cachées par les combattants qui les avaient trouvées pour éventuellement être réutilisées en cas de besoin –au cas, notamment, où ils perdraient la leur. Les grenades, également, étaient parfois cachées et conservées par les combattants car il était facile de prétendre les avoir utilisées[21].

 

Pour calmer les inquiétudes des organisations nationales et de la communauté internationale, face à la prolifération des armes et leur éventuel impact sur les élections, certains craignent que le pouvoir ait choisi de procéder à une campagne de désarmement biaisé et partiel[22]. Ces résultats pourraient être même utilisés dans la campagne électorale où les relents ethniques peuvent être réactivés dans d’éventuelles mobilisations ayant des soubresauts ethniques. D’ailleurs, dans le discours de présentation des résultats de la campagne de remise des armes, les élections de 2010 sont évoquées à maintes reprises. Or, il y a lieu de penser que la probabilité d’utilisation des armes disposant d’un permis de port pour commettre  des crimes devait être très faible, à cause d’une possible traçabilité. De ce fait, la collecte des armes disposant d’un permis risque d’avoir un impact relativement faible sur la diminution du nombre de forfaits commis au moyen des armes à feu, puisque ceux qui les détiennent illégalement ne les auraient pas remises et continueraient à en faire usage.

 

Par ailleurs, dans l’environnement régional actuel, surtout face aux faits révélés dans le rapport des experts des Nations Unies sur la RD Congo, l’autre question sérieuse qui se pose est celle de la destination des armes collectées[23]. Le protocole de Nairobi en son article 8, sur la destruction des armes légères et de petit calibre appartenant à l’Etat, engage ce dernier à faire en sorte que les armes légères et de petit calibre devenues excédentaires, inutilisées ou dépassées à travers la mise en œuvre d’un processus de paix, le ré-équipement ou la réorganisation des forces armées et / ou d’autres organes étatiques soient entreposées en sécurité, détruites ou éliminées, de façon à prévenir leur entrée dans le marché illicite ou leur flux dans des régions en conflit ou dans d’autres endroits qui ne sont pas totalement en accord avec les critères de restriction convenus[24].

Répondant à la question sur la destination des armes récupérées, le Président de la CDCPA a dit que les armes récupérées allaient être traitées avec l’appui d’un organisme international, ayant de l’expertise dans ce domaine et qui a assisté dans la collecte des armes, leur conservation et leur destruction. Il a expliqué que ces armes pourraient trouver leur place dans un musée ou être détruites par les soins de la brigade logistique de la FDN, ou fondues pour en faire des houes ou des barres de fer pour la construction[25].

 Un système permettant la traçabilité de ces armes est nécessaire,  garantissant au pays de se conformer aux engagements du protocole de Nairobi et d’éviter que les armes récupérées n’aillent alimenter les conflits encore actifs dans la région en particulier à l’Est de la République démocratique du Congo.

1.2. Entraves posées à la justice dans la poursuite de criminels présumés

 

Les faits survenus au cours du second semestre 2009 confirment la tendance de protection de certaines autorités présumées avoir commis des crimes, comme cela avait été le cas, au moins dans les premiers moments, pour l’attaque d’élèves à Kayogoro, dans les tueries de Muyinga et d’autres. Lorsqu’une autorité administrative ou policière issue du parti au pouvoir est soupçonnée d’avoir participé ou commandité un crime, le premier réflexe est de recourir à tous les stratagèmes possibles et imaginables pour le soustraire aux poursuites. Cela passe parfois par des prises de position claires de certaines autorités visant à innocenter le criminel présumé, exercer des pressions sur les autorités policières ou judiciaires ou simplement confier le dossier à des magistrats ciblés en fonction de leur allégeance aux autorités et du respect des consignes qui leur sont données.

 Cependant, il arrive que sous la pression, les autorités soient obligées de céder, en acceptant que des poursuites totales ou partielles soient effectuées à l’égard des auteurs présumés. Cette tendance n’a pas changé en particulier dans les cas de l’assassinat de Salvator Nsabiriho et dans la poursuite des assassins d’Ernest Manirunmva.

 

1.2.1. La mort  de Salvator Nsabiriho

1.2.1.1. Les faits : l’implication du Gouverneur de Kayanza

Salvator Nsabiriho était un citoyen cinquantenaire résidant à Kayanza, retraité des Forces Armées Burundaises. Salvator Nsabiriho est mort à l’hôpital Prince Régent Charles, le 4 novembre 2009, suite aux coups et blessures lui infligés le 13 octobre par les policiers qui assuraient la garde du Gouverneur de Kayanza et sur ordre de celui-ci. Etabli à Kayanza, la victime y possédait une parcelle, qui était en chantier qui intéressait particulièrement le Gouverneur de Kayanza, Monsieur Sennel Nduwimana.  Ce jour fatidique, ce dernier lui avait réclamé les titres de propriété en braquant sur lui un pistolet. Voyant la tournure de la discussion, la victime  avait réussi à s’échapper mais le Gouverneur dépêcha aussitôt des policiers de sa garde pour le rattraper et le corriger.

La façon dont cet ordre était libellé n’est pas connue, étant donné que l’affaire est toujours pendante devant les tribunaux. Ce qui est évident, c’est que les policiers se mirent à le molester jusqu’à lui causer des préjudices irréversibles. Evacué vers l’hôpital, Salvator Nsabiriho succomba à ses blessures. L’affaire provoqua un grand émoi, car pour beaucoup d’observateurs, les responsabilités étaient claires. A côté de nombreuses autres déclarations sur le dossier, la plus retentissante  fut celle du Délégué Général de FORSC, Pacifique Nininahazwe, lors des obsèques de la victime. Dans son mot, Pacifique Ninihazwe fustige ces agissements en ces termes Nininahazwe « le corps que nous enterrons aujourd’hui est celui d’un innocent qui a succombé à ses blessures suite aux violences qui lui ont été infligées, devant témoins, sur ordre direct du Gouverneur de la Province de Kayanza. Nous ne pouvons faire autrement que de saisir les plus hautes autorités du pays pour qu’elles prennent les mesures qui s’imposent, en l’occurrence exiger la démission de ce gouverneur qui abuse de l’autorité de l’Etat qui lui a été déléguée dans l’intérêt des citoyens, afin qu’il réponde de ses actes devant la Justice et si le Président de la République continue à faire sourde oreille face à de tels crimes, nous le prendrons pour un complice et le moment venu, il devra aussi en répondre. »

Ces propos valurent le courroux du pouvoir à Pacifique Ninihazwe, non seulement à sa personne, qui subit des menaces de mort ou reçut des informations sérieuses sur la préparation d’un attentat envers sa personne, mais c’est en grande partie cela qui valut à FORSC d’être suspendu en guise de représailles, mais aussi pour isoler le Délégué Général de FORSC et lui enlever le cadre légal à travers lequel il travaillait pour le fragiliser. Deux mois après le forfait, le Gouverneur de Kayanza occupe toujours ses fonctions avec la protection des plus hautes autorités du pays sans même aucune sanction administrative.

1.2.1.2. Les manœuvres utilisées pour assurer l’impunité de Sennel Nduwimana

 

Face à l’émoi provoqué par la mort de Salvatar Nsabiriho, différentes organisations réclamèrent que justice soit faite. Mais apparemment, le Gouverneur de Kayanza représente beaucoup dans le dispositif du pouvoir dans cette province.  Accepter son implication dans l’assassinat de Salvator Nsabiriho risquait d’avoir un coût politique élevé, notamment en ternissant fortement l’image du pouvoir. C’est pourquoi des stratégies ont été vite  mises en place pour voler à la rescousse du Gouverneur.

 

Le 12 novembre 2009, le Gouverneur de la province de Kayanza comparaît pour la première fois devant le Substitut du Procureur Général de la République.

 

Le 17 novembre 2009, alors que Sennel Nduwimana,  devait comparaître pour la seconde fois, le Ministre de l’intérieur organise une rencontre à Kayanza qui réunit les administrateurs communaux, les représentants des partis politiques ainsi que les services de la police. Au cours de cette rencontre, la présence du gouverneur de la province Kayanza est présentée comme indispensable et la question relative à la mort de Salvator NSABIRIHO a fait objet de discussion. Cette rencontre sert de tribune au Gouverneur et au Ministre pour fustiger l’attitude des médias et de la société civile sur ce dossier.

Le lendemain, le Gouverneur comparaît pour la 3ème fois. Le Procureur Général de la République nomme un second magistrat, Liboire NKURUNZIZA, dans l’instruction du dossier. Auparavant, l’instruction était conduite par  Anatole NTUNZWENIMANA. La nomination d’un second magistrat instructeur confirmerait que l’évolution des enquêtes menées par ce magistrat, n’auraient pas plu aux hautes autorités[26]. Cette nomination soulève des interrogations. Selon Avocats Sans Frontières, cette procédure est troublante quant à la façon dont l’enquête se mène. Selon cette organisation, deux magistrats ne peuvent pas être désignés pour instruire un même dossier. Surtout qu’aucune faute n’avait été reprochée au magistrat chargé de l’instruction. L’autre problème qui se pose est de savoir qui signera le rapport d’instruction[27].

Le 25 novembre 2009, le Gouverneur de Kayanza, Sennel NDUWIMANA, comparaît pour la quatrième fois, devant les deux substituts du Procureur Général de la République. Le gouverneur et trois de ses agents de garde, accusés d’avoir battu Salvator NSABIRIHO ont été entendus ce 25 novembre 2009. Après l’interrogatoire, le Gouverneur reste libre et les trois policiers retournent dans la prison dans laquelle ils venaient de passer plus de deux semaines.

 

Plus d’un mois après la mort de Salvator Nsabiriho, le principal suspect jouit d’une totale impunité. En dépit de ses comparutions, tout paraît être mis en place par les plus hautes autorités du pays pour le soustraire à la rigueur de la loi, malgré de nombreux appels lancés par diverses organisations nationales et internationales. S’il est vrai comme l’affirment certaines autorités, que la présomption d’innocence doit être respectée et laisser la justice travailler, le minimum, en cas de volonté d’équité, aurait été de prendre des mesures administratives à son encontre.  La suspension de son poste de Gouverneur aurait dû faciliter sa mise à la disposition entière de la justice, en le privant des possibilités d’influencer les témoins et par conséquent de fausser les enquêtes.

 

Un autre fait qui montre la volonté de déstabiliser la procédure judiciaire est la nomination du magistrat qui était chargé de l’instruction à un autre poste. Entretemps le Procureur de la République à Kayanza a également été affecté ailleurs.

 

1.2.2. Les velléités d’étouffer la vérité sur l’assassinat d’Ernest Manirumva 

 

Ernest Manirumva, Vice-président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME) a été assassiné  dans la nuit du 8 au 9 avril 2009. Sa mort a suscité une forte mobilisation. Beaucoup ont réclamé que toute la lumière soit faite autour de son assassinat et que les responsables de sa mort soient punis conformément à la loi. Le « Federal Bureau of Investigation » (FBI) a offert sa collaboration technique dans les enquêtes.

 

La société civile burundaise s’est mobilisée en mettant en place une initiative dénommée « Justice pour Manirumva » dans laquelle plusieurs activités étaient prévues, notamment une marche manifestation, une messe souvenir, chaque 9ème jour du mois, le port de pins frappés à l’effigie d’Ernest Manirumva et bien d’autres. Ces actions devaient se poursuivre jusqu’ à ce que toute la vérité éclate[28].

L’interdiction d’une marche manifestation pour réclamer justice est apparue troublante et suscité beaucoup d’interrogations. Une première manifestation de la société civile qui devait avoir lieu le 29 mai 2009 a été interdite à la dernière minute par le Maire de la Ville de Bujumbura. Une deuxième marche prévue pour le 10 juillet 2009 a été mise en veilleuse suite au refus verbal du Ministre de l’Intérieur en dépit d’une longue concertation et de toutes ses assurances vis-à- vis des représentants de la société civile.

D’habitude, ce sont les manifestations à caractère politique qui sont interdites. Cette décision conférait donc à ce dossier un caractère politique, ce qui incitait à penser que des personnes haut placées étaient hostiles à cette mobilisation.

Au fil du temps plusieurs éléments sont venus conforter cette hypothèse. De nombreuses informations commencent à filtrer sur le mobile de son assassinat, la nature des dossiers de corruption qui auraient été emportés et qui impliqueraient de hautes personnalités du pays. Tout laisse croire que la vérité est déjà connue, et à maintes reprises des responsables de la société civile ont menacé de divulguer les noms des auteurs présumés de ce crime au cas où les enquêtes continueraient à piétiner.

 

La première commission devait remettre ses conclusions le 22 mai 2009. Elle a été changée. On en est à la troisième dont le Président, M. Adolphe Manirakiza,  a été nommé le 2 octobre 2009, en remplacement de Stany Nimpagaritse. Il doit coordonner une équipe de deux magistrats et deux officiers de la police judiciaire. Le Procureur Général enjoint au nouveau président de la commission de « donner à celle-ci un rythme qui permette d’aboutir aux résultats escomptés dans un délai qui ne serait pas long ». Il prend le soin de ne pas en préciser la longueur. De plus, il lui « demande de rester ouvert à la collaboration avec tous les partenaires (notamment la société civile) et internationaux (notamment le FBI qui a offert son appui) qui disposent d’informations pouvant faire avancer l’enquête[29]

 

L’instabilité des commissions d’enquête est un signe qui ne trompe pas sur l’absence de volonté politique de faire aboutir le dossier. Pourtant la troisième commission semblait incisive à ses débuts. Elle paraît s’inscrire dans la ligne tracée par l’autorité de nomination qu’est le Procureur Général de la République. Selon des informations fiables, la collaboration avec la société civile, au moins dans les débuts est bonne.

Les arrestations opérées laissaient augurer d’un changement de cap. Mais la société civile qui a résolu de suivre ce dossier insiste sur le fait que "ce sont uniquement de petits poissons qui sont en prison, il y a aussi quatre gros poissons, des hauts responsables de la police qui sont soupçonnés d'avoir une part de responsabilité dans ce meurtre, mais ils ne sont pas inquiétés"

Cependant, l’interférence avérée de hauts responsables[30], constitue un blocage, difficile à surmonter. Les réflexes de protection jouent à plein, et face à ces pressions, la commission procède par boucs émissaires interposés. La majeure partie des personnes arrêtées apparaissent être des exécutants ou qui ont joué un rôle périphérique. La société civile qui affirme que "la Commission d'enquête sur l'affaire Manirumva connaît les noms de ces officiers de haut rang. (...) demande qu'ils soient arrêtés eux aussi et interrogés. » Sinon, elle menace de "révéler très bientôt ces noms, si rien n'est fait rapidement"[31].

Selon certaines sources, ces manœuvres de retardement, pourraient permettre à certains responsables présumés de se préparer pour fuir le pays comme cela a été le cas dans d’autres dossiers.

1.3. La fièvre électorale et la violence politique

 

Dans ces différentes déclarations, le Président de la République du Burundi ne cesse d’affirmer son engagement pour  rassurer quant à la transparence et la sérénité qui devront caractériser les élections de 2010. Lors de sa visite en Belgique, il a assuré que «  En vue de sauvegarder les acquis de la paix retrouvée, nous avons instauré le dialogue entre les formations politiques et promu le pluralisme dans toutes les initiatives importantes dans le souci de bien préparer les élections que la loi prévoit pour l’an 2010. Nous vous assurons que ces élections seront libres, transparentes, apaisées et se dérouleront dans un environnement serein[32]

 

Nonobstant les nombreux obstacles auxquels s’est déjà heurté le processus électoral, des avancées obtenues, certes à l’issue de longues joutes entre le parti au pouvoir et les autres partis politiques, des avancées sont notables. Parmi celles là, les plus importantes sont l’obtention  du consensus autour de la nomination d’une commission nationale électorale indépendante, l’adoption du code électoral et la nomination des membres des commissions électorales provinciales et communales. Ces avancées vont dans le sens des assurances qui sont continuellement données par le Président de la République.

 

 Cependant d’autres faits plaident en faveur du pessimisme.  De nombreux appels émanant de diverses organisations sont sans cesse adressées aux plus hautes autorités du pays  afin de créer des conditions propices à l’organisation d’élections apaisées, libres et transparentes. Généralement ces appels sont mus par une série d’inquiétudes résultant de faits annonciateurs de violences, de tensions ou des violences déjà avérées. C’est dans ce cadre que dans son dernier rapport, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Burundi, tirait la sonnette d’alarme. Il estime que le Burundi a besoin d’un dialogue politique urgent[33].

L’Expert note Noting that the established mechanism to facilitate dialogue among political parties was not working due to mutual distrust and suspicionamong the parties, Mr.Okola urged the international community, and all other friends of Burundi, to facilitate dialogue.“In this highly charged political climate, careless and unguardedutterance across party lines can lead todire consequences for the country and its people.  Itmust be stopped,” stated Mr. Okola.que « le mécanisme mis en place pour faciliter le dialogue entre les partis politiques ne fonctionne pas en raison de la méfiance mutuelle entre les parties ». Selon lui, « dans ce climat politique très chargé, des déclarations inconscientes et irréfléchies de tous les partis politiques peuvent entraîner de sérieuses conséquences pour le pays et son peuple. Cela doit s’arrêter[34]

“Combative political tactics risk the stability of the nation, and differences can and should be addressed openly with all parties at the table, whether or not the parties choose to use a third party to facilitate the dialogue.” The pre-election period will prove decisive for Burundians, with the stability of their country and the potential to consolidate peace in their hands.« Les tactiques politiques agressives mettent en péril la stabilité de la nation, et les différences peuvent et doivent être abordées ouvertement avec toutes les parties concernées, et ce, qu’elles choisissent ou non d'utiliser un tiers pour faciliter le dialogue ». Selon l’Expert indépendant, la période pré-électorale sera décisive pour la stabilité du pays et les efforts menés en vue de consolider la paix. Le destin du pays, a-t-il estimé, se trouve entre les mains des Burundais.

La montée de la fièvre électorale se manifeste  par des  confrontations autour des enjeux électoraux et à travers le positionnement électoral sur le terrain.

1.3.1. La valse du code électoral et les enjeux électoraux

Le processus d’adoption du code électoral a connu un cheminement sinueux. Il a mis en évidence les enjeux électoraux  dont la fixation portait principalement sur la succession  des scrutins et leurs répercussions sur les résultats des élections. 

La  présentation du projet de code électoral, au Conseil des Ministres,  par le Président de la République, a soulève un tollé général de la majorité des partis politiques, de la société civile et de la communauté internationale. Les membres du Gouvernement issus du Frodebu claquent la porte et boudent la séance. Ils  reprochent à ce projet de violer les compromis négociés lors des consultations tenues dans le projet « Cadres de dialogue ». Quatorze partis adressent une correspondance au Secrétaire Général des Nations Unies. Selon eux « ce comportement du Président de la République et son parti politique le CNDD-FDD se manifeste par  une volonté ferme de négation d’un Burundi dirigé par le dialogue pourtant initié par le Chef de l’Etat lui-même et les Nations Unies à travers le projet « Cadres de dialogue  pour se manifester dans le diktat et la force[35]

D’autres désaccords portent sur l’organisation et le fonctionnement de la CENI, qui selon  la proposition présidentielle,  devait être déterminé par un décret. Selon ces partis, cela comportait des risques de pressions diverses émanant du Gouvernement, des partis politiques et des candidats.

Enfin, les partis politiques dénonçaient la majoration des cautions de 500% surtout pour les candidats présidents de la République.

Ces éléments soulevés,  en porte–à-faux  avec les compromis obtenus lors des consultations, étaient considérés comme une manœuvre du parti au pouvoir visant à augmenter ses chances de gagner, loyalement ou pas. Misant sur son champion,   le Président de la République, qui n’est pas encore déclaré candidat,  l’organisation en premier lieu de l’élection présidentielle, est supposé  avoir un effet dopant sur les scrutins suivants et provoquer ainsi un effet boule de neige favorisant la victoire du parti présidentiel.

La revendication sur l’utilisation du bulletin unique visait à éviter, comme cela s’est passé lors des élections de 2005, que des pressions ou des menaces soient exercées sur des électeurs, en les obligeant de ramener les bulletins non votés. En réalité, cela signifie voter pour celui qui sera à même d’exercer plus de terreur que les autres.

 La soustraction de la CENI du contrôle de la Présidence est évidente, sinon son indépendance serait compromise. L’augmentation des cautions pénalisaient des candidats n’ayant pas nécessairement accès aux prébendes diverses générées par la gestion du pouvoir.  C’était donc également une façon d’éliminer certains candidats. En gros, ces aspects litigieux, sont essentiels dans l’organisation d’élections crédibles, libres et transparentes.

Face au blocage initial du pouvoir, et au refus de dialogue, des pressions diverses émanant de la société civile et surtout de la communauté internationale ont fini par convaincre le Président de la République  à la négociation sur les points litigieux. Finalement, des compromis ont été trouvés et permis le vote du code électoral sur base d’un consensus « suffisant ». En dépit de la satisfaction des trois grands partis représentés à l’Assemblée Nationale, à l’exception du CNDD, des voix discordantes et critiques provenant d’autres partis et de la société civile se sont exprimés.  Quelques organisations de la société civile ont relevé que la disposition sur le mandat des députés était anti-démocratique parce qu’elle va à l’encontre le principe d’universalité du mandat.

 Encadré1 : Les péripéties du code électoral

 

8 juillet 2009 :  Analyse des projets de loi portant révision du code électoral et de la loi communale au conseil des Ministres. Cinq Ministres issus du parti Sahwanya-FRODEBU quittent la séance.

 

14 juillet 2009 : Quatorze partis adressent une correspondance au Secrétaire Général des Nations Unies. Ils dénoncent le refus du dialogue par le Président de la République et son parti le CNDD-FDD.

 

22 juillet 2009 : les partis Uprona,  Frodebu, CNDD et MRC animent conjointement une conférence au cours de laquelle ils réitérent leur ferme opposition au projet de loi régissant le cadre légal des élections de 2010.

 

20 août 2009 : Le projet de code électoral est présenté à l’Assemblée Nationale.

 

27 août 2009 : Le code électoral analysé par la commission Justice de l’Assemblée Nationale. Le Frodebu et l’Uprona claquent la porte. Les membres de la commission « Justice et droits de l’homme » chargés d’apporter des amendements sur le projet du code électoral ne s’entendent pas.

 

02 septembre 2009 : Le Président de la République est interpellé pour convoquer une session extraordinaire parlementaire pour débattre des questions urgentes comme le cas du nouveau projet de loi portant code électoral pendant que les parlementaires sont en vacances.

 

09 septembre 2009 : L’Assemblée Nationale n’a pas pu analyser et adopter le projet de loi portant code électoral. Le Président de l’Assemblée Nationale, Pie NTAVYOHANYUMA,  propose le glissement de calendrier pour remettre l’étude de ce projet de loi, le lendemain.

 

Les députés ont refusé de participer aux travaux d’analyse et d’adoption du projet de loi portant code électoral et ont préféré rester à l’extérieur du Palais des Congrès. Seuls les partis CNDD-FDD, FRODEBU Nyakuri et CNDD étaient présents dans les enceintes de l’hémicycle de Kigobe et ceux des partis FRODEBU et UPRONA sont arrivés plus tard mais personne n’est entré à l’intérieur de l’hémicycle.

 

11 septembre 2009 : Le projet de loi du code électoral est finalement adopté à 3h00 du matin à l’Assemblée Nationale après de longues discussions.

 

12 septembre 2009 : Adoption du  projet du nouveau code électoral par le Sénat.

 

15 septembre 2009 : Le Président de la République, Pierre NKURUNZIZA, demande une seconde lecture sur un des articles du code électoral relatif au système de vote et de comptage des voix. Le CNDD boycotte la séance. Certains députés craignent que ce système va entraîner un double comptage, source de fraude.

 

18 septembre 2009 : Promulgation du  code électoral par le Président de la République.

 

1.3.2. Tensions et violences politiques

 

Les promesses d’organisation d’élections apaisées maintes fois proclamées par les plus hautes autorités ne semblent pas calmer le jeu des positionnements politiques. Elles sont loin de correspondre à la réalité du terrain, qui est plutôt caractérisée par la montée des tensions et des confrontations. Alors qu’une campagne électorale précoce et illégale bat son plein, chaque parti raffine ses stratégies et occupe le terrain comme il peut. Le parti au pouvoir utilise les prérogatives découlant de sa position pour gêner l’action de ses concurrents, en limitant leur marge de manœuvre, y compris pour des activités qui leur sont reconnues par la loi, ou en tentant de les fragiliser et de les déstabiliser par tous les moyens. Ce sont les partis, perçus comme présentant plus de risques, par le parti au pouvoir qui sont les plus ciblés. Il s’agit principalement des partis Sahwanya-Frodebu, du FNL, du MSD, de l’UPD-Zigamibanga et dans une moindre mesure l’Uprona.

 

Durant cette période pré-électorale, les tensions et les confrontations entre partis politiques se présentent sous les différentes formes suivantes :

1.3.2.1. La persécution des membres des partis de l’opposition par des responsables de l’administration ou la police.

 

 Dans ce cadre, des  campagnes de harcèlement sont menés par des démobilisés issus du CNDD-FDD, contre ceux qui n’acceptent  pas de devenir membre de ce parti. Des violences ont été signalées dans certaines localités du pays, notamment à Mabayi, Buganda et Bukinanyana. De même, des chefs de colline ont tenté d’obliger des personnes à adhérer au CNDD-FDD. Cela a été signalé sur la colline  Musenga de la zone Cumba, en province de Muyinga.

 

Répondant à ces allégations, le chef de zone de Cumba a répliqué en disant que des délinquants, membres d’autres partis politiques, n’avaient de cesse à utiliser des prétextes politiques pour camoufler leur forfait. Mais il a ajouté que certains habitants de sa zone affichent des comportements subversifs face auxquelles des mesures contraignantes doivent être prises.

 

 

1.3.2.2. Le harcèlement et l’arrestation des responsables ou des membres des partis politiques.

 

 Le cas le plus flagrant est celui d’Alexis Sinduhije. Alors qu’il était en visite dans la province de Ruyigi, le 2 août 2009, et qu’il voulait passer la nuit chez des proches, le Procureur de la République à Ruyigi accompagné de policiers, est allé l’arrêter au mobile que celui-ci tenait une réunion illégale. Ceux qui étaient en compagnie d’Alexis SINDUHIJE et les membres de la famille qui l’avait accueilli ont tous passé la nuit, debout séquestrés par des policiers. Alors qu’ils demandaient la permission de regagner leurs ménages, les policiers les ont battus, ils ont même failli ouvrir le feu. Le Procureur de la République à Ruyigi a voulu prendre l’ordinateur de Alexis Sinduhije  mais ce dernier a résisté, ses vêtements ont été déchirés[36].

Par la suite, le président du MSD accusera le pouvoir de préparer un montage afin de l’inculper de meurtre. Il a affirmé détenir des preuves que le Service National de Renseignement voulait organiser un groupe de jeunes Tutsi démobilisés chargés de menacer et tuer des innocents hutu et ces meurtres seraient attribués au MSD. Réagissant à ces accusations, le Service National de Renseignement portera plainte contre Alexis Sinduhije. Il comparaîtra tout au long du mois d’août pour demande d’information sur les accusations qu’il avait  lancées.

 

Il arrive assez souvent que des militants d’autres partis politiques, à tous les niveaux, subissent des tracasseries et soient emprisonnés. Plusieurs cas sont régulièrement rapportés par les média et les organisations des droits de l’homme. A titre d’exemple, on peut citer l’incarcération des militants du FNL, le 4 août 2009, et de deux partisans du Frodebu dans la commune de Nyamurenza, à la même date. On peut signaler également l’arrestation d’un militant du MSD, au motif qu’il portait un t-shirt portant le logo de ce parti. Il a été ensuite détenu dans les cachots de la commune de Kamenge et aurait été battu. Ces exemples se limitent uniquement au mois d’août 2009 et ne sont pas eux-mêmes exhaustifs.

1.3.2.3. La terreur exercée par les jeunes du parti CNDD-FDD et les affrontements avec les jeunes d’autres partis politiques

 

Dans plusieurs provinces, les jeunes du parti CNDD-FDD se livrent à des sports, nocturnes ou matinaux, aux allures martiales. Au cours de ces sports, les partisans d’autres mouvements politiques sont menacés et des slogans porteurs de violences sont utilisés tels que « shirira », « guguna », « zirye zose n’iziri mu magi[37] ». Ces jeunes s’octroient parfois des prérogatives de police et se permettent d’arrêter des personnes qui ne sont  pas membres du parti au pouvoir.

 

Cette situation est parfaitement décrite dans le rapport dressé par l’Expert Indépendant. Selon lui « Il y a des allégations crédibles selon lesquelles le CNDD-FDD a utilisé (utilise, ndlr) ses jeunes partisans afin de harceler et d’intimider ceux d'autres partis politiques avec la bénédiction des institutions de l'État, et que d'autres partis, en guise de représailles, ont l'intention d'utiliser la même tactique contre le CNDD-FDD[38]. »

 

Face à la complicité notoire des administratifs et de certains policiers, les partis Sahwanya-Frodebu et FNL, après avoir menacé d’organiser des jeunes de leur parti pour contrecarrer ceux du parti au pouvoir sont passés à l’action. Comme par provocation pour tester l’équité de l’autorité, les jeunes du Frodebu et du FNL ont organisé le même type d’activités. A Muyinga pour le FNL, et à Gitega pour le Frodebu, les deux groupes rivaux se sont  violemment affrontés. A ce sujet, les propos de Patrick Nkurunziza, leader de la Centrale des Jeunes Démocrates, la Jeunesse du Frodebu, « Intakangwa[39] », sont sans équivoque. Il explique qu’ils ont décidé de s’appeler ainsi lors du dernier congrès des jeunes démocrates, l’année dernière, pour se mobiliser contre la terreur. Il affirme que leur initiative a été motivée par la volonté de montrer aux jeunes du CNDD-FDD que d’autres Burundais peuvent emprunter la même voie et que cela ne profitera à personne. Il assure qu’une fois attaqués, ils se défendront[40]

 

Ces affrontements plaçaient l’autorité devant un dilemme, interdire ou autoriser ce type d’exercices, en cas d’équité, ou comme était tenté de le faire le Gouverneur de Gitega, l’autoriser seulement aux jeunes du CNDD-FDD. Ce qui devenait risqué et difficile à tenir.

Devant ces tergiversations, le Ministre de l’Intérieur a décidé d’arbitrer et d’interdire ce type de sports politiquement orientés. Mais ces propos ont été vite contredits par le Président de la République, qui interrogé sur la question, à son retour d’Italie,  n’a pas tari d’éloges à l’égard de la pratique sportive. Il a affirmé que  « le sport est un facteur important de socialisation et a un impact positif sur la santé. Il est de ce fait autorisé tant qu’il s’effectue dans les limites de la loi. » Il a mis en garde tous ceux qui voudraient confondre ce sport avec les activités à caractère politique. Il a conclu en disant que  «  Les jeunes Imbonerakure ou autres n’ont rien de commun avec les Interahamwe de la veille du génocide rwandais car chaque peuple a sa réalité historique[41]

N’ayant jamais fait l’objet d’interdiction d’aucune autorité, à tous les niveaux, les propos du Président sont donc sans équivoque. Le sport des Imbonerakure est conforme à la loi et peut se poursuivre. Avec tout ce qu’il recèle comme potentiel de tensions, de confrontations  et de violences.

1.3.2.4. Les tentatives de déstabilisation des partis politiques concurrents par le pouvoir

La phase de transition, spécialement, l’appât des dividendes escomptés d’Arusha et surtout les manœuvres des tenants du pouvoir en vue de s’y maintenir, avaient encouragé la fragmentation des partis politiques, provoquant la formation d’ailes alliées au pouvoir. Ces tactiques sont toujours en cours et ont été remises à jour par le parti au pouvoir pour renforcer sa position, en fonction du contexte et des enjeux. 

Pour rappel, il est important de signaler que cette tactique a été déjà utilisée contre le parti Sahwanya-Frodebu, lorsque le pouvoir avait été affaibli par la dissidence des députés fidèles à Hussein Radjabu. A cette époque, l’Assemblée Nationale  s’est  retrouvée paralysée, et quand elle fonctionnait, le pouvoir n’était plus capable de passer les décisions à sa guise. Face à l’opposition déterminée du Frodebu, le pouvoir a tout fait pour provoquer la scission de ce parti en trois ailes : l’aile originelle Sahwanya-Frodebu, dirigée par Léonce Ngendakumana, l’aile de Frodebu Nyakuri, de Jean Minani et le RADEBU, présidée par l’ancien Secrétaire Général du Frodebu, Jean de Dieu Mutabazi.

Dans ces opérations, l’autorité compétente, en l’occurrence le Ministre de l’Intérieur ferme les yeux sur certaines dispositions de la loi pour ne pas gêner l’aile favorite, en particulier en ce qui concerne son agrément qui se fait avec une rare célérité. Là, l’organisation des réunions, voire des manifestations est facilitée, voire encouragée pour saper la légitimité du parti à affaiblir. Dans le cas du Frodebu Nyakuri, l’utilisation des logos et des insignes quasi identiques de ceux de la branche originelle ont  fait polémique quant à leur conformité à la loi. La complicité active du pouvoir paraît évidente.

Le même scénario vient de se produire avec la nième tentative de renverser Agathon Rwasa, en créant une aile dissidente, présentée comme la plus légitime. Après l’épisode de Gatayeri, est venu celui  de Jacques Kenese, ancien responsable des services extérieurs du Palipehutu-FNL,  appuyé par Pasteur Habimana, ancien porte-parole de ce mouvement. Ces deux personnes venaient d’être exclues du FNL pour haute trahison. Certaines sources crédibles ont fait état d’échanges électroniques entre le Secrétaire Général du CNDD-FDD et Jacques Kenese, montrant la façon dont les deux ont échafaudé le montage de destruction du FNL. Si ces échanges peuvent paraître douteux, il y a cependant d’autres signes qui ne trompent pas.

La collusion du pouvoir dans ce montage se manifeste à travers les facilités qu’il offre à la dissidence du FNL, notamment l’autorisation de tenir un congrès, souvent difficile pour d’autres  formations politiques alors qu’elles sont déjà agréées. Le paroxysme a été atteint avec l’autorisation de manifestation accordée à cette faction, non reconnue par la loi,  qui est extrêmement rare même pour les partis politiques et les associations agréés. De plus, la manifestation  s’est déroulée sans aucun encadrement policier visible[42]. Interrogé à ce sujet, le Maire de la Ville de Bujumbura, a répondu qu’il y avait eu confusion entre ces manifestants et ceux du mouvement d’action catholique Chiro de la paroisse de Ngagara, qui avait obtenu l’autorisation de manifester. Le responsable de ce mouvement a contredit cette version des faits. La manifestation des  Chiro était prévue pour le lendemain[43].

La bienveillance manifestée à l’égard de la faction dirigée par Jacques Kenese n’a d’égale que la réticence opposée à Agathon Rwasa de tenir un congrès extraordinaire que la loi pourtant autorise. Le 13 novembre 2009, Agathon Rwasa adresse une correspondance au Ministre de l’Intérieur  où il annonce la tenue d’un congrès extraordinaire les 28 et 29 novembre 2009. En réponse à cette correspondance, le Ministre lui demande la transmission des statuts signés le 19 janvier 2009 et le règlement d’ordre intérieur programmé pour amendement. Il signale qu’il y a un dossier sous analyse en rapport avec la régularité de certains actes, raison pour laquelle la tenue de ce congrès devait attendre. Pourtant lorsque en date du 18 septembre 2009,  Agathon Rwasa avait adressé une lettre au Ministre pour dénoncer « les manipulations politiciennes visant la destruction du parti FNL. » Dans sa réponse le Ministre lui signale que le même jour, il avait reçu Willy Nyotori, Metusaleh Nikobamye ( alias Pasteur Habimana) et Jacques Kenese. Il signale que ceux-ci étaient venus lui parler du contentieux au sein du FNL.

En concluant la lettre, le Ministre suggère au président du FNL de « convoquer un congrès extraordinaire inclusif dans un délai ne dépassant pas une semaine à dater de la réception de la présente lettre, où tous les sujets de discorde seraient débattus sans faux fuyant[44]. » Faisant suite à cette lettre, Agathon  Rwasa répond en exprimant sa « consternation suite à l’attitude tout aussi rocambolesque que partiale, voire complice de ce ministère.» Rappelant les accords signés entre le Gouvernement et le FNL, son président soulève les contradictions entre les deux lettres qui lui ont été adressées. L’une enjoignait de tenir un congrès extraordinaire endéans une semaine,  et n’astreignait sa tenue à aucune condition (à part qu’elle devait être inclusive). Alors que l’autre lettre pose des conditionnalités. Soulignant que certains aspects constituaient une ingérence dans le fonctionnement interne des partis, le président du FNL conclut  sa correspondance en affirmant qu’il « ne trouve aucune raison valable de reporter la tenue de ce congrès national extraordinaire organisé les 28 et 29 novembre 2009[45]. »

L’on sait que par la suite, le congrès s’est bien tenu. Mais c’est grâce notamment aux appuis apportés à Agathon Rwasa dans cette épreuve de force par la société civile, les partis politiques, autres que le CNDD-FDD, à l’unisson, et la communauté internationale représentée par la médiation et la Tanzanie. Tous ont mis en exergue les conséquences de ces tentatives de déstabilisation sur le processus de paix et en insistant sur la reconnaissance de Agathon Rwasa comme représentant légitime du FNL.

1.3.3. Gestation d’une nouvelle rébellion : bruits de bottes et manœuvres électorales 

La guerre a installé une culture de violence dans le pays. L’impunité l’encourage. De ce fait, il y a un fort risque que l’usage de la violence soit considéré comme l’ultime recours pour accéder ou se maintenir au pouvoir. Les positionnements de certains partis politiques avant la campagne montrent qu’il n’est pas exclu qu’ils procèdent au quadrillage des électeurs  par la terreur. La mobilisation des jeunes en est un des signes précurseurs. Dans ce cadre, des informations dignes de foi ont fait état d’éventuelles distributions d’armes à des personnes bien identifiées comprenant des démobilisés.

C’est dans ce contexte que l’organisation réelle ou simulée pourrait être comprise.  A ce sujet, depuis le mois d’octobre des habitants de la province de Bujumbura ont commencé à signaler la présence d’hommes armés en uniforme, spécialement dans les communes d’Isare, Kanyosha, Kabezi et Nyabiraba. Par après, d’autres groupes ont été également signalés dans la province de Bubanza. Des témoins ont signalé des mouvements de jeunes, inconnus dans la province de Bujumbura rural,  qui montent de Bujumbura vers les communes rurales portant des sacs très lourds comme l’affirme un habitant de Mbare, selon lui « d’autres personnes sont venues de Bujumbura en passant par le campus Kiriri, il y a une semaine[46] ». Quelques uns de ces jeunes ont été arrêtés par la population et des armes ont été effectivement trouvées sur eux.

La population de ces communes, apeurée, a vite dénoncé ces mouvements aux différentes autorités administratives, policières et militaires. Leurs réactions étaient contrastées. Certaines autorités ont mené des actions énergiques et ont pu arrêter quelques éléments de ces groupes alors que d’autres ont brillé par leur inaction. Hormis, les autorités militaires qui ont confirmé la présence de ces groupes, et leur détermination de les traquer, les autorités civiles banalisent les faits en parlant de groupes de bandits. Ce silence pourrait-il être interprété comme une complicité ? C’est l’opinion de quelques leaders des partis politiques[47].

Le lien est vite établi entre la formation de ces groupes et la tenue prochaine des élections. Ces groupes pourraient soit perturber la sécurité pour faire reculer la tenue des élections, soit terroriser les électeurs pour qu’ils votent pour tel ou tel parti ou alors refuser les résultats des élections. Il n’est pas non plus exclu qu’ils posent des entraves à la liberté de mouvement des observateurs, voire d’électeurs perçus comme opposés aux partis soutenus par ces groupes pour les empêcher de voter. Beaucoup de scenarii sont envisageables mais tous sont construits autour du questionnement sur le bien fondé d’une telle rébellion dont la cause est aujourd’hui incompréhensible, à l’approche des élections.

1.3.4. Polémiques autour de la distribution des cartes d’identité

Depuis quelques mois des témoignages ont commencé à faire état d’une distribution sélective des cartes d’identité dans différents endroits du pays. Ces témoignages dénonçaient la distribution des cartes d’identité aux seuls membres du parti au pouvoir,  ou distribuées par des personnes membres du CNDD-FDD n’en ayant pas les prérogatives aux autres membres de ce parti. Selon ces informations, des listes étaient préalablement établies et n’auraient ciblé que les membres du parti présidentiel. Ces informations ont soulevé un tollé de réactions et d’inquiétudes, exprimées par les partis politiques et la société civile.

L’on sait que la carte d’identité est une pièce maîtresse requise pour l’inscription des électeurs au rôle. Des témoins ont fait état du recours à des pratiques douteuses. Des listes étaient établies et remises aux bureaux d’état civil dans certaines communes, là les cartes d’identité étaient établies et retirées par le déposant de la liste pour les remettre aux titulaires parfois à domicile sans que ces derniers se soient présentés pour apposer leurs empreintes digitales. Ce type de démarche, signalé comme fréquent,  faisait craindre l’octroi des  cartes d’identité à des mineurs ou à  des étrangers comme cela a été signalé dans la commune de Rumonge en province de Bururi. Elles pouvaient aussi être établies au nom de personnes fictives pour permettre à des militants bien identifiés de voter plusieurs fois sous des identités différentes.

Pour calmer le jeu, le  PNUD a donné un appui technique, en offrant des machines et d’autres moyens appropriés, pour que ces cartes d’identité puissent être produites et distribuées gratuitement à ceux qui en avaient besoin. La distribution a commencé le 15 décembre 2009 et devait durer deux semaines, mais cette durée a été prolongée. Selon le ministère de l’intérieur, le nombre de personnes ayant besoin de cartes d’identité était  d’environ un million cent.

En dépit de cet appui, les craintes de quelques partis de l’opposition ne se sont pas calmées pour autant. Le fait que cette distribution soit confiée à une administration "à la solde du parti au pouvoir[48]" n’était pas de nature à les tranquilliser. Comme garantie d’une distribution équitable, une demande a été exprimée d’associer les partis politiques dans la distribution de ces cartes. Une fin de non recevoir leur a été opposée par le ministère de l'intérieur au motif que la loi prévoit que l'administration seule s'occupe de l'octroi de la carte d'identité[49].

 1.4. Violation des droits et des libertés fondamentales

 

La garantie des droits et des libertés fondamentales constitue un pilier de l’Etat de droit et de la démocratie. Cet aspect est particulièrement sensible dans des pays en transition démocratique, qui de ce fait se retrouvent dans une dynamique de consolidation de la démocratie, dans un contexte où la culture démocratique reste relativement peu ancrée.

 

Sans le respect des droits et des libertés, les principes de gouvernance comme la transparence, l’équité et l’efficacité et la responsabilité sont inopérants. C’est la jouissance des droits et des libertés qui permet au citoyen de disposer d’un espace vital, d’interpellation des autorités et d’une marge de manœuvre critique pour ériger les barrières contre les abus souvent inévitables. Dans un contexte où les droits et les libertés ne sont pas garantis, la consolidation de la démocratie et la construction de la paix sont compromis. Cette question devient particulièrement sensible dans une phase aussi délicate qu’est le processus électoral, où la jouissance des droits d’opinion, d’expression, de réunion et d’association est déterminante sur les rapports de force entre partis politiques.

 

Au cours du second semestre, la situation en matière de droits et de libertés est marquée par les rapports entre le pouvoir, les autres partis politiques et la société civile.

 

1.4.1. Violations des libertés d’association et de réunion des partis politiques

 

Ces violations sont constamment relayées par les média et sont rarement démenties par le pouvoir. En gros, elles sont constituées par les faits suivants:

 

§  Le refus pour certains partis politiques par les autorités locales ou policières d’ouvrir la permanence de leurs partis. Cela a été par exemple le cas pour l’UPD en commune urbaine de Kanyosha, en date du 16 août 2009, et du FNL à Musaga, le 9 août 2009. Ce sont quelques exemples parmi de nombreux autres qui jalonnent l’année 2009.

 

§  L’interdiction des réunions des partis politiques agréés alors qu’elles sont en conformité avec la loi. On peut citer le refus opposé au parti UPD-Zigamibanga de tenir sa réunion en commune Buyenzi en date du 23 août 2009.

 

§  La suspension des activités de certains partis politiques par les autorités administratives, comme cela est arrivé pour le parti FNL en commune Mutambu, en province de Karuzi, le 19 août 2009

 

§  L’arrestation et l’emprisonnement arbitraires des militants des formations politiques rivaux au parti au pouvoir. Les exemples sont légion. Le plus connu est celui de la tentative d’arrestation d’Alexis Sinduhije à Ruyigi (voir plus haut). Parmi d’autres exemples on peut citer l’emprisonnement de deux membres du Frodebu en commune Nyamurenza, le 3 août 2009, de cinq militants de l’UPD-Zigamibanga, dans les communes de Gihanga et Mpanda, le 30 septembre 2009.

1.4.2. Les velléités de liquidation de la société civile

 

L’effervescence des périodes électorales n’entache pas seulement les rapports entre partis politiques, elle déteint aussi sur les rapports avec la société civile. On l’a vu, un des soucis du parti au pouvoir, dans sa quête légitime de remporter les élections, est de faire taire toute critique, pour se présenter sous son plus beau jour face à l’électorat. C’est autour de cet enjeu que se situe la brouille qui a marqué le second semestre de l’année 2009, les rapports entre la société civile et le pouvoir en place.

 

Deux dossiers ont contribué spécialement à dégrader les rapports entre la société civile et le pouvoir du CNDD-FDD , ceux de l’assassinat d’Ernest Manirumva et de Salvator Nsabiriho. Le péché de la société civile est d’avoir juré d’en faire le suivi, jusqu’à ce que justice soit faite, alors que ces dossiers impliquent des personnes haut placées au sein du pouvoir CNDD-FFD, et ce que tout cela implique comme déstabilisation et impact sur son image de marque.

 

Face à cette détermination, la stratégie utilisée est de déstabiliser les organisations qui sont les plus engagées dans ce combat. Il s’agit  du Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC), regroupant 146 organisations et l’Association pour la Protection des Droits Humains et des personnes détenues (APRODH). La stratégie utilisée se situe à un double niveau : la déstabilisation des organisations, la fragilisation des leaders en les isolant de leurs organisations afin qu’ils répondent à titre individuel.

 

De nouveau, c’est le Ministre de l’Intérieur, ayant en charge la gestion des organisations qui a été placé au milieu de ce dispositif de répression. Questionnant sans cesse la légitimité et la légalité des organisations, la première mesure a été d’imposer des restrictions à la liberté de mouvement vers l’extérieur du pays, et dans l’organisation des réunions à l’intérieur du pays.

 

En août 2009, le Ministre de l’Intérieur a déclaré « Nous tiendrons désormais à l’œil chaque organisation de la société civile puisque nous remarquons que certaines d’entre elles agissent plutôt comme des partis politiques de l’opposition[50] .» Cette décision faisait suite à l’imposition par le même Ministre de la nécessité pour les membres de la société civile devant se rendre en mission  à l’extérieur d’être muni d’un ordre de mission délivrée par son ministère. L’organisation de réunions à l’intérieur du pays devait requérir l’accord préalable du ministère qui devait en cas  de réponse favorable, dépêcher un délégué devant être pris en charge par les organisateurs.

 

Dans cette épreuve de force, le point culminant a été atteint avec la radiation de FORSC par une ordonnance du Ministre de l’Intérieur, en date du 23 novembre 2009. Il est reproché au FORSC d’être composé d’organisations qui n’ont pas eu l’agrément du ministère de l’intérieur. Mais cet argument n’est rien d’autre qu’un prétexte car toutes ces organisations, dont le Barreau et les syndicats affiliés au FORSC, sont bel et bien reconnues par la loi burundaise. Et FORSC a été bien agréé par le ministère de l’intérieur. Les arguments avancés par le Ministre sont jugés infondés par les spécialistes du droit. Selon Human Rights Watch  «  l'interdiction du FORSC par le gouvernement burundais semble n'avoir aucun fondement juridique réel et c'est une attaque frontale contre la liberté d'association[51]. »

 

La décision du Ministre de l’Intérieur était bien concertée car aucun responsable plus haut placé ne s’est désolidarisé d’une décision aussi grave et qui avait des répercussions négatives sur le Gouvernement et le parti au pouvoir[52]. D’ailleurs les propos tenus à Gitega par le Président de la République, à l’occasion de la clôture des cadres de dialogue sont l’expression du soutien à son Ministre et sonnent comme un avertissement aux organisations de la société civile : « Ce que nous attendons en plus, c’est que chacun dans son secteur d’activité, à la Fonction Publique, dans les partis politiques, dans les associations quelles qu’elles soient, jusque dans les familles et les ménages, l’on cultive le réflexe de consulter ses collègues et les employés, et qu’ainsi les gens renoncent à la pratique de se faire passer pour des porte parole de la population qui ne les a point mandatés[53]. »

 

En plus de cette interdiction, le Délégué Général  de FORSC a fait l’objet d’une tentative de déstabilisation individuelle. En premier temps, il s’est agi de l’isoler des organisations qu’il représente, le FOCODE et le FORSC, pour que les propos tenus soient mis à son compte personnel. Mais cela n’a pas fonctionné,  ces organisations ont fait bloc  derrière lui, en assurant qu’il avait été bien mandaté pour tenir ces propos. En second lieu, un complot aurait été ourdi contre sa personne et celle de Pierre Claver Mbonimpa, le Président fondateur et Coordinateur de l’APRODH. Vraisemblablement les menaces reçues et les préparatifs d’assassinat provenaient des agents du Service National de Renseignements : « Nininahazwe et Mbonimpa ont reçu des menaces de mort de la part d'individus liés au Service National de Renseignements. Ils ont été informés que des agents du renseignement voulaient les tuer à cause d'informations qu'ils étaient censés posséder sur le meurtre d’Ernest  Manirumva.[54] »  

 

 Suite à la pression de la société civile burundaise qui a suspendu sa participation dans des programmes communs avec le Gouvernement, l’intervention de la communauté internationale et la reprise du dialogue entre les différentes parties, les effets de l’interdiction ont été suspendus. En effet, il est bien spécifié dans la lettre « nous suspendons les effets de l’ordonnance ministérielle n°530/1490/CAB/2009 du 23 novembre 2009 portant annulation de l’ordonnance n°530/514 du 26 mai 2006 portant agrément de l’association sans but lucratifs dénommée « Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC). »

 

Ces différents éléments combinés aux informations qui ont circulé durant cette crise, montrent que ce n’est pas seulement FORSC qui était visé, d’autres figuraient sur la file d’attente du couperet. Ainsi comme l’affirme l’Expert Indépendant, cette mesure contre FORSC « semble avoir eu pour but d'envoyer un avertissement aux organisations de la société civile, leur indiquant qu'elles risquaient d'être radiées si leurs activités ne plaisaient pas aux autorités, pour une raison quelconque[55]. »

1.5.  Séparation des pouvoirs

« Lorsque, dans une même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté; parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même séant ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement.

Il n'y a point de liberté, si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur.

Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ; celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers[56]. ».

 

La construction d’un Etat de droit est un combat pour la séparation des trois pouvoirs. C’est cette séparation qui garantit leur efficacité et la réalisation de leur mission de protection du citoyen dans tous leurs aspects.

 

Depuis les élections de 2005, garantir la séparation des trois pouvoirs, l’Exécutif, le législatif et le judiciaire est un énorme défi au Burundi. La tentation a été  souvent grande de contrôler tous ces pouvoirs pour maximiser les dividendes et la puissance consécutifs à l’exercice du pouvoir. Il s’agit de contrôler toute la chaîne de décision, celui qui exécute et qui propose les lois, celui qui les vote et enfin celui qui les applique. L’exécutif a toujours eu une forte propension à dominer les deux autres et à les utiliser dans le sens qui lui convenait le mieux. Dans ce cas, la loi et son application peuvent être complètement ignorées et utilisés suivant les intérêts et les besoins des plus puissants.

 

C’est  l’interférence positive d’acteurs extérieurs, société civile et communauté internationale,  qui a contribué au respect de certaines règles, et qui a empêché la consolidation d’une chaîne de solidarités autocratiques liant totalement les trois maillons du pouvoir par un seul verrou.

 

L’évolution au cours du second semestre 2009 montre la résurgence de velléités nouvelles d’émancipation pour que chaque pouvoir puisse jouer son rôle. Dans ce cadre, deux choses sont nouvelles et méritent d’être soulignées. Il y a d’abord la contestation des magistrats burundais durant le processus de mise en place du Conseil Supérieur de la magistrature et l’arrêt de travail de deux jours motivé par les sanctions prises à l’encontre de juges ayant dit le droit, parce que les décisions prises n’ont pas plu à l’autorité. Il y a ensuite la motion de censure initiée par une partie des députés contre le Ministre de l’Energie et des Mines.

1.5.1. L’indépendance de la Magistrature  toujours confisquée

 

Le refus obstiné de modifier la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature est un indicateur irréfutable de la volonté de l’Exécutif de maintenir l’appareil judiciaire sous sa coupe. Et cela en dépit de nombreuses recommandations et analyses des experts en matière de gouvernance. A ce sujet, les magistrats ont pris le relai de nombreuses organisations de la société civile pour que le Conseil Supérieur de la Magistrature soit composé de magistrats pour lui garantir son indépendance.

 

Les moyens utilisés pour empêcher les juges de dire le droit rien que le droit sont nombreux. Le recours à ces moyens est plutôt fréquent dans des dossiers ayant une certaine sensibilité politique ou lorsque des intérêts de puissants dans le jeu de pouvoir sont mis en jeu. Des pressions peuvent être exercées sur les juges par la perspective de sanctions ou de représailles ou en leur faisant miroiter la possibilité de récompenses, mais parfois les sièges sont composés en fonction des affinités et des allégeances qui permettent la prise de décision dans le sens voulu. Car si en principe, les juges ne peuvent pas être officiellement membres de partis politiques, la réalité est souvent autre.

Cet environnement de pression et de frustrations par rapport à l’indépendance de la magistrature a amené les magistrats à protester contre la récente mise en place du Conseil Supérieur de la magistrature et ont encore une fois demandé que sa composition soit revue[57]. Le Syndicat des magistrats du Burundi propose de revenir à la situation de 1962 où le Conseil Supérieur de la Magistrature était dirigé par le Président de la Cour Suprême. Selon le Secrétaire Général du SYMABU « Les dispositions constitutionnelles compromettent l’indépendance octroyée au pouvoir judiciaire. La constitution reconnaît d’une part l’indépendance de la magistrature lorsqu’il parle d’un pouvoir judiciaire indépendant de l’exécutif et du législatif, mais parallèlement, d’autres dispositions diluent cette indépendance énoncée[58]. » Sur les 17 membres du Conseil Supérieur de la Magistrature, seuls 7 sont élus par leurs pairs. Le Conseil est dirigé par le Président de la République, secondé par le Ministre de la Justice.

Hormis les cas déjà évoqués d’Ernest Manirumva et de Salvator Nsabiriho, dans lesquels l’interférence de l’Exécutif est patente, d’autres dossiers ont défrayé la chronique notamment celui de Gédéon Ntunzwenindavyi. Celui-ci est président de l’association PA-Amasekanya. Il était accusé de complicité avec la rébellion du général Laurent Nkunda (Est de la RD Congo) par le Service National de Renseignement d’atteinte à la sûreté de l’État et d’association de malfaiteurs. Les juges ont prononcé  son acquittement. Les juges chargés de ce dossier, à savoir Philémon Dushimire, Patrick Ndikumana et Mathias Ndihokubwayo, ont été sanctionnés. Il leur était reproché de ne pas avoir suffisamment enquêté avant de trancher. Mais cet  argument n’a pas été constant, il a dû être rectifié, la sanction était due au fait qu’après investigation, il apparaissait que les trois magistrats s’étaient rejetés la responsabilité, ce que le ministère de la justice a qualifié de faute professionnelle[59].

 

 Pour le syndicat des magistrats du Burundi « En cas d’insatisfaction, clament d’autres magistrats, le service de renseignements aurait dû interjeter l’appel dans une autre instance judiciaire." 

 

Pour certains magistrats, il était évident que  « les trois juges étaient sanctionnés pour avoir prononcé l’acquittement d’un prévenu accusé, par le service de renseignements, d’atteinte à la sûreté de l’État et d’association de malfaiteurs ». Pour eux, « il est inacceptable qu’un juge soit puni pour avoir dit le droit et jugé en âme et conscience[60] .» Le Symabu a lancé une grève de deux jours, à partir du 22 octobre 2009,  pour protester contre cette mesure en réclamant l’annulation de la mesure.

 

Par ailleurs, le Sénat a approuvé en date du 1er décembre 2009 vingt neuf propositions de nomination des candidats magistrats des juridictions supérieures. Ces propositions émanaient du Conseil Supérieur de la Magistrature dans sa réunion du 25 novembre 2009 sous la présidence du Président de la République, Pierre Nkurunziza. Avant l’approbation de ces noms, certains sénateurs ont soulevé des inquiétudes à propos de ces candidats proposés et du sort réservé au dossier en instruction dont les présidents des commissions sont proposés dans d’autres services[61]. Entre autres inquiétudes, il y a le fait que le président de la commission d’enquête sur la mort de l’ancien vice-président de l’OLUCOME, Adolphe Manirakiza, est déplacé du parquet général près la Cour d’appel de Bujumbura vers le Parquet Général de la République. Les sénateurs ont exprimé leur inquiétude que les enquêtes en soient freinées. L’autre inquiétude est que le Procureur de la République à Kayanza est muté alors que le procès sur la mort de Salvator Nsabiriho piétine.

 

Au regard du niveau d’immixtion et d’interférence avérées dans ce dossier, il serait plutôt étonnant que les nominations proposées pour ces deux magistrats, soient étrangères à la volonté de déstabiliser les procédures judiciaires en cours et de retarder, sinon fausser leurs résultats.         

1.5.2. L’indépendance du Parlement par rapport à l’Exécutif

 

Les rapports entre l’Exécutif et chacune des deux chambres, la haute et la basse apparaissaient à certains égards relativement différents. En dépit de la vivacité du débat contradictoire qu’il pouvait y avoir dans les deux chambres, les députés de la mouvance présidentielle étaient beaucoup plus enclins à suivre les consignes de l’Exécutif sur les dossiers sensibles. Cela a été observé notamment lors de  l’analyse du premier projet controversé de code électoral[62], le code pénal particulièrement par rapport à la disposition sur la criminalisation de l’homosexualité, sur l’organisation et fonctionnement de la Commission Nationale Terres et autres Biens (CNTB) et bien d’autres. Dans ces circonstances, la prise en compte de la diversité des idées et l’amélioration consécutive de la qualité  des projets de loi sont court-circuités par la nécessité de respect des consignes.

 

Au Sénat, les choses se passent autrement. Cette institution dispose d’une marge de manœuvre vis-à-vis de l’Exécutif. Il l’a déjà démontré dans la mise en cause de certaines nominations ou par la profondeur et la liberté des questions qui sont posées aux différents Ministres.  D’ailleurs par souci de transparence, les comptes rendus synthétiques des débats sont publiés sur le site du Sénat. Ils permettent de rendre compte de leur vivacité et rendent compte de la volonté des membres de ce corps de jouer pleinement leur rôle de contrôle. Bien entendu, là aussi, ces avancées sont relatives et sont perfectibles. 

 

Cependant, un évènement sans précédent s’est passé dans l’hémisphère de l’Assemblée Nationale, à savoir l’utilisation d’une motion de défiance contre un membre du gouvernement. Celle-ci a été initiée par une trentaine de députés de « l’opposition » qui reprochait au Ministre de l’Energie et des Mines d’alors, M. Samuel Ndayiragije, d’avoir mal géré le dossier de l’annulation des dettes au sein de la société  SINELAC, et d’avoir de ce fait causé un préjudice de 37 millions de dollars au Burundi. Autrement, il est accusé d’avoir cédé ce montant aux deux autres pays membres que sont le Rwanda et la RD Congo. Face à cette motion de défiance, les parlementaires issus du parti présidentiel auquel appartient également le Ministre visé, commencent par faire jouer les solidarités et les prolongations, mais finiront par accéder indirectement à la demande de leurs collègues. La stratégie adoptée a été de demander au Ministre de remettre sa démission pour éviter de lui faire subir l’affront de la destitution parlementaire.

 

Finalement, le Ministre sera destitué par décret présidentiel le 10 novembre 2009 pour incompétence et manquements graves. Mais quel que soit le fond de l’affaire, ce qui paraît important dans les rapports institutionnels, c’est que dans ce cas,  l’Assemblée Nationale s’est acquitté de sa mission de contrôle de l’action gouvernementale. Si ce type d’événement s’était produit plus tôt, il aurait certainement eu un caractère incitatif et aurait probablement contribué à améliorer les performances, la responsabilité et la bonne gestion de la chose publique par l’équipe gouvernementale.

1.6. Brouille diplomatique : une demande de rappel suspecte du Représentant Spécial des Nations Unies

Dans une note verbale signée par le chef de la diplomatie burundaise,  le 24 décembre 2009, le Gouvernement burundais a demandé au Secrétaire Général des Nations Unies le remplacement de son Représentant Spécial au Burundi, Monsieur Youssef Mahmoud. De la même façon, en août 2006, le Gouvernement burundais avait demandé le rappel du prédécesseur de M. Mahmoud, Nourreldine Satti, accusé d'être proche de l'opposition, quelques mois après avoir fait de même pour Carolyn Mc Askie, qui dirigeait  l'Opération de l'Onu au Burundi (ONUB).

Officiellement, le Gouvernement veut une nouvelle figure pour incarner les Nations Unies au Burundi parce qu’il estime que M. Youssef Mahmoud n’a plus le profil pour diriger un bureau qui passe du département de maintien de la paix à celui des affaires politiques. C’est aussi, assure le Gouvernement, pour marquer le passage de la  phase de la paix à une autre. Dans la note verbale y relative, il est spécifié que « Pour l’année 2010 pour laquelle le mandat du Binub a été prolongé, son travail est décrit à l’alinéa 5 de la résolution 1902 (2009) et est conforme à la nouvelle stratégie intégrée. De ce fait, le Gouvernement de la République du Burundi estime qu’il faut mettre un autre profil que celui du Représentant Exécutif actuel pour mettre en œuvre le contenu du mandat du bINUB pour 2010[63]. »

 

Le paragraphe dont il est fait mention précise le nouveau mandat à travers les défis qui restent à relever, il s’agit en particulier « de transformer les Forces Nationales de Libération en parti politique, de donner à leurs dirigeants des postes dans la fonction publique, de renforcer la bonne gouvernance, d’assurer la durabilité du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion et de faire avancer la réforme du secteur de la sécurité », mais aussi de poursuivre « la consolidation de la paix et du développement à long terme[64]. »

Malgré cette argumentation qui au demeurant paraît très fondé, cette demande de rappel, intervenue moins de six mois avant le début des  élections a suscité beaucoup de réactions et d’interrogations sur les raisons réelles qui sont à la base de ce renvoi.

Selon des sources proches de l’ONU, plusieurs  reproches auraient été formulés à ce diplomate, notamment le fait qu’il serait très proche de l’opposition et que les rapports produits  par le BINUB déforment la réalité burundaise en la noircissant.  Aussi, sa collaboration avec le parti au pouvoir est jugée insuffisante. Le pouvoir lui reprocherait également le fait que le BINUB recrute beaucoup de Tutsi dans son personnel[65].

Mais il est aussi fort probable que le mécontentement du  Gouvernement burundais soit principalement lié au contenu du rapport des experts sur la République Démocratique du Congo. Ce rapport met en évidence les accointances illicites entre certaines autorités burundaises, notamment le Responsable du Service National de Renseignement, le Général Major Adolphe Nshimirimana et les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR). Comme ces experts de l’ONU ont mené des enquêtes au Burundi avec l’encadrement technique et logistique du BINUB, ces autorités sont convaincues que le BINUB a donné des informations ou orienté les experts dans leurs recherches. C’est vraisemblablement cela qui aurait renforcé la conviction des dirigeants burundais que Monsieur Youssef Mahmoud « noircit la situation du pays. »

Pourtant, au regard de nombreux événements qui auraient dû susciter des réactions de sa part, une certaine opinion jugeait M. Youssef Mahmoud plutôt fort conciliant avec le pouvoir actuel. C’est par exemple sous sa direction que les rapports mensuels sur la situation des droits de l’homme ont cessé d’être publiés.

Mais l’approche et l’organisation des élections pourraient aussi avoir influé sur cette décision du Gouvernement burundais. En effet, le BINUB est appelé à jouer un rôle important dans l’organisation des élections à différentes étapes, de la mobilisation financière à l’observation du déroulement des élections. Cette mission est clairement définie dans la résolution 1902 du CSNU prorogeant le mandat du BINUB, elle précise que  « le Bureau intégré des Nations Unies au Burundi, travaillant en collaboration étroite avec le Gouvernement burundais, accordera une attention particulière à l'appui au processus électoral, à la gouvernance démocratique, à la consolidation de la paix, à la réinsertion durable et à la problématique hommes-femmes[66] ».

 C’est en vertu de ce mandat que le système des Nations Unies a offert son appui pour la distribution gratuite des cartes d’identité, à environ un million de Burundais âgés de plus de dix huit ans. A cet égard, le PNUD et d’autres agences ont appuyé une campagne, qui a démarré le 21 décembre 2009. Les coûts et les délais administratifs rendaient quasiment impossible l'obtention de cette carte par les populations pauvres. Des informations, faisant état  d’une distribution sélective des cartes d’identité aux seuls membres du CNDD-FDD, avaient provoqué l’émoi et des tensions au sein de la classe politique burundaise. L’initiative du PNUD visait à calmer la situation.

A un moment crucial où le Burundi se prépare aux élections, le renvoi d’une personnalité qui a suivi le processus de paix et qui connaît les réalités du Burundi ne peut ne pas déstabiliser une structure comme le BINUB, appelée à jouer un rôle décisif pour garantir que ce processus soit libre, transparent et crédible. Selon certaines informations, les autorités du pays souhaiteraient avoir les mains totalement libres dans l’organisation des prochaines élections sans l’encadrement de la Communauté internationale « une aide technique et non une supervision politique[67] ». A ce propos, l’opposition burundaise s’est dite très inquiète en estimant qu’il s’agit d’un signal lancé à la Communauté Internationale pour lui dire de ne pas se mêler des élections de 2010 au Burundi[68].

 

Chapitre 2 : Gouvernance économique

Dans le domaine économique, le bilan présenté par le Président Pierre Nkurunziza est largement positif, car selon lui «  En ce qui concerne l’Economie nationale et le Commerce, le Gouvernement a su mieux contrôler les finances publiques. La conséquence en a été que les recettes qui entrent dans les caisses de l’Etat ont sensiblement augmenté. Nous y sommes parvenus en procédant par la mise en place des lois et des structures de lutte contre la corruption et les malversations économiques. Même si le chemin à parcourir semble encore long, et que les nouvelles stratégies de détournements des deniers publics ne cessent d’être inventées, nous nous réjouissons du pas franchi. En effet, certains auteurs de malversations économique ont déjà été appréhendés, d’autres ont vu leurs coups déjoués, d’autres encore ont pris peur et se sont détournés de ces pratiques qui ne les honorent point. Cette lutte n’est pas du tout facile, mais l’essentiel est que nous ayons osé commencer, et que nous sommes déterminés à poursuivre sans répit ce combat[69]. »

Cette partie analyse les grandes tendances en matière de gestion économique et spécialement les performances du Gouvernement dans ce domaine, notamment les réformes opérées pour créer un bon climat des affaires, l’état de la corruption et éventuellement les actions entreprises pour la réduire. Dans ces deux domaines, la situation du Burundi sera comparée à celle de nos voisins. L’état du dialogue politique avec les partenaires économiques du Burundi sera analysé à travers les demandes d’appui du Gouvernement et les réponses qui leur ont été apportées. Une attention particulière sera consacrée à un cas typique de la grande corruption au Burundi : l’attribution du marché des plaques d’immatriculation.

2.1. Gouvernance économique et lutte contre la corruption

Gérer les affaires économiques publiques et privées grâce à des institutions, des mécanismes et des procédures connus, dans l’efficience, l’équité et la transparence en vue d’un bien-être des individus et des collectivités, telle peut être une tentative de définition de la bonne gouvernance économique. Cela fait appel à une capacité elle-même dépendant d’une volonté politique. Lorsqu’il y a déficit de cette capacité et/ou de cette volonté, on se retrouve en situation de mauvaise gouvernance économique. La gouvernance économique se rapporte donc à l’articulation de politiques, de procédures et de mécanismes organisationnels nécessaires pour la production et la distribution des biens et des services[70].

La mauvaise gouvernance a pour causes, devenant aussi des conséquences, l’absence de transparence, l’impunité des crimes économiques, le clientélisme, la corruption,  l’incapacité de mettre en place un environnement propice aux affaires, etc. Dans un document en cours d’élaboration, préparé sous l’égide du ministère à la présidence chargé de la bonne gouvernance et de la privatisation, les problèmes cruciaux identifiés en matière de gouvernance économique sont, dans l’ordre : l’impunité des crimes économiques, la précarité des conditions de vie des fonctionnaires, l’absence de planification du développement (absence de stratégies), l’absence d’une culture de reddition des comptes et l’inefficacité des mécanismes de suivi évaluation des actions[71]

   

Alors que des institutions de lutte contre la corruption apparaissent pour certains comme pléthoriques, le fléau de la corruption prend sans cesse plus d’ampleur. Ces nombreuses institutions sont à l’image d’épouvantails placés par les prédateurs eux-mêmes dans un champ pour faire croire au  propriétaire qu’il est bien gardé. La corruption arrive à une telle ampleur, qu’on peut aujourd’hui parler de son institutionnalisation[72].

 

Cette perception  est corroborée par divers classements faits par les organismes réputés dans ce domaine, en l’occurrence,  Transparency International qui classe le Burundi à la 168ème  position sur 180 pays, dans son dernier rapport de 2009. Ainsi, avec  l’Angola, le Burundi fait office de nouveau venu parmi les dix pays les plus corrompus du monde.

 

Comparaison de la position du Burundi avec les pays voisins et de la Communauté Est africaine

 

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 3: Position du Burundi dans le classement de Transparency International de 2009 et par rapport à ses voisins de EAC

 

En dépit de la présence de nombreuses institutions dédiées à la lutte anti-corruption, le Burundi a donc reculé dans le classement de Transparency et il est de loin le pays où la corruption est la plus importante dans les autres pays de la communauté est-africaine. 

 

2.2. Un budget général de l’Etat  taillé sur les intérêts de la classe politique

 

 L’habitude est déjà ancrée, les revendications salariales émanant des secteurs sociaux défavorisés éprouvent des difficultés pour passer le cap des différentes étapes de la prise de décision budgétaire tant au niveau de l’Exécutif que du Législatif. Le niveau de ces réticences est inversement proportionnel à la facilité avec laquelle les politiques, parlementaires et responsables de l’exécutif, s’accordent des avantages, souvent au détriment de véritables priorités et des besoins de la population burundaise. En la matière, les concessions mutuellement avantageuses votées dans le  budget de l’Etat de 2010, sont exorbitantes.

 

Si c’est surtout le régime des avantages et des indemnités accordés aux parlementaires et aux mandataires politiques de l’Exécutif qui a le plus fait scandale, d’autres rubriques de ce budget comportent des aspects, sujets à caution. Ce qui est encore plus grave, c’est que ces avantages et indemnités ont été octroyés, alors que le budget accuse un déficit de 132.661.237.409 BIF. Faute de moyens suffisants, ce sont d’autres secteurs qui vont probablement souffrir car les avantages et les indemnités accordés aux dignitaires seront certainement considérés comme prioritaires.

 

2.2.1. Les avantages et les indemnités exorbitants que les dignitaires politiques se sont octroyés

 

Les ex-présidents auront droit à un montant de 3.500 millions de BIF, les parlementaires 2 milliards et 3.500 millions de BIF pour les Ministres, soit un total de neuf milliards. Ce qui est le plus choquant n’est pas tellement le chiffre dans l’absolu, c’est lorsqu’il est comparé aux budgets alloués à certains secteurs économiques et sociaux. On se rend compte par exemple, que ce budget est supérieur à celui alloué à l’ensemble de quatre ministères : celui de la lutte contre le sida ; de la jeunesse et des sports ; du commerce et celui des droits de l’homme qui totalisent un montant de 7.736 millions. Il représente la moitié du budget alloué à l’agriculture et à l’élevage.

 

Ces avantages et indemnités concernent d’abord les trois têtes de l’Exécutif. A la fin de leurs mandats, les trois premières personnalités de l’Exécutif bénéficieront ainsi des indemnités de fonction, des frais d’entretien et d’équipement du charroi et du palais, et de représentation. Ils bénéficieront en outre de l’achat d’un véhicule et de kits d’appareil des nouvelles technologies de l’information et de communication à usage personnel, exonérés de TVA. L’Etat prendra en charge les frais médicaux, les honoraires des médecins au Burundi et à l’étranger pour eux et pour leurs conjoints et leurs ayants droits. Egalement les frais funéraires seront pris en charge ainsi que les frais de rapatriement du corps en cas de décès à l’étranger. Quelques différences entre ces indemnités et avantages existent entre les trois. Ainsi le Président, son conjoint et ses enfants bénéficieront de passeports diplomatiques, de même en ce qui concerne le 1er Vice-Président, sauf que pour ses ayants droits, dont l’octroi  sera limité aux seuls mineurs. Le 1er et le 2ème Vice-présidents bénéficieront d’une indemnité équivalente à trois mois de salaire.

 

A l’expiration de leurs fonctions, le Président et les deux Vice-présidents de la République bénéficient des avantages particuliers non pécuniaires, notamment en matière de sécurité et de protocole correspondant  à leur rang protocolaire[73].

 

Quant au ministre, lorsqu’il est mis fin à ses fonctions, il lui est accordé une allocation de fin de fonction de trois mois de tous les frais et indemnités (sic !). Le bénéficie du passeport diplomatique reste acquis à un membre du Gouvernement à l’expiration de ses fonctions. De plus, une fois au cours de l’exercice de ses fonctions, un véhicule type affaires et promenade et un kit d’appareils de nouvelles technologies d’information et de communication à usage personnel acheté par le membre du Gouvernement est exonéré des droits de douane et la Taxe de Valeur Ajoutée (T.V.A.)[74].

 

Concernant les parlementaires, lorsqu’ils sont en fin normale de mandat,  il leur est accordé une indemnité de fin de mandat équivalent à quatre mois de toutes les indemnités et frais qu’un parlementaire percevait en période de session. Il en est de même de tout parlementaire qui se trouve dans l’impossibilité de continuer à exercer pour cause de maladie ou d’infirmité dûment constatée. Une fois par législature, le parlementaire peut acquérir un véhicule et un kit de communication dans les mêmes conditions qu’un Ministre. Le bénéfice du passeport lui reste acquis à l’expiration de son mandat.

 

Les membres des bureaux des deux chambres bénéficient des avantages particuliers non pécuniaires notamment en matière de sécurité et de protocole correspondant à leur rang protocolaire[75].

 

Ces avantages et indemnités seront obtenus à l’aune de recettes perçues notamment par une augmentation de 440% du passeport qui doit être changé au cours de l’exercice 2010, des plaques d’immatriculation, des taxes sur le sucre, la bière et les boissons importées. Au besoin ces augmentations passent par une violation de la loi  comme le souligne la Cour des Comptes. Selon elle, « l’article 26 en rapport avec le renouvellement de tous les permis de conduire est en contradiction avec la loi n°1/04 du 17 février 2009 portant sur les transports intérieurs routiers, en son article 51, qui dispose que le permis de conduire est délivré pour une période de validité de 5 ans renouvelable par l’autorité compétente ». La Cour des Comptes estime que la loi des finances ne peut pas déroger à une loi de portée générale[76].

 

Il en est de même de l’article 29 de cette loi des finances, relatif au coût des plaques d’immatriculation des véhicules et motocycles. Au regard du décret et de l’ordonnance de mise en application[77], l’article 29 viole le principe d’universalité budgétaire qui interdit  toute contraction entre les recettes et les dépenses budgétaires. Aussi bien pour les plaques d’immatriculation que pour le permis de conduire et le passeport, c’est le montant brut qui doit être indiqué en recettes contre un montant en dépense de leur acquisition par l’Etat auprès des fabricants[78].

 

Questionnée au Parlement sur le coût élevé du passeport et son accessibilité, la Ministre des Finances a répondu que « si quelqu’un peut se payer un billet d’avion, il est tout aussi capable d’acquérir un passeport à 220.000 BIF[79] ». Le coût réel n’a donc aucune importance, l’essentiel étant que le Gouvernement atteigne ses objectifs budgétaires sans tenir compte de l’impact sur la population. L’approche est purement égocentrique.

2.2.2. Distorsions et déséquilibres : consommer sans investir

Le budget général pour l’exercice 2010 est caractérisé par des déséquilibres criants entre les trois principaux secteurs. En première position, comme dans les budgets antérieurs,  ce sont les services généraux qui se taillent la part du lion avec 51 % des crédits, tandis que les services économiques et sociaux disposent respectivement d’un peu moins de 11% et de 37%.

 

La comparaison de l’évolution ou des allocations de certaines rubriques fait ressortir les distorsions et les déséquilibres qui persistent dans le budget du Burundi en 2010.  A titre illustratif, néanmoins significatif, le budget de la Présidence de la République, non compris ceux des deux vice-présidences, est supérieur à celui alloué au ministère de l’agriculture et de l’élevage. Ils sont respectivement de 18947 millions de BIF et 18038 millions de BIF. Par rapport à 2009, ce budget de la Présidence a connu un accroissement de 47%.

 

Paradoxalement, alors que le budget connaît une diminution considérable des frais de réparation et d’entretien des véhicules passant de 18.609.134.532 BIF  à 3.281.268.455 BIF, soit une baisse de 176%, les frais des lubrifiants et carburants  au lieu de baisser connaissent une hausse importante de 63,1%, passant de 3.771.339.163 BIF en 2009, à 6.481.108.973 BIF en 2010. Lorsqu’on sait comment les véhicules de l’Etat sont utilisés dans les différentes campagnes et mobilisations politiques, notamment pour les réunions du parti au pouvoir, l’on pourrait penser que l’augmentation de ces frais a été faite dans la perspective de la campagne électorale de 2010. Cette appréhension se renforce au regard du budget alloué au carburant et lubrifiants du charroi  présidentiel qui représente 364.000.000 BIF, soit environ un million de francs burundais par jour. Ce montant paraît énorme. La rubrique « Appui aux bonnes Initiatives »,  géré à la discrétion du Président de la République a une allocation de 2 milliards. Son usage et sa gestion n’ont jamais cessé de soulever des interrogations qui restent toujours fondées. L’hypothèse qu’ils soient destinés à un usage personnel ou partisan est fort crédible.

 

Le montant alloué aux imprévus a subi une hausse phénoménale, difficile à expliquer dans la mesure où il passe de 1.379.000.000 BIF, en 2009, à 8.124.000.000 BIF, soit une augmentation de 589,12 %. Si comme le souligne  la Cour des Comptes, cette augmentation se trouve dans les limites prévues par l’article 20 de la loi Organique n°1/35 du 4 décembre 2008 relative aux finances publiques[80], le risque est que ce montant serve à des dépenses autres qu’imprévisibles et accidentelles.

 

Les autres rubriques qui semblent gonflés sont notamment les frais d’investiture qui représentent un demi milliard de francs burundais. Au regard de la pauvreté qui sévit dans le pays, ce montant est exorbitant.

 

Le constat général qui se dégage est que le budget pour l’exercice 2010 est déséquilibré. A l’instar des budgets des années antérieures, il privilégie des dépenses de consommation aux dépens des dépenses d’investissement. De plus, la Cour des Comptes note que l’augmentation de certaines indemnités n’a aucune base légale[81].

 

2.2.  Un environnement des affaires non compétitif en Afrique de   l’Est

 

Pour être mieux outillé avec son entrée dans la communauté de l’Afrique de l’Est, le Burundi a initié des réformes pour créer un environnement des affaires, des plus attractifs. Le Président de la République du Burundi avait évoqué cet aspect dans son discours de bilan, le 26 août 2009, en ces termes « Pour l’amélioration de l’économie nationale, le Burundi a adhéré aux organisations régionales de développement, et nous poursuivons l’œuvre commune de relever celles qui sont chancelantes. Nous avons d’ailleurs révisé le Code des Investissements, pour donner plus de facilités aux opérateurs économiques qui veulent investir dans notre pays, et ainsi augmenter l’emploi et réduire par conséquent le chômage. »

A cet effet, la loi n° 1/23 du 24 septembre 2009, déterminant les avantages fiscaux prévus par la loi n°1/24 du 10 septembre 2008 portant code des investissements du Burundi a été promulguée. Cette loi complète celle portant code des investissements. Elle prévoit une réduction d’impôt de 37 % des investissements en immobilisations sauf les véhicules utilisés dans l’entreprise pour le transport personnel des dirigeants et du personnel. En plus, il ya une réduction d’imposition sur les bénéfices de 2% si l’investisseur emploie 50 à 200 travailleurs burundais et 5% s’il en emploie plus de 200. Pour stimuler les investissements, le code des investissements prévoit la mise en place d’une agence de promotion des investissements.

Quant au code des investissements, il introduit des innovations en vue de promouvoir les investissements au Burundi. Ce code garantit notamment le libre transfert des capitaux, des revenus professionnels et des dividendes, interdit toute nationalisation et dans le cas contraire garantit une juste et préalable indemnité ouverte au recours judiciaire et à l’arbitrage. Les  investissements effectués par les entreprises nouvelles ouvrent droit à un crédit d’impôt. Le code offre également des garanties et avantages du régime de zone franche[82]

Des réformes sont effectivement en œuvre au pays pour attirer les investissements, créer un environnement favorable aux affaires, en particulier dans le cadre de l’intégration au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Il est cependant intéressant de faire une évaluation pour connaître la situation du pays sur base d’indicateurs fiables. Pour 2009, la Banque Mondiale, à travers le projet ‘Doing Business’ a fait son classement annuel de 183 économies[83]

Les données de cette institution sont compilées sous forme de tableau, dont un qui fait le classement de tous les pays, et puis des classements par régions du monde, comme l’Afrique subsaharienne, par exemple, et des données détaillées par pays. Globalement, le Burundi occupe la 176ème place sur les 183 pays, il occupe la 40ème position sur 46 pays de l’Afrique subsaharienne.

Ce classement se base sur les facilités de faire des affaires dans un pays déterminé. Pour le Burundi les principaux indicateurs sont synthétisés dans le tableau ci-dessous :

 

 

Facilité de….

Classement 2010

Classement 2009

Variation par rapport à 2009

Classement de Doing Business

176

177

+1

Création d’entreprise

130

132

+2

Octroi permis de construire

172

169

-3

Embauche des travailleurs

88

83

-5

Transfert de propriété

118

120

+2

Obtention de prêts

167

165

-2

Protection des investisseurs

154

151

-3

Paiement des impôts

116

117

+1

Commerce transfrontalier

175

173

-2

Exécution des contrats

172

172

0

Fermeture d’entreprise

183

183

0

 

 

 

 

Encadré 2 : Explication des indicateurs de « Doing Business »

 

Par rapport à 2009, le Burundi a quand même progressé d’une position, en passant de la 177ème place à la 176ème. Dans la perspective d’une intégration progressive et compétitive dans la communauté de l’Afrique de l’Est , la position du pays est très mauvaise, comme on peut le voir grâce à un tableau comparatif. Le Rwanda occupe la première position, il a d’ailleurs été le pays le plus réformateur en matière économique en 2010, suivi par le Kenya, l’Ouganda et puis la Tanzanie. Le Burundi vient très loin à la 45ème position après le dernier pays de la communauté de l’Afrique de l’Est. Les défis restent donc énormes pour que le pays puisse attirer des investissements et pouvoir être compétitif en Afrique de l’Est.

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 4: Classement du Burundi en 2009 en matière par « Doing Business » et par rapport à ses voisins EAC

2.3. Réformes structurelles et conditions de vie des populations

Au mois de septembre le Fonds Monétaire International (FMI) donnait de bonnes nouvelles en rapport avec quelques données économiques du Burundi. Selon cette organisation, le taux d’inflation annuel a baissé à 6% au mois de juillet 2009, en passant de 7,6 % du mois précédent. Ce taux devrait atteindre une moyenne de 9% en 2009, contre 24,5 % de l’année précédente.

Selon le FMI, les perspectives macroéconomiques du Burundi pour 2009 demeurent positives mais il subsiste des risques consécutifs à la crise financière mondiale. Le taux de croissance économique devrait tomber de 4,5% en 2008, à environ 3,5%  en 2009, principalement sous l’effet de la baisse de la demande d’exportations et du recul des transferts privés et des investissements directs étrangers. Cependant, la faiblesse de la croissance économique et le repli des cours mondiaux du pétrole et des produits alimentaires ont amélioré les perspectives d’inflation pour 2009, qui laissent entrevoir un taux à un chiffre pour l’inflation sur 12 mois. Soutenues par les allocations de DTS, les réserves officielles devraient passer à un niveau équivalant à environ 7 mois d’importations[84].

Le Fonds Monétaire International considère, que les perspectives économiques du Burundi à moyen terme restent favorables à condition que la situation sécuritaire et politique continue de s’améliorer. La croissance du PIB devrait atteindre en moyenne environ 4 % sur la période 2009 à 2012, sous l’effet de trois principaux facteurs : i) une réduction continue des grandes distorsions structurelles, surtout dans le secteur du café, dans le but de stimuler la productivité totale des facteurs; ii) une augmentation sensible des investissements financés par l’aide, en grande partie aux fins de la rénovation de l’infrastructure, laquelle contribuera à remédier aux gros goulots d’étranglement au niveau de l’offre; et iii) l’impact de l’adhésion du pays à la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), qui aidera à diversifier l’économie, à stimuler la concurrence et à attirer davantage d’investissements.

 

Pour garantir ces résultats ou les améliorer, des stratégies appropriées doivent être mises en œuvre pour faire face aux importants défis qui se posent notamment au regard du risque d’endettement élevé. D’où la nécessité  de faire la consolidation des finances publiques pour générer une épargne publique, renforcer la gestion de la dette et avoir principalement recours à des dons et des prêts hautement concessionnels pour éviter une dette insoutenable. Mais la maîtrise de la masse salariale demeure un défi budgétaire de taille. Pour éviter les risques budgétaires, les autorités devront la maintenir à un niveau soutenable. Il est aussi essentiel d’améliorer le calcul des coûts des initiatives sociales pour assurer la viabilité budgétaire. L’impact sur le budget de la gratuité des soins de santé aux enfants de moins de 5 ans et des soins de maternité, ainsi que de la scolarisation primaire est d’une importance critique et une assistance technique en matière d’évaluation de leur coût devrait être envisagée.

 

Le Fonds Monétaire International préconise notamment d’accroître l’efficacité des dépenses pour réduire la pauvreté, le renforcement de la gouvernance et l’obligation de rendre compte de l’utilisation des ressources publiques. En plus, il s’avère nécessaire que le Gouvernement procède à un certain nombre de réformes structurelles, notamment dans le domaine de la gestion des finances publiques et dans les secteurs monétaire et financier, ainsi que dans ceux du café et du pétrole.

La fluctuation des prix pétroliers a une incidence sur le coût de la vie car elle se répercute sur les prix des autres produits. Une nette amélioration s’observe dans la manière de gérer les crises nées des fluctuations. Dans un passé récent, les pétroliers avaient souvent recours à des pénuries artificielles pour forcer le Gouvernement à consentir une augmentation avec tout ce que cela impliquait comme pénuries réelles, files d’attentes et désorganisation économique. Aujourd’hui, le consommateur l’apprend par les média ou à la pompe. Cependant la structure des prix soulève des problèmes, car l’Etat prélève 35%. Ce qui paraît énorme au regard des  conséquences néfastes de l’augmentation des prix du carburant  sur les conditions d’existence de la population surtout des catégories les plus vulnérables. Les mécanismes de stabilisation des prix qui existaient ont été abrogés. Une étude sur cette problématique était attendue  avec le concours  de la Banque mondiale depuis 2008.

2.4. Priorités économiques gouvernementales : appuis des partenaires  et défis

« La consolidation de la paix et la promotion de la croissance économique sont les priorités fondamentales de l`action du gouvernement pour que tous les burundais puissent enfin avoir une légitime fierté d`appartenir à une nation qui garantit leurs libertés et qui leur procure un bien être social et matériel en offrant à tous l`égalité des chances devant leurs droits et leurs obligations vis-à-vis du service public et de la capacité de chacun de s`épanouir davantage[85]. »

 

2.4.1. Appuis des partenaires conditionnés à la bonne  gouvernance

Au cours de la conférence du Groupe Consultatif sur le Burundi, le Gouvernement,  a présenté des domaines prioritaires, identifiés comme de leviers de croissance économiques. Il s’agit de l`énergie, de l`agriculture, des infrastructures de transports et les travaux publics, des technologies de l`information et de la communication (TIC), du secteur privé,  du tourisme et du secteur de l`eau.

Ces priorités n’apparaissent pas comme telles dans le budget de l’Etat. Si on se réfère à certains des secteurs cités comme l’agriculture, l’énergie et l’eau, le constat est qu’ils restent les parents pauvres dans l’allocation budgétaire nationale avec des budgets modiques qui représentent respectivement, environ 3% , 1,4% et 1,2%, soit un total de 5,6%. Et encore les ministères auxquels ces budgets sont alloués couvrent plusieurs secteurs qui se partagent un budget aussi modeste.  Il paraît donc difficile de convaincre les partenaires sur les priorités gouvernementales lorsque les faits portent à croire le contraire.

Cependant, au cours du second semestre, des appuis financiers ou des promesses fermes ont été donnés par les partenaires du Burundi. Ainsi, le 18 septembre 2009, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a accordé un appui au Gouvernement du Burundi de 691.850 dollars américains. Cette contribution initiale  va aider le Burundi dans la mise en œuvre d'une initiative destinée à promouvoir le tourisme au Burundi. Le tourisme est considéré comme le levier de croissance socio-économique et un secteur clé pour la consolidation de la paix.

Aussi, lors de la visite du Président de la République, en octobre dernier, la Belgique a promis de débloquer une aide de  deux cents millions d’euros. Ces fonds accordés, seront utilisés pour soutenir les secteurs clé de l’éducation, de la santé et de l’agriculture  pour environ 150 millions, 50 millions seront consacrés à la période post-électorale, 10 millions contribueront dans les cotisations à la Communauté Est Africaine, tandis que le reste, deux millions, financeront la participation du Burundi à la CEPGL.

Après avoir annulé une dette de 15 millions de dollars, la Banque africaine de développement(BAD) a signé au mois de novembre, un protocole d'accord d'un don de 24 millions de dollars US en faveur du Gouvernement burundais pour l'aider à financer des projets dans le domaine agricole. La première composante du don porte sur le développement de l'irrigation par l'aménagement des bassins versants des lacs et marais du nord du Burundi sur une superficie de 4.000 hectares, la réhabilitation des infrastructures d'irrigation sur 2.000 hectares de marais, la création des infrastructures d'irrigation de petits périmètres collinaires sur 500 hectares, ou encore le développement de la production et la diffusion des semences sélectionnées, l'intégration de l'élevage bovin et caprin à l'agriculture irriguée.

La deuxième composante du don a trait à la réhabilitation de 50 km de pistes rurales et l'installation d'unités de stockage de produits vivriers, toujours dans les régions déshéritées du nord du Burundi.

De son côté,  le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) a financé huit projets de développement du monde rural au Burundi pour un montant global de plus de 200 millions de dollars US. L’accord a été signé le 16 novembre 2009.  Ces projets ont, notamment, trait au programme de relance et de développement du monde rural, au programme transitoire de reconstruction post-conflit et à l'appui à la reconstruction du secteur de l'Elevage.

L’Allemagne a également apporté un appui d’un montant de 22,5 millions d’euros pour soutenir le pôle prioritaire « eau potable et assainissement » ainsi que l’appui à la décentralisation et la lutte contre la pauvreté. L’accord a été signé le 7 octobre 2009 à l’issue des négociations de coopération entre les gouvernements allemand et burundais.

Les commentaires figurant dans les discussions entre les parties burundaise et allemande sont probablement emblématiques des préoccupations des bailleurs sur le contexte politique et socio-économique. La partie allemande a insisté auprès de la partie burundaise sur la nécessité de renforcer les efforts déployés pour assurer  pleinement la jouissance des  droits, en particulier les libertés politiques, la planification familiale et le développement du secteur privé. Par ailleurs, l’accord est assorti d’une clause contre la corruption. Après une énumération des effets négatifs de la corruption, les deux gouvernements ont convenu de coopérer étroitement afin de garantir la transparence et la régularité des dépenses effectuées sur les fonds publics et de rendre compte mutuellement de l’utilisation des ressources, en vue d’exclure toute occasion facilitant les pratiques de corruption au niveau de leur coopération au développement[86].

2.4.2. Les conclusions du Groupe Consultatif pour le Burundi : appropriation et amélioration de la gouvernance politique et économique

 

La mobilisation financière escomptée lors de la conférence du Groupe consultatif pour le Burundi à Paris, n’a pas eu lieu. La conférence s’est terminée sans nouvelle annonce d’appui financier. Cette conférence a été plutôt un cadre d’analyse stratégique pour la consolidation de la paix et du développement au Burundi. Elle a formulé une série d’observations et de recommandations à la partie burundaise pour améliorer son environnement politique et économique en vue d’une croissance équitable et durable.

 

En matière de consolidation de la paix, la Conférence a relevé des  progrès importants aussi bien dans la consolidation de la paix et de la gouvernance que dans la gestion macroéconomique, mais également beaucoup de défis qui restent. Le renforcement des services sociaux de base et la bonne gouvernance sont des préalables à une croissance accélérée qui est indispensable à la consolidation de la paix[87].

 

L’organisation en 2010 des élections régulières, pacifiques, transparentes et acceptées par tous constitue un enjeu important pour renforcer la crédibilité et la confiance du Burundi auprès de ses partenaires au développement. A ce titre, l’indépendance de la CENI et la création des conditions pour une compétition saine et équitable des partis politiques sont essentielles au bon déroulement de ce processus.

 

Les grands axes identifiés par la partie burundaise pour promouvoir une croissance accélérée et partagée sont pertinents (voir section précédente), mais la Conférence a noté la nécessité de renforcer la planification stratégique et la hiérarchisation des priorités. L’agriculture va rester pendant longtemps un grand pilier pour la croissance compte tenu de son poids et des potentialités qu’il présente pour l’économie burundaise. L’intégration régionale constitue également un levier essentiel pour soutenir la compétitivité du Burundi à travers la création d’un espace économique attrayant et le développement des économies d’échelle. Egalement, les investissements dans le domaine de l’énergie sont hautement prioritaires pour améliorer l’environnement des affaires et attirer les investissements étrangers directs.

 

Cependant, la Conférence a relevé que si l’aide et l’appui de la communauté internationale sont nécessaires pour appuyer les efforts du Gouvernement, la croissance et le développement durables resteront tributaires des capacités de ce dernier à créer l’environnement nécessaire pour attirer les investissements étrangers directs et pour développer un secteur privé dynamique. La capacité du Burundi à mobiliser les ressources internes (recettes fiscales et non fiscales et emprunts internes)  pour relever les défis posés pour son développement est extrêmement faible. Même s’il a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE et qu’il bénéficie d’annulations d’une grande partie de sa dette, son endettement va également rester insoutenable à long terme. Il a été demandé à la Banque Mondiale de revoir sa position  de ne plus considérer le Burundi comme pays post conflit à partir du 30 Juin 2011, et maintenir la capacité actuelle du Burundi à accéder à des « Dons » et financement hautement concessionnels. Cette flexibilité pourrait contribuer à garantir la durabilité des efforts déjà consentis.

 

Le dialogue entre les partenaires autour des défis et priorités nationales doit rester constant, sous le leadership du gouvernement et avec toute l’appropriation nationale nécessaire, afin d’assurer une bonne coordination et une plus grande cohérence.

 

2.5. L’institutionnalisation progressive de la corruption

2.5.1. La corruption : une contagion qui vient d’en haut[88]

 

Au sujet de la corruption, les observations dégagées au cours du premier semestre restent de mise. En dépit des promesses faites par les plus hautes autorités du pays, on peut affirmer, au vu des données, des constats et des histoires vécues par différentes personnes qui sollicitent les services publics que la corruption est aujourd’hui en passe d’être institutionnalisée. Ce sont ceux qui la combattent qui doivent se cacher en craignant  le courroux et les représailles de ceux qui la pratiquent. Les corrupteurs et les corrompus eux jouissent d’une totale protection et pour la plupart surtout ceux qui se livrent à la corruption, surtout la grande, sont assurés de l’impunité. Le dernier classement de Transparency International et d’autres organismes en charge de la lutte contre la corruption montre le glissement du Burundi dans les pays les plus corrompus du monde.

 

Quant aux institutions mises en place pour lutter contre la corruption, elles sont ligotées par les textes, les accointances et les allégeances qui  limitent leur champ d’action, en ne leur autorisant que de s’en prendre à de « petits poissons ». Le refus de la Présidence d’être auditée par la Cour des Comptes est une illustration typique de la situation du pays. Il s’agissait de malversations présumées concernant les bons de carburant. Au lieu que la Cour anti-corruption se saisisse du cas, c’est la police judiciaire et le parquet de la mairie de Bujumbura qui ont ouvert une enquête pénale, alors qu’ils n’en ont pas la compétence, si on se réfère à la loi du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes[89]

 

D’autres imputations sérieuses  évoquent une implication présumée et directe de la direction des douanes dans l’organisation des fraudes, comme l’illustre les dénonciations faites au sujet de la fraude du sucre avec de faux certificats d’origine, opéré par des commerçants de Bujumbura, Ngozi et Muyinga. Un autre cas qui a défrayé la chronique est celui des camions remorques qui ont été convoyés par la Police jusqu’aux entrepôts à Bujumbura. La dénonciation du forfait, au lieu de pousser à la répression des délinquants a encouragé les commanditaires à effacer les traces pour soustraire les fraudeurs et leurs complices des poursuites. Seul le déclarant en douane a été inquiété, mais selon les affirmations de l’OLUCOME, les documents qui étaient dûment signés par les autorités des douanes habilités portaient les noms d’importateurs fictifs[90]. Des informations provenant de diverses sources tendent à faire croire à une fraude organisée par les autorités habilitées au profit de hauts responsables de l’Etat ou de commerçants avec lesquels ils ont des liens. Des commerçants opérant dans les mêmes secteurs qu’eux se seraient déjà adressés à l’autorité car les prix qu’ils pratiquent cassent le marché de ceux qui payent régulièrement les redevances dues.

 

Le système de poursuites est verrouillé pour garantir l’impunité des auteurs de la grande corruption. Au mois d’août 2009, quelques députés ont fait la requête auprès du Président de l’Assemblée Nationale pour que le dossier FALCON 50 qui dort dans les tiroirs depuis plusieurs mois soit analysé. Dans la séance du 18 août 2009, le Président de l’Assemblée Nationale avait assuré que le rapport serait analysé. Ceux qui avaient reçu cette promesse attendaient toujours sa concrétisation.

 

Ces cas dénoncés par l’OLUCOME sont donnés juste à titre illustratif mais la corruption se passe partout où un service est sollicité. Nombre de responsables perdent l’autorité morale de d’ordonner la poursuite de leurs subordonnés car elles-mêmes sont elles-mêmes fréquemment si pas quotidiennement impliquées dans des affaires de corruption beaucoup plus graves et qui ne peuvent être ignorées des agents et des cadres qu’ils dirigent.

 

En octobre dernier, Salvator Ntacobamaze, ancien Ambassadeur du Burundi à Nairobi au Kenya, a été rappelé et incarcéré pour détournement de fonds destinés au fonctionnement de l’ambassade. Pour les mêmes raisons, il a été rejoint en prison par Léopold Ndayisaba, ancien Ambassadeur du Burundi à Rome en Italie. L’impunité des grands auteurs de la grande corruption est tellement devenue la règle que l’opinion a été dubitative sur les raisons réelles qui ont conduit à l’emprisonnement de ces deux personnalités. Cet emprisonnement a donné lieu à des rumeurs et des spéculations sur les motifs réels, tantôt politiques, tantôt mafieux qui de toute façon n’avaient rien à voir avec la volonté d’en finir avec la corruption. 

2.5.2. Les nouvelles plaques d’immatriculation : un dossier emblématique de la grande corruption au Burundi

Le dossier des nouvelles plaques d’immatriculation est typique de la grande corruption au Burundi, il est symptomatique de la gravité de la corruption et du niveau atteint dans la violation des procédures et de la loi. Il est choisi ici à titre illustratif. Même s’il a été évoqué dans différents média, les montants en jeu, les manœuvres utilisées, les autorités impliquées font de ce dossier, un exemple typique de l’institutionnalisation de la corruption.

2.5.2.1. Ce que prévoit la loi sur les marchés de  gré à gré

 

Aux fins d’une meilleure utilisation des ressources de l’Etat, une loi portant code des marchés publics a été promulguée le 4 février 2008. Elle fait partie du dispositif de réformes indispensables,  réclamées par les partenaires du Burundi pour une meilleure gestion des finances publiques.

D’après cette loi, l’appel d’offres ouvert est la procédure de passation la plus transparente ; elle devient donc la règle générale de passation des marchés publics ; le recours à tout autre procédure devant être motivé et faire l’objet d’une autorisation.

 

C’est dans cet esprit que les conditions de recours aux marchés gré à gré, considéré à juste titre comme étant au cœur des mauvaises pratiques dans les marchés publics, voire source de corruption, ont été limitatives énumérées par la loi ( art 40 de la loi régissant la matière[91]).

 

Normalement, c’est à la demande des autorités contractantes que  la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics (DNCMP) accorde les autorisations et dérogations nécessaires[92]. Par la suite, sur demande de la DNCMP, les Commissions spécialisées sont chargées d’émettre les avis de non objection, les avis d’accorder les autorisations et dérogations prévues par la réglementation en vigueur, et de procéder aux analyses définies à l’article 3 du décret précité. La DNCPM comprend trois commissions spécialisées : i) la Commission des marchés des travaux ; ii) la Commission des marchés des fournitures ; iii) la Commission des marchés de services (art. 22.). Dans ce cas, c’est la commission des fournitures qui aurait du être saisie.

 

Les Commissions spécialisées sont assistées dans leur mission par le Secrétaire  Permanent. Ce dernier reçoit du Maître de l’ouvrage (MD), dans ce cas il s’agit du ministère des Transports, Postes et Télécommunications ou du Maître de l’Ouvrage Délégué (MOD), (cfr. art. 40) les dossiers adressés au Président de la Commission spécialisée compétente. Il tient également dans un registre sans blanc ni surcharge et numéroté, fourni par l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARM), les procès-verbaux  des réunions dont les extraits sont régulièrement transmis à cette dernière, tient un fichier des marchés examinés par la Commission sus évoquée et veille à  la conservation des documents[93].

 

La présentation d’un dossier à la Commission spécialisée (cfr.art. 41) est assurée par un membre de la CPM désigné par le MO ou son délégué. Ce membre est accompagné le cas échéant, du responsable du projet ou d’un technicien mandaté par le MO ou son délégué.  Ces personnes fournissent toutes les informations de nature à éclairer les membres de la Commission Spécialisée. Elles sont tenues  autant que de besoin, de répondre à toutes les questions ou les observations formulées par lesdits membres.

 

Les avis et décisions des commissions spécialisées et de la commission de suivi doivent être motivés (cfr. art. 42). En matière de marchés conclus par gré à gré, la décision de la DNCMP¨est transmise à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (cfr. art. 46).

2.5.2.2. Les faits : une violation flagrante de la loi

 

Selon des informations dignes de foi, le dossier de demande provenant du Maître de l’Ouvrage (Ministère des Transports) de dérogation n’a pas été transmis officiellement. Elle a été remise au responsable de la DNCMP qui a émis un avis favorable en date du  12 août 2009, sans que l’analyse du dossier suive les procédures prévues à cet effet. Le dossier n’est pas classé. 

 

Violations graves de la hiérarchie des textes 

 

Comme on s’en rend compte (voir encadré), le recours au gré à gré n’était pas justifié car aucune des conditions prévues par la loi n’était remplie. Egalement, la procédure d’autorisation du gré à gré a été violée,  le dossier n’a pas été analysé par la Commission spécialisée mise en place par la réglementation à cet effet.

 

Même la loi n°1/21 du 8 septembre portant fixation du budget général révisé a été violée. En effet, en ses articles 25 et 26, elle fixe la taxe pour les plaques à 40.000 BIF et la taxe pour carte d’immatriculation à 20.000 BIF pour les véhicules et respectivement 25.000 et 12.500 BIF pour les motos. Ce qui représente en tout 60.000 BIF pour les véhicules et 37.500 BIF pour les motos.

 

Ces dispositions légales sont contrariées par le décret présidentiel n°100/53 du 9 avril 2009 et l’Ordonnance Ministérielle n°730/540/1167 du 28 août 2009. Les deux textes qui fixent les prix de la plaque d’immatriculation des véhicules à 100000 BIF pour les véhicules et 50000 BIF pour les motos et les cartes d’immatriculation, respectivement à 40000 BIF et 25000 BIF sont irréguliers dans la mesure où ils contrarient la loi précitée.

 

Représentation synthétique des décisions prises :

 

Date

Texte

Montants fixés

Plaque/carte d’immatriculation (BIF)

Commentaire

Véhicule

 

Moto

31/12/2008

Loi n°1/36 portant fixation du Budget Général de l’Etat pour l’exercice 2009

40.000

20.000

25.000

12.500

Voir les articles 25 et 26.

09/04/2009

Décret n°100/53 portant fixation des coûts des plaques

 et des certificats d’immatriculation

100.000

40.000

50.000

25.000

Les plaques devront être remplacées avant le mois de juin 2009

Conformité avec celles de la CEA

28/08/2009

Ordonnance ministérielle n°730/540/67 portant mise en application du décret n°100/53 du 09/04/2009 portant fixation des plaques et des certificats d’immatriculation

100.000

40.000

50.000

25.000

L’OM se réfère pourtant à la loi n°1/36 du 31 décembre 2008 mais fixe les tarifs du décret n°100/53

08/09/2009

Loi n°1/21 portant fixation du budget général révisé de la République du Burundi pour l’exercice 2009

40.000

20.000

25.000

12.500

Voir les articles 25 et 26.

 

L’analyse des éléments figurant sur ce tableau permet de conclure que la loi a été systématiquement violée au moins à deux niveaux :

 

La Constitution a donc été violée, particulièrement en son article 159, spécifiant

les matières qui sont du domaine de la loi. Cet article, en son alinéa 5, dispose que les questions financières et patrimoniales  sont du domaine de la loi et plus spécialement le régime d’émission de la monnaie, le budget de l’Etat, la définition de l’assiette et du taux des impôts et taxes ; ainsi que l’aliénation et la gestion du domaine de l’Etat. Un décret ou une ordonnance ne peut donc fixer les taxes qui sont exclusivement du domaine de la loi.

 

La loi a été violée car les dispositions de la loi budgétaire, exercice 2009, ont été modifiées par un décret et une ordonnance qui sont des textes hiérarchiquement inférieurs. Or, le principe  est qu’une disposition légale ou réglementaire ne peut être modifiée que par une disposition de même nature (niveau de l’autorité) ou de nature supérieure[94].  Des mécanismes rectificatifs devraient être envisagés pour réparer le préjudice causé aux acquéreurs des plaques et cartes d’immatriculation du fait de la violation d la loi.

 

2.5.2.3. Irrégularités dans l’attribution du marché, prix exagérément gonflés

 

Le dossier a été traité de manière opaque de telle sorte qu’il est difficile d’accéder aux données sur les conditions du contrat pour ce marché des plaques d’immatriculation. D’après le journal IWACU, le montant du marché serait de 3.820.000 dollars américains (USD), soit l’équivalent d’environ 4,7 milliards de BIF[95]. Ce marché aurait été attribué à une entreprise ougandaise dénommée MIG International Ltd et qui aurait une branche à  Bujumbura. Si les données sur le nombre de véhicules sont correctes, c’est-à-dire 80 mille véhicules et 20 mille motos[96], le coût total des plaques serait de 9 milliards de francs burundais. La comparaison des deux montants accuse un différentiel énorme. De plus, le Budget Général de l’Etat, exercice 2009, prévoit seulement 112.000.000 BIF pour l’achat des plaques. Ce montant a été effectivement engagé. La question qui se pose est de savoir où va aller cette énorme différence entre le montant prévu pour l’achat et le résultat de la vente des plaques qui se chiffrent en milliards.

 

Les prix des plaques sont gonflés : les plaques qui viennent d’être remplacées coûtaient 15.000 BIF pour les véhicules. Le prix actuel est environ 7 fois supérieur. Si on compare au prix pratiqués ailleurs, on constate que ce prix est exagérément élevé. Au Rwanda, les plaques sont à l’équivalent de 40.000 BIF, de même en Tanzanie, en France le coût des nouvelles plaques est à 29.9 euros[97], soit environ 50.000 BIF. Le prix de la plaque au Burundi apparaît donc exagérément élevé.

 

Les plaques ne sont pas conformes à celles de la Communauté Est Africaine : le décret présidentiel censé mettre en application la loi budgétaire précise que « les plaques d’immatriculation des véhicules et motos devront avoir été retirées avant le 30 juin 2009 nouvelles séries répondant aux normes de la Communauté Est Africaine[98]. »

 

Les plaques de la CEA comprennent quatre lettres et trois chiffres. La première lettre correspond à celle qui commence le nom du pays, par exemple T pour la Tanzanie, K pour le Kenya. Pour les plaques burundaises,  c’est tout à fait différent, il y a l’image du drapeau, en dessous de laquelle il y a de petites lettres BU, et deux lettres quelconques. En plus pour la CEA, il y a trois chiffres et au Burundi, il y  en a quatre. Dans les deux cas la présentation est la façon suivante, en guise d’exemple:

 

Communauté Est Africaine

Burundi

Uganda :

 

UAE 342 B

 

 

AA 9243

Rwanda :

 

RAB 523 J

 

 

C 4535 A

 

Les plaques ne sont donc pas conformes à celles de la CEA. Ce marché de plaques souffre aussi de vices techniques car le produit n’est pas identique à celui attendu si on se réfère au décret présidentiel précité qui précise que les nouvelles séries doivent répondre aux normes de la Communauté Est Africaine[99]. Ce résultat est logique car le recours à des pratiques opaques dans l’attribution des marchés se répercute  inévitablement, et négativement sur leur exécution, la qualité des services et des fournitures. La différence entre la nouvelle plaque et celle de la CEA a alimenté des rumeurs prédisant un prochain renouvellement de plaques plus conformes à celles de la CEA, moyennant paiement d’un montant de 40.000 ou 50.000 BIF.

 

Encadré 3 : Marché de gré à gré : Définition et conditions (cfr. Loi n°1/01 du 4 février 2008 portant Code des marchés publics du Burundi)

 

Définition :

 

Un marché est dit de gré à gré ou par « entente directe » lorsqu’il est passé sans appel d’offres, après autorisation spéciale de la Direction de Contrôle des Marchés Publics compétente confirmant que les conditions légales sont réunies. La demande d’autorisation de recours à cette procédure doit décrire les motifs (art.39)

 

Conditions de gré à gré  (art.40):

 

Il ne peut être passé de marché de gré à gré que :

 

Lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou des droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur, un seul fournisseur ou un seul prestataire ;

Lorsque les travaux, fournitures ou services ne sont réalisés qu’à titre de recherche, d’essais ou de perfectionnement ;

Lorsque les travaux, fournitures ou services sont complémentaires à un marché déjà exécuté (les conditions sont précisées)

Lorsque le marché a pour objet des travaux, fournitures, ou services qui en vertu des dispositions légales ou réglementaires présentent un caractère secret incompatible avec toute forme de concurrence ou de publicité, ou lorsque la protection des intérêts fondamentaux de la sécurité nationale requiert ce secret. La nécessité de ce secret est constatée, par dérogation au précédent article par une Commission spéciale rattachée à la Présidence de la République créée et fonctionnant selon des modalités déterminées par décret. La Commission spéciale dispose des pouvoirs de contrôler la procédure de passation du marché et son exécution.

 

 

 

 

Chapitre 3 : Gouvernance administrative et sociale

La gouvernance administrative et sociale s’articule autour de deux aspects essentiels. La gouvernance administrative doit s’attacher au fonctionnement de l’administration publique sur base des critères d’efficacité et de transparence, ce dernier élément permettant d’éviter le recours à des pratiques discrétionnaires qui encouragent la corruption. La bonne administration publique implique certes plus d'efficacité mais aussi plus de morale. La gouvernance est en fait fondée sur un ensemble de règles de morale publique. Elle ne se limite donc pas à définir le rôle de l'Etat par rapport au marché ou aux autres acteurs mais traite également de l'éthique du Gouvernement[100].

 

Sous son aspect social, la notion de gouvernance met également l'accent sur l'interdépendance des pouvoirs associés à l'action collective. La gestion des affaires publiques repose sur un processus d'interaction/négociation entre intervenants hétérogènes. "Dans la nouvelle gouvernance, les acteurs de toute nature et les institutions publiques s'associent, mettent en commun leurs ressources, leur expertise, leurs capacités et leurs projets, et créent une nouvelle coalition d'action fondée sur le partage des responsabilités ». Cette interaction est rendue nécessaire par le fait qu'aucun acteur, public ou privé, ne dispose des connaissances et des moyens nécessaires pour s'attaquer seuls aux problèmes.

 

La gouvernance implique donc la participation, la négociation et la coordination. Une large place doit être faite à l'espace public, « celui dans lequel les différentes composantes de la société affirment leur existence, entrent en communication les unes avec les autres, débattent en exerçant leur pouvoir d'expression et de critique ". Ces négociations doivent permettre de dépasser les intérêts divers et conflictuels et éventuellement de parvenir à un consensus. La rationalité procédurale joue un rôle aussi important que la rationalité substantielle dans la mesure où l'accent est mis autant sur le processus de dialogue que sur le résultat de ce processus[101].

 

L’analyse sommaire de la gouvernance administrative va se limiter à quelques aspects typiques. Mais le constat général est que la gouvernance administrative reste marquée par des problèmes d’efficacité, de compétence, des lenteurs  et des dysfonctionnements et par la politisation, en particulier dans les recrutements et l’offre des services. Ainsi par exemple, il apparaît que dans les recrutements, l’allégeance au parti au pouvoir reste de rigueur, en particulier dans certains secteurs sensibles comme la justice, ou faute de cela le paiement de pots-de-vin est devenu la règle. Les constats déjà accablants tirés par l’étude diagnostique sur la gouvernance et la corruption se sont aggravés une année après[102]. D’après cette étude, tous les services de l’administration publique sont affectés par la corruption. Ce sont en particulier, les services douaniers, les impôts, la justice officielle et dans une certaine mesure la justice traditionnelle et beaucoup d’autres services les plus usités par la population. Des fonctionnaires ont même déclaré qu’il leur est arrivé de corrompre leurs chefs hiérarchiques pour obtenir des faveurs, y inclus des nominations à des postes[103]. Cette corruption s’opère par le biais de lenteurs délibérées dans certains services, des disparitions simulées de dossiers, des demandes prohibitives de justificatifs et bien sûr par la systématisation de ces pratiques.

 

Les développements sur la gouvernance sociale vont se limiter au dialogue social et au rapport entre les différents acteurs, en particulier, le grand employeur qu’est l’Etat et ses employés, surtout ceux des secteurs de l’éducation et de la santé, qui s’avèrent être les plus remuants.  Mais les corps de défense et de sécurité ont connu un malaise profond. Il sera aussi abordé la façon dont le Gouvernement règle les questions de rapatriement et des réfugiés avec une attention sur la gestion du déplacement des réfugiés banyamulenge de la province de Mwaro vers celle de Ruyigi et les refoulements de demandeurs d’asile rwandais.

3.1. Grogne et répression au sein de la Force de Défense et de la Police Nationales

 

La manifestation de la grogne au sein des corps de défense et de sécurité est rare. Même quand elle se manifeste, elle est généralement bien gérée, à l’interne et rarement connue du public. Les derniers remous à être connus étaient consécutifs aux consignes de démobilisation des officiers, en majorité tutsi, qui avaient été donnés par le Chef de cabinet civil du Président de la République[104]. Face à l’ampleur de la contestation et aux irrégularités liées à ces procédures, la démobilisation préconisée pour respecter les quotas d’Arusha fut suspendue.

 

Ce sont  des tracts lancés dans la ville de Gitega au mois de novembre 2009 qui ont fait connaître au public le mécontentement qui couve parmi les sous-officiers de l’armée et de la Police burundaises. Ces tracts étaient d’une rare violence et appelaient les sous-officiers à la révolte, voire à l’exécution de certains officiers. Le fond des revendications est lié au logement des sous-officiers et à leurs familles ainsi qu’aux familles des sous-officiers morts sur le champ de bataille. La goutte qui a fait déborder le vase, est l’expulsion des casernes, des familles des sous-officiers, morts sur le champ d’honneur. Pendant la guerre, pour des raisons diverses de sécurité et probablement liées au  moral des troupes, les  sous-officiers et leurs familles logeaient dans les casernes. A force de perdurer, cette situation s’était transformée en une sorte de droit acquis.

3.1.1. Le fond du problème

 

 Le problème posé est fondamentalement lié aux statuts des différentes catégories au sein de l’armée et de la police. Ces statuts ont subi des transformations au cours du temps et les sous-officiers ne semblaient pas en être au courant. Dans leurs revendications, les sous-officiers dénonçaient le traitement inéquitable à leur égard, au regard des conditions accordées aux officiers et à leurs familles. Concernant les sous-officiers, la loi régissant cette catégorie précise que leurs familles ne peuvent pas être logées dans les camps militaires. Elle précise également qu’ils bénéficient d’une indemnité de logement qui est de 25%. Le problème est que si on se réfère aux salaires des sous-officiers, ces indemnités sont tellement dérisoires qu’il est impossible de se loger plus ou moins décemment[105].

 

Comparativement, la situation des officiers et de leurs familles est de loin meilleure car la loi dispose que « les officiers en activité bénéficient des facilités de l’Etat pour l’accès au crédit pour le premier logement[106] ». Quant à la veuve et au veuf, aux enfants mineurs ou assimilés de l’officier décédé., ils ont droit au logement en nature. Dans le cas contraire, il leur est attribué une indemnité de logement déterminé par décret. Cette disposition consacre les droits acquis avec un effet rétroactif pour les ayants droits des officiers en provenance des anciens partis et mouvements politiques armés décédés après leur intégration (…)[107]. Cette différence en termes d’avantages est perçue comme une discrimination par les contestataires qui accusent les officiers de ne penser qu’à leurs seuls intérêts dans la confection des statuts régissant les différentes catégories.

3.1.2. Le traitement des revendications : rigueur et répression

                           

"Militairement, revendiquer par des tracts, quel que soit le motif, participe d'une indiscipline notoire qui doit être découragée[108]". Le ton était donné sur la manière de traiter ces revendications.

 

Au sein des corps de défense et de sécurité, le dialogue se passe à travers les causeries morales. Là, en dépit des ouvertures ambiantes, c’est la rigueur et le règlement militaires qui prédominent. Cela limite le champ de liberté qui ne permet pas que toutes les questions soient posées ou au cas où elles le seraient, puissent être discutées et vidées. En l’absence de crise ce système marche parfaitement. Dans le cas contraire, les revendications sont évacuées par le biais d’autres exutoires. Dans ce cas, ce sont des tracts qui ont été utilisés. Leur violence et les menaces qu’ils faisaient peser sur les officiers ont très vite créé un climat de malaise qui a inhibé toute possibilité de « dialogue ».

 

Les autorités ministérielles, au sein de l’armée et de la Police, ont immédiatement réagi. Des tournées ont été organisées dans différentes régions militaires pour « recueillir les doléances des militaires[109] »  Mais les sous-officiers avaient décidé d’opposer un mutisme total aux discours de leurs supérieurs[110].

 

Face à cette situation les autorités ont décidé de hausser le ton, en menaçant les fauteurs de troubles de sanctions sévères et se sont mis à traquer les sous-officiers soupçonnés d’être les meneurs du mouvement. Il semblerait que ce sont les plus revendicatifs, c’est-à-dire ceux qui avaient posé des questions à différentes autorités du ministère et plus particulièrement au Président de la République qui étaient ciblés. Huit d’entre eux ont été mis aux arrêts à différents endroits. Ils comprennent deux sous-officiers des ex partis et mouvements politiques armés et six provenant des ex-FAB[111]. Avant la fin de l’année 2009, ces personnes ont été libérées et chassées de la  Force de Défense Nationale. Egalement, pour affaiblir le mouvement, de nombreuses mutations auraient été opérées.

 

De manière générale, les autorités militaires se sont rangées derrière l’impérative nécessité de faire respecter l’ordre et la discipline. Cela est fort compréhensible dans un pays où ces vertus manquent cruellement. Mais le respect de ces consignes n’empêche pas l’instauration d’un cadre de dialogue approprié à ce corps pour empêcher que les frustrations et les revendications accumulées ne trouvent d’exutoires que dans la violence. Or cette violence, certainement déstabilisatrice, risquerait d’avoir de graves conséquences dans un contexte particulier où les corps de défense et de sécurité sont appelés à jouer un rôle crucial dans la sécurisation des élections à venir. Cela est davantage plus préoccupant pour la FDN qui avec le temps semblait s’affirmer comme un corps moins politisé, et de plus en plus peaufinant une image républicaine.

 

Ces peurs sont d’autant plus fondées que l’origine de ce malaise a été vite mise sur le compte de la classe politique. A cet égard, des accusations ont été lancées par les plus hautes autorités. Le Président de la République est lui-même monté au créneau en affirmant que certains hommes politiques seraient en train de manipuler les forces de l’ordre notamment les policiers pour leurs intérêts. Le Président Pierre NKURUNZIZA a même assuré qu’il a des preuves inculpant certains politiques. Auparavant, le Ministre de la Sécurité Publique avait lui aussi affirmé que des hommes politiques seraient responsables des tracts propagés par les policiers. Cette situation fait penser au passé récent où de telles accusations ont conduit à des montages qui ont entrainé notamment l’emprisonnement de Domitien Ndayizeye, ancien Président de la République, et l’ancien Vice-président, Alphonse Marie Kadege. Ce dernier a  même été atrocement torturé avant son emprisonnement. Il demeure un fort risque que ce malaise soit exploité à des fins politiciennes pour régler des comptes à des adversaires politiques ou soit utilisé pour verrouiller les espaces démocratiques.

3.2. La distribution des nouvelles plaques : goulots d’étranglement délibérément créés

 

Ces derniers mois, la distribution des plaques a défrayé la chronique non seulement sur l’opacité qui a caractérisé l’attribution du marché mais aussi les lenteurs et les dysfonctionnements liés à leur distribution. L’on sait que la fin annoncée de cette distribution a été reportée plus d’une fois. En effet, le début de la  distribution maintes fois reportées pour des raisons qui n’ont pas été révélées, a commencé le 14 septembre 2009, et devait se terminer dans deux mois. A la fin de l’année cette distribution, c’est-à-dire un peu plus de trois mois après, ce travail n’est pas encore terminé.

 

Très vite des plaintes s’étaient élevées pour réclamer une meilleure organisation de ce service, notamment par sa décentralisation, en ouvrant quelques bureaux à l’intérieur du pays, et de manière générale que cette distribution n’avait pas été bien préparée, la preuve étant que certains documents connaissaient des ruptures de stock.

 

La distribution des plaques d’immatriculation a été organisée selon  les 7 étapes suivantes:

 

  1. Demande d’un numéro de plaque d’immatriculation;
  2. Versement du montant équivalent (plaque et carte) au guichet d’Interbank Burundi situé au ministère des finances ;
  3. Demande d’une quittance sur présentation du bordereau de versement ;
  4. Demande d’une carte d’immatriculation et d’une vignette, la carte était saisie à l’ordinateur ;
  5. Apposition de cachet sur la carte d’immatriculation ;
  6. Apposition de signature sur la carte d’immatriculation ;
  7. Réquisition de la plaque sur présentation de  tous ces documents.

 

Etant donné le nombre limité de points de distribution, l’afflux des demandeurs provoquaient de longues files d’attente à telle enseigne que certaines personnes passaient plusieurs jours avant d’obtenir la plaque d’immatriculation. A cet égard, quelques témoignages recueillis sont révélateurs : « il arrive de passer quatre fois dans le même bureau, là l’accueil y est affreux ». C’est encore plus difficile pour ceux qui viennent de loin « ça fait quatre jours que j’attends ici, je suis obligé de louer une chambre dans un petit hôtel et de payer de quoi me mettre sous la dent, cet argent m’aurait servi pour autre chose. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’est difficile pour une personne  venant de l’intérieur du pays plus précisément de la province de Cankuzo à Mishisha pour chercher une plaque ici. ». Certains sont pressés car ils  gagnent leur vie au jour le jour « ça fait deux jours que je ne travaille pas, je fais le taxi moto et je vois que ce n’est pas aujourd’hui que je vais avoir la plaque

 

Ce désordre ou ces lenteurs délibérées ont comme conséquence logique la corruption. Parfois la situation était compliquée par la perte de certains dossiers déposés, qui étaient introuvables un jour après, voire quelques instants après leur dépôt. Pour éviter tous ces tracas, le seul choix consiste à payer pour avoir un service plus rapide!  Ce qui se faisait au vu et au su de tous comme ces témoignages le confirment « pour éviter tous ces problèmes, j’ai donné dix mille francs à un commissionnaire pour qu’il puisse m’aider, la façon dont il va procéder je ne la connais pas », ou alors « ce qui m’a le plus dégoûté c’est que la corruption se fait à la vue de tous », et pour finir « c’est la corruption qui marche ici, si tu veux avoir rapidement les plaques, il faut payer dix mille francs aux commissionnaires, tout ça me révolte franchement[112]. »

 

Un service de commissionnaires agissant au vu et au su de tous, avec la complicité des agents du service d’immatriculation, s’était organisé et apostrophaient même les requérants en proposant leurs services.

 

Selon certaines informations crédibles, ce service est tellement désorganisé qu’aucun classement n’a été prévu, ce qui rendra difficile, voire impossible pour un certain temps, toute transaction de propriété pour les véhicules et les motocyclettes. Un autre fait qui montre la désorganisation liée à la distribution des plaques, c’est le type de carte d’immatriculation qui a été proposée. Il s’agit ni plus ni moins d’une page A4 pliée, difficile à conserver et qui peut être imitée par le premier faussaire venu. Et cette simple feuille coûte 40.000 BIF. Le coût est très disproportionné. Difficile à comprendre lorsqu’on sait que la tendance est de produire plutôt des pièces difficiles à falsifier. Pourtant la distribution a eu lieu une année après son annonce.

 

3.3. REGIDESO : Délestage et gestion calamiteuse de l’énergie électrique

 

Ces derniers temps, la distribution de l’énergie, dont la Regideso, a jusqu’à présent le monopole, connu de graves perturbations. Celles-ci  sont symptomatiques d’une mauvaise gestion générale et celle de la REGIDESO, en particulier. Elle se manifeste par le manque d’anticipation, de prévisibilité, et de responsabilité surtout dans son aspect de rendre compte et de prendre en charge les conséquences dues à ses défaillances.

 

 Alors que la REGIDESO doit disposer d’un système de suivi des niveaux des barrages, elle a subitement annoncé qu’elle allait procéder à un délestage drastique. Elle allait mettre en place  un système de distribution alternée du courant par quartier. Selon cette annonce, il ne fallait plus compter à une distribution normale de courant électrique avant 2013. Cette annonce subite a suscité des interrogations qui n’ont jamais trouvé de réponses, aucun responsable ne parvenant à expliquer la cause de ce manque impromptu d’énergie électrique.

 

Les conséquences de ce délestage ont été  fâcheuses. Elles sont d’abord économiques car elles ont entraîné un manque à gagner considérable dans la plupart des activités utilisant le courant électrique, spécialement celles liées à la conservation d’une chaîne de froid mais aussi pour les activités comme la soudure, la coiffure qui font vivre beaucoup de ménages aux revenus modestes. Mais les plus nantis ont été aussi affectés, outre les pertes subies sur leurs activités habituelles, ils ont été obligés d’investir pour avoir des systèmes alternatifs de production de l’énergie, notamment des groupes électrogènes et des panneaux solaires, qui sont onéreux. L’autre conséquence grave c’est le blocage des investissements car ceux-ci deviennent impossibles sans la disponibilité du courant électrique.

 

D’autres conséquences proviennent des dégâts causés par les fluctuations du courant distribué par la REGIDESO. Des plaintes se sont élevées suite à de nombreux incidents consécutifs à ces fluctuations, des appareils abîmés, parfois même des incendies de maison. Le comble, c’est que forte de son monopole, la REGIDESO décline toujours sa responsabilité. Il y a là, un problème très sérieux de transparence et de responsabilité.

 

Sorti de son mutisme, le Directeur Général de cette société, M. Célestin Nduwamungu, a annoncé le 5 août 2009, que la REGIDESO allait recourir à des groupes électrogènes (thermiques) pour compenser le déficit de courant électrique. Ces groupes n’ont jamais été utilisés.

 

Beaucoup de plaintes sont relatives à la façon dont la REGIDESO  a géré cette pénurie, la manière dont le peu de courant disponible était distribué aux abonnés.

A un certain moment, les habitants des communes urbaines populaires comme Kamenge, Kinama, Ngagara, Bwiza, Buyenzi Nyakabiga, Musaga et Cibitoke ont dénoncé l’injustice qui caractérisait la distribution du courant. Selon eux «  il était incompréhensif que le délestage soit applicable dans les quartiers des moins nantis alors qu’il s’y observe beaucoup de cas de banditisme accompagnés d’autres crimes qui se commettent pendant la nuit[113]t. »

Le Directeur Général de la REGIDESO a répondu à ces critiques en niant l’existence de tout favoritisme dans la distribution du courant. Selon lui, « les quartiers privilégiés sont ceux qui se trouvent sur les lignes stratégiques comme les hôpitaux, l’aéroport, la station terrienne, la Radio Télévision Nationale du Burundi[114]. »

 

Plusieurs réclamations se sont élevées pour demander la publication d’un programme de distribution pour que les gens puissent s’organiser en conséquence. La REGIDESO n’a pas pu accéder à cette demande, maintenant une gestion opaque et discrétionnaire.

 

Trois mois après l’annonce du délestage, celui-ci a été progressivement allégé, certains quartiers ont même du courant électrique en permanence. Les raisons de ce rétablissement ne sont pas connues. La compréhension de cette situation devrait se baser sur la quantité d’électricité produite au Burundi, qui n’intègre pas le courant en provenance de RUZIZI II.

Ce graphique donne le total du courant produit (en KWH) dans les sept barrages du pays[115].

 

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 5: Production de l'énergie électrique par la REGIDESO en 2009 jusqu'au mois de septembre

 

Source : BRB/REGIDESO[116]

 

On voit que la période où le délestage a été opéré correspond plutôt à une plus grande production. Paradoxalement, on a des pics au mois de juillet et août. Ceci ne tient pas compte du courant provenant de RUZIZI I de RUZIZI II.

Cette question d’énergie pose un problème de vision et de planification. Même si le Président de la République affirme que « aujourd’hui, l’énergie électrique a augmenté dans tout le pays, car certains barrages ont été réhabilités, d’autres construits. Nous avons aussi initié l’utilisation de l’énergie solaire[117]. » Le constat est que peu de choses ont été faites au cours de son mandat, pourtant il avait promis de construire six barrages[118].  Faute de grands barrages, dont les projets existent depuis plusieurs années comme celui de Mpanda, il aurait été possible de construire des micro-barrages, moins couteux et qui peuvent être réalisées en peu de temps. Dans cette optique, le budget de 2009, prévoit un budget de 1 milliard de francs burundais pour le doublement de Nyemanga et de deux cents millions pour la réalisation d’études, la construction et la réhabilitation des micro-centrales[119].

 

3.4. Education et santé : une grogne permanente

3.4.1. Avancées et crise permanente dans le secteur de l’éducation 

 

Le secteur de l’éducation a connu des progrès incontestables, tout au moins, sur le plan quantitatif tant en termes d’écoles construites que de l’accroissement du taux de scolarisation. Les mesures de gratuité de l’enseignement primaire, annoncées par le Chef de l’Etat, Pierre Nkurunziza, sont à la base de ces progrès. Ces avancées ont leur revers de la médaille. Ils se font au détriment de la qualité. Le nombre d’écoliers et d’élèves augmente de telle sorte que l’enseignant se retrouve dans l’incapacité pédagogique de suivre cette classe pléthorique. Cette situation a des répercussions sur la qualité de l’enseignement qui ne cesse de régresser. De plus, les écoles sont confrontées à une diversité de problèmes notamment le manque de  livres, de bancs pupitres, et d’enseignants qualifiés. L’introduction du Kiswahili et de l’anglais, outre les difficultés d’apprentissage liées au nombre de langues, pose un problème d’enseignant formé pour pouvoir enseigner ces matières, mais les livres d’enseignement de ces langues manquent également. Au cours de l’année scolaire passée, les supports pédagogiques pour ces deux langues manquaient pour les classes de 3ème et 4ème primaires.

 

Lors de la rentrée scolaire, les différentes directions provinciales ont annoncé leurs besoins. Selon le ministère de l’enseignement primaire et secondaire les besoins en enseignants se chiffraient à 5610 pour le primaire et 2000 pour le secondaire, soit 7610 au total.

 

Pour répondre à ces besoins, le Ministère de l’Enseignement Primaire et Secondaire a reçu l’autorisation de recruter en premier temps 2500 enseignants pour le primaire et en deuxième temps 1000 enseignants supplémentaires. Pour l’enseignement secondaire, 1700 recrutements auraient été accordés au total, 1200 en premier temps et 500 par la suite. Mais la grande difficulté est que ces enseignants sont introuvables. Sur les derniers 500 à recruter, seuls 150 ont pu l’être. L’insuffisance de personnel administratif et technique (bibliothécaires,  économes, secrétaires, encadreurs, etc.) constitue un autre problème pour les écoles secondaires. Avec la révision budgétaire, le ministère a obtenu la possibilité d’en recruter 1400 qui seront répartis dans les différentes directions provinciales.

 

L’autre grande difficulté, est que l’enseignement  est caractérisé par une grogne permanente. Les accords conclus entre le Gouvernement connaissent une mise en application en dents de scie. Cela alimente chaque année les revendications des enseignants. Ainsi, l’année scolaire 2009-2010 était à peine commencée qu’un préavis de grève était déposé par les syndicats STEB, SLEB, SYNAPEP. Ils menaçaient d’arrêter le travail, le 18 septembre 2009, soit quatre jours du début de l’année scolaire. La grève a effectivement commencé, le 18 septembre pour les enseignants du primaire et le 25 septembre pour ceux du secondaire.

 

Les principales revendications de ces enseignants étaient :

 

1)      La signature du décret portant fixation des grilles indiciaires et des paliers de recrutement et de l’ordonnance d’application autorisant la transposition des fonctionnaires dans le nouveau statut et le paiement des arriérés sur les trois années de 2007 à 2009 ;

2)      Le remboursement des arriérés des cotisations syndicales depuis juin 2008 ;

3)      Le remboursement des arriérés dus aux enseignants relatifs aux primes de fidélité, des primes de double vacation et des primes de rendement depuis 2003 ;

4)      L’harmonisation des salaires des travailleurs rémunérés sur le budget de l’Etat ;

5)      Le dialogue dans la gestion des dossiers qui concernent les enseignants[120].

 

Après le déclenchement de la grève, le décret ci haut mentionné a été signé le 30 septembre 2009 et l’ordonnance d’application le 5 octobre 2009, tandis que 7 ordres de virement des cotisations syndicales sur les 17 ont été versés sur les comptes bancaires des syndicats. Sur cette base, les syndicats des enseignants ont repris le travail le 14 octobre 2009. Mais ce n’était que partie remise. De nouveau, les syndicats des enseignants du secondaire ont donné la consigne de ne pas remettre les résultats du premier trimestre le Gouvernement ne met pas en vigueur les engagements déjà signés et acceptés par les ministères concernés, en l’occurrence celui de l’enseignement, de la fonction publique et des finances.

3.4.2. Persistance de la grogne dans le secteur de la santé

 

A l’instar de l’enseignement, le secteur de la santé se caractérise depuis quelques années par une grogne persistante et des grèves à répétition. Après les arrêts de travail successifs du syndicat des médecins suivi de ceux des infirmiers et des aides-soignants, au mois d’avril 2009, ces derniers ont de nouveau repris la grève à partir du 8 octobre 2009. Ils exigent la mise en application par le Gouvernement du statut régissant ce personnel.

 

Ces grèves aggravent la précarité qui caractérise ce secteur. L’on sait que le manque de motivation des médecins et des infirmiers, causés notamment par les mauvaises conditions salariales, ont un impact négatif sur la qualité des soins en particulier l’attention et le temps que ces différents personnels accordent aux patients.

 

Ce secteur vital est victime d’un manque de vision politique pour sa meilleure organisation. Le pays tout entier souffre  cruellement d’un manque d’équipements spécialisés, par exemple de réanimation, également aucun dispositif n’existe pour faire la dialyse pour les personnes qui souffrent d’insuffisance rénale. Beaucoup de malades se trouvant dans cette situation, lorsqu’ils le peuvent, sont évacués vers des pays étrangers, sinon c’est la mort garantie. Noter qu’à titre de comparaison, ce dispositif existe dans plusieurs hôpitaux du Rwanda.

 

Un cas typique de cette absence de vision est la préparation qui a été faite pour parer au risque éventuel de la grippe AH1N1, annoncée par les média comme pouvant être dévastatrice. Alors que la maladie a fait une extension progressive à partir de son foyer d’origine, les autorités n’ont rien fait pour acquérir un dispositif permettant d’identifier le virus AH1N1. Lorsque les cas ont été signalés dans le pays, la campagne faite est qu’il fallait faire examiner les échantillons au Rwanda. Heureusement, la communication annonçait que le transport et  les examens étaient  pris en charge.

 

 

3.5. Réfugiés et rapatriés : conflits et respect des conventions internationales

 

Au cours du second semestre 2009, le retour des réfugiés burundais s’est poursuivi. Celui-ci, outre des problèmes d’accueil qu’il pose, génère des conflits fonciers, car généralement, les anciens réfugiés réclament systématiquement leurs propriétés d’origine qui sont occupées par d’autres depuis plusieurs années. L’autre question qui s’est posée concerne le difficile déplacement des réfugiés banyamulenge, du camp de Gihinga, en province de Mwaro vers le camp de Bwagiriza en province de Ruyigi. Des centaines de Rwandais se sont également réfugiés dans le Nord du Burundi. Le traitement de leur dossier a fait l’objet de controverses et de contradictions  entre le Gouvernement, le HCR et les organisations des droits de l’homme.

3.5.1. Rapatriés burundais et conflits fonciers

 

Au cours de l’année 2009, environ 31656 rapatriés sont rentrés au Burundi, dont 20765 à partir de juin 2009 jusqu’en novembre 2009. Parmi ces rapatriés, 23199 sont des anciens réfugiés de 1972, qui étaient installés dans les anciens sites en Tanzanie[121]. Le mouvement mensuel de rapatriement au cours de 2009  se présente de la façon suivante[122] :

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 6: Mouvement de rapatriement en 2009 jusqu'au mois de novembre

 

Outre les questions de survie, les rapatriés sont généralement confrontés à trois types de problèmes : la réintégration socio-économique, administrative et l’accès aux terres.

 

Les anciens réfugiés de 1972 sont ceux qui connaissent le plus de problèmes. Parfois, les parents sont morts et ceux qui reviennent ont perdu les repères. Certains ne savent plus exactement où leurs parents étaient installés et ont des difficultés d’expression dans la langue nationale. Concernant l’expression, ce sont les élèves et les écoliers qui sont le plus touchés car en Tanzanie, les cours sont organisés en swahili et en anglais. Pour faire face à ce problème, la Ministre de la Solidarité Nationale, du Rapatriement des réfugiés et de réintégration sociale, Mme Immaculée NAHAYO, avait promis la construction d’écoles à système éducatif anglais- swahili aux rapatriés burundais en provenance de la Tanzanie pour éviter que la langue ne soit un handicap dans la réinsertion sociale et éducationnelle des rapatriés[123]. Mais ces mesures annoncées ne sont pas encore concrétisées.

 

Les rapatriés font aussi face à quelques problèmes administratifs, le plus fréquent est l’acquisition de la carte nationale d’identité. Les rapatriés demandent ces cartes en masse et l’administration locale est submergée et éprouve des difficultés à faire face à cette demande. La commune de Nyanza-Lac qui connaît le flux de rapatriés le plus important était confronté à ce problème, 200 à 300 cartes d’identités étaient quotidiennement délivrées aux rapatriés. L’administrateur de cette commune avait exprimé  la crainte que dans ces circonstances, l’administration communale n’était plus capable de s’atteler à d’autres fonctions[124].

 

Mais la question de la terre demeure de loin la plus épineuse. Alors qu’il est prévu que les rapatriés soient accueillis dans des sites en attendant de leur trouver des terres, nombreux parmi eux s’installent dans les propriétés qu’ils avaient avant l’exil. Quelques exemples suffisent pour montrer le climat de tension qui règne dans certaines communes de Makamba et Bururi (Nyanza-Lac, Rumonge). Le 2 août 2009, la tension était vive entre les rapatriés et les résidants de Mugara en commune de Rumonge en province de Bururi. Ces rapatriés avaient monté des tentes sur les terres qui leur auraient appartenu avant l’exil. La sécurité a dû être renforcée pour éviter des affrontements. 

 

Le 03 août 2009, onze familles de rapatriés se sont réfugiées au chef-lieu de la commune Rumonge. Elles avaient eu peur lorsqu’un groupe de résidants avait attaqué le site de rapatriés de la colline Gashasha en zone Kigwena, incendiant une maison et détruisant d’autres. Le même groupe a saccagé les briques adobes déjà fabriquées par ces rapatriés. Six parmi ces résidants ont été appréhendés pour interrogatoire[125].  

 

En plus des affrontements entre résidents et rapatriés, des tensions ont surgi entre ces derniers et des militaires. En effet, le 4 a2009, des rapatriés et les militaires de Mugara en commune Rumonge (province de Bururi) se sont affrontés ce 04 août. Les militaires voulaient déloger les rapatriés du domaine militaire qu’ils occupaient. Au cours de ces affrontements, deux personnes ont été blessées et plus de cent rapatriés ont assiégé la position des militaires pour exiger la relaxation des leurs qui avaient été arrêtés[126].

 

 

Face à ces problèmes les administratifs à la base ne savent pas quoi faire. Certains interpellent le Gouvernement pour trouver des solutions rapides à ces questions mais d’autres parfois mettent de l’huile sur le feu et attisent les conflits, soit en fonction d’intérêts personnels ou par des positionnements politiques. L’accès des anciens réfugiés à leurs anciennes propriétés est extrêmement politisé. Il peut même être un enjeu important dans la campagne électorale à venir. Même si certaines organisations participent à trouver des solutions à l’amiable entre les rapatriés et les résidents, une solution juste et durable à cette question doit être trouvée d’urgence pour que la bombe foncière longtemps annoncée n’explose.

 

3.5.2. Tumultes et confusions autour du déplacement des Banyamulenge

 

Au cours du mois de juillet 2009, le Gouvernement burundais décide de déplacer les réfugiés burundais du camp de Gihinga à Mwaro vers le camp de Bwagiriza en province de Ruyigi.

L’on sait qu’ils avaient été déplacés après le massacre de Gatumba perpétré contre eux dans la nuit du 13 au 14 août 2004. Les raisons qui ont poussé le Gouvernement burundais à les installer dans le site de Gihinga ne sont pas connus mais devaient se conformer aux normes internationales en matière de réfugiés, surtout devaient tenir compte du besoin de protection de ces réfugiés après l’hécatombe dont ils avaient été victimes à Gatumba.

 

De nouveau, les raisons qui ont poussé le Gouvernement burundais à déplacer ces réfugiés vers le camp de Bwagiriza n’ont pas été rendus publiques. Cette décision a été vite rejetée par les réfugiés qui invoquaient des raisons de sécurité, en particulier la proximité de la frontière tanzanienne et donc des Babembe, réfugiés en Tanzanie. Les Babembe sont présentés par les Banyamulenge comme étant des ennemis irréductibles avec lesquels ils sont voisins et en confrontation depuis plusieurs décennies.

 

Au lieu de prendre le chemin de Bwagiriza, la grande majorité des réfugiés a préféré s’inscrire pour retourner au Congo. Les déplacements vers Bwagiriza devait se faire à la mi-août 2009. En date du 17 août 2009, certains réfugiés se sont présentés devant l’administration communale pour demander des billets de sortie vers le Congo. Mais l’administrateur leur a signifié qu’il n’avait pas les prérogatives de délivrer ce type de laisser passer.

Dans une atmosphère quasi-insurrectionnelle, les réfugiés banyamulenge ont décidé de se rendre en RD Congo à pied mais ont été bloqués par la Police. Par la suite ils ont été conduits dans  des camions vers la frontière. Mais les autorités congolaises ont fermé la frontière arguant que les conditions de sécurité n’étaient pas assurées et qu’elles n’étaient pas prêtes à les accueillir. Les autorités congolaises avaient justifié cette fermeture provisoire en expliquant vouloir se préparer et mieux encadrer ce rapatriement[127]. Cette fermeture a obligé les réfugiés à retourner au camp de Bwagiriza où aucune structure d’accueil n’existait. Mais le Ministre de la Sécurité Publique avait assuré que le Gouvernement burundais « se doit de prendre des mesures et d'être ferme dans leur mise en exécution si c'est pour le bien de cette communauté" et celle-ci se doit de les  respecter[128] ».

Le 10 octobre 2009, le 1er Vice-Président de la République Yves Sahinguvu, s’est rendu lui-même dans le camp de Gihinga pour convaincre les réfugiés de regagner le camp de Bwagiriza en leur donnant des assurances sur leur sécurité. C’est cette rencontre qui permit de débloquer la situation et de convaincre les réfugiés banyamulenge de regagner le camp de Bwagiriza.

La gestion de ce dossier soulève un certain nombre de questions quant à la façon dont le Gouvernement et ses membres l’ont gérée. Il apparaît que la question a été gérée suivant des clivages ethniques évidents. Déjà apparemment, il a fallu un Tutsi, en la personne du 1er Vice-président pour les rassurer. Les positions des différentes autorités semblent avoir été prises à travers le prisme ethnique déformant, usant de fermeté ou de compréhension suivant qu’on était ethniquement proche ou pas. Apparemment, au vu des différentes réactions sur la question, même les partis politiques ont été pris dans ce jeu.

Au regard de cette question, la  problématique de la justice pour les Banyamulenge victimes du massacre de Gatumba  est cruciale. La communauté internationale et les organisations des droits de l’homme ne cessent de demander au Gouvernement du Burundi de faire la lumière sur ce crime odieux sans beaucoup de succès. A ce sujet, les propos du Président de la République ne sont pas très rassurants. Dans une interview sur Radio BBC Gahuzamiryango, une question lui avait été posée sur l’avancement de ce dossier. Le Président a répondu que ce crime devait être traité parmi les nombreux autres que le Burundi a connus dans le cadre de la justice transitionnelle. Comme les Banyamulenge ne sont pas des Burundais, l’on comprend mal comment cette question pourrait faire entrer en ligne de compte dans la justice transitionnelle entre Burundais. 

3.5.3. Réfugiés rwandais : la politique au détriment du droit international

 

Depuis le début des tribunaux Gacaca, les pays voisins du Rwanda connaissent des flux épisodiques de réfugiés qui prétendent fuir des persécutions. Leur gouvernement assure que ce sont des criminels présumés qui craignent la justice. A la fin du mois de septembre, quelques centaines de réfugiés rwandais sont entrés dans les provinces de Kirundo et Ngozi. Selon le HCR, il s’agirait de 384 personnes. Ces réfugiés affirmaient craindre les tribunaux Gacaca et l’insécurité régnant au Rwanda.

 

Face aux fortes pressions du Gouvernement rwandais et sans examiner leurs demandes, le Ministre de l'Intérieur du Burundi, Edouard Nduwimana, a déclaré le 8 octobre 2009, que tous les Rwandais devraient être « rapidement expulsés » du pays.

Le 12 octobre 2009, le Burundi a contraint de nombreux demandeurs d'asile à retourner au Rwanda en leur donnant de fausses informations selon lesquelles leur statut de réfugié avait été refusé. A la demande  de Human Rights Watch et d'autres organisations, les autorités burundaises ont accepté d'arrêter les expulsions. Mais cet engagement n’a pas été respecté.

 

Le même jour, une délégation du Gouvernement burundais composée du conseiller principal du gouverneur de la Province de Kirundo et d'un commissaire de police a rencontré de nombreux demandeurs d'asile rwandais à Kirundo et leur a fourni de fausses informations selon lesquelles le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) leur avait refusé le statut de réfugié et qu'ils devaient quitter le pays. Ils leur ont indiqué qu'ils seraient expulsés s'ils ne retournaient pas « volontairement ». Beaucoup auraient quitté le Burundi pour le Rwanda le lendemain.

 

Par ailleurs, les autorités de Kirundo ont tenté de forcer 17 autres Rwandais à quitter la province dans l'après-midi du 14 octobre, mais l'Office national de protection des réfugiés et apatrides (ONPRA), est intervenu pour arrêter les expulsions. Le 15 octobre, les responsables de cette agence ont assuré qu’il n’y aurait plus d’expulsions.

En vertu de la législation burundaise, les demandeurs d'asile doivent déposer leurs demandes auprès de l'agence dans un délai de 30 jours suivant leur arrivée au pays, sauf en cas de force majeure (circonstances atténuantes). L'agence ne dispose actuellement que de bureaux à Bujumbura, la capitale. Les demandeurs d'asile à la frontière rwandaise dont beaucoup sont sans ressources doivent donc effectuer plusieurs jours de voyage pour s'y rendre. Les motifs des demandeurs d'asile présentés aux autorités burundaises locales, à savoir la crainte d'un retour au Rwanda, auraient dû en effet leur donner le droit de demander l'asile.

La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés signée par le Burundi interdit aux États d'expulser ou de renvoyer les réfugiés dans des endroits où leur vie ou leur liberté serait menacée en raison de leur race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social ou à une mouvance politique. Cette interdiction de retour forcé (refoulement) concerne également les demandeurs d'asile.

La Convention de l'Union Africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, dont le Burundi est également signataire, interdit non seulement le refoulement, mais exhorte aussi les États parties à accueillir des réfugiés et à régler leurs cas. Toujours selon cette convention, « l'octroi du droit d'asile aux réfugiés constitue un acte pacifique et humanitaire et ne peut être considéré par aucun État membre comme un acte de nature inamicale[129] ».

 

Conclusion

Le processus de paix a vu la conclusion du processus de paix, après l’agrément du FNL comme parti politique, l’intégration de cadres et  membres au sein de l’administration et des forces de défense ainsi que la démobilisation de ses combattants. Ces étapes ont permis la préparation du processus électoral, notamment par  l’adoption du Code Electoral, la mise en place des structures de la CENI à tous les niveaux et la publication des dates des différents scrutins. Cependant l’approche des élections, en dépit de propos rassurants du Président de la République, crée des tensions au sein des partis politiques qui se manifestent par des accusations réciproques, des confrontations entre jeunes des partis politiques, des violences parfois fatales et la restriction des libertés à l’égard des partis autres que le parti au pouvoir. C’est dans ce contexte que des informations font état d’une éventuelle formation d’un groupe rebelle dans les provinces de Bujumbura rural et Bubanza dont l’ombre plane sur les élections.

 

Le contexte pré-électoral soulève des nombreuses inquiétudes. Au vu de ces développements chargés de tensions et de menaces, la liberté et la transparence des scrutins deviennent problématiques. Surtout que des informations dignes de foi indiquent que le parti au pouvoir est décidé à gagner par tous les moyens. La jouissance des  libertés fondamentales, spécialement de réunion, de manifestation et d’association  des divers partis politiques  et des associations de la société civile est mise à mal. Si ces restrictions persiste il y a lieu de craindre que les protagonistes ne disposent pas de chances égales.

 

Hormis ces préoccupations liées aux prochaines élections, les lenteurs, voire les blocages de certains dossiers judiciaires sont dues à une interférence quasi permanente de l’Exécutif ou certaines de ses personnalités influentes dans le fonctionnement de la Justice. Tout laisse croire qu’il s’agit de protéger des coupables présumés haut placés. Ces pratiques renforcent une culture de non droit et fragilisent la démocratie et l’Etat de droit parce qu’ils contrarient le principe de l’égalité de tous devant la loi.

 

Outre que le Budget Général de l’Etat pour l’exercice 2010 comporte beaucoup d’avantages pour les mandataires politiques en fin de mandat, certaines de ces rubriques ont été gonflées et ne rassurent pas quant à la traçabilité des dépenses. La crainte est que ces montants ne serve à renflouer les fonds de campagne pour le parti au pouvoir. Peu de mécanismes sont disponibles pour exercer un contrôle en vue de leur utilisation aux fins pour lesquelles elles ont été allouées. Ce flou peut aussi une cause de conflits électoraux.

La réussite de la campagne et des élections de 2010 est fondamentale pour la consolidation de la paix et de la démocratie au Burundi. Il est donc crucial que tous les acteurs nationaux et internationaux s’engagent pour que les élections de 2010 soient organisés dans un climat serein afin qu’elles soient libres, transparentes et crédibles par tous. L’inverse comporte énormément de risques et pourrait faire basculer le Burundi dans la violence.

Recommandations

 

Créer un climat apaisé propice à l’organisation d’élections de 2010 libres et transparentes.

 

Comme le Président de la République l’a maintes fois affirmé les élections seront organisées de telle sorte qu’elles soient sereines, libres et transparentes. A cet égard, le Gouvernement a la responsabilité de créer un climat de sérénité qui rassure tout le monde et qui garantit les droits et les libertés fondamentales, en particulier les droits d’association, d’expression, de réunion et de manifestation pacifiques sans aucune entrave, quelle qu’elle soit.

 

Les sports initiés par les jeunes « Imbonerakure » issus du parti au pouvoir, et qui ont été par la suite organisés par des jeunes d’autres partis politiques, doivent être réglementés de façon qu’ils ne soient pas organisés pour faire peur aux concurrents et intimider les électeurs, en recourant à des slogans violents, intimidateurs ou en utilisant des instruments de nature à faire peur ou à installer un climat de terreur. L’usage de prérogatives administratives ou policières par ces jeunes est illégal et doit être bannie et réprimée suivant la loi. Le Gouvernement devrait sans délais réglementer ce type de sport ou l’interdire.

 

Dans ce contexte, tous les partis politiques doivent s’interdire de pratiques et de discours de nature à perturber l’ordre public, à discréditer déloyalement le concurrent ou à créer des tensions dépassant le cadre d’une campagne loyale. Les partis politiques devraient sans tarder, à l’instar de ce qui s’est passé avant les élections de 2005, signer un code de conduite devant réglementer les rapports entre eux.

 

La consolidation de la paix exige la poursuite et l’accélération d’un désarmement total et rassurant pour tous.

 

On l’a vu la campagne de désarmement du mois d’octobre 2009 n’a pas été totale. D’autres armes surtout celles qui ne disposaient pas de permis sont toujours détenues par les civils. D’autres armes auraient été distribuées à des groupes constitués de démobilisés. Dans le cadre du protocole de Nairobi, le Gouvernement devrait mettre en place un mécanisme de désarmement total et de traçabilité des armes remises ou retirées pour s’assurer qu’elles ne serviront pas à alimenter de nouveaux conflits au Burundi et dans la région.

 

Lutter contre l’impunité en  poursuivant les criminels quels que soient leurs rangs.

 

Considérant que l’impunité est à l’origine des cycles de violence que le Burundi a connus, le temps est venu pour les autorités du pays de contribuer à son éradication. A cet égard, s’il est vrai que les progrès atteints avec  les consultations populaires sur la justice transitionnelle sont appréciables, les défis restent énormes pour que les mécanismes prévus soient en place. Mais on ne doit pas attendre ces mécanismes pour poursuivre les nombreux auteurs de crimes graves qui se commettent aujourd’hui. Le Gouvernement ou les hautes autorités influentes doit s’interdire de peser sur l’Exécutif pour  empêcher l’arrestation des auteurs présumés de crimes quels qu’ils soient, spécialement dans les cas de l’assassinat d’Ernest Manirumva et la mort de Salvator Nsabiriho. Dans ce dernier cas, des sanctions administratives auraient dû être prises par les autorités compétentes, en particulier le Président de la République, pour mettre M. Senel Nduwimana, Gouverneur de Kayanza, à la disposition entière de la justice. Sinon, il sera difficile que l’opinion ne renforce pas sa conviction  que le pouvoir protège certains présumés criminels lorsqu’ils sont de son obédience.

 

La lutte contre l’impunité des crimes économiques devrait être également ferme, et ne plus se limiter à pêcher dans les filets des structures anti-corruption, rien que des petits poissons.

 

Libérer la justice de l’emprise de l’Exécutif et de ses fréquentes immixtions

 

L’indépendance de la justice fait partie de fréquentes revendications de la population burundaise, des organisations et de la Communauté internationale. Tout dernièrement, même les magistrats eux-mêmes l’ont revendiqué. La justice étant un garant du bon fonctionnement des institutions, son indépendance est d’une impérative et urgente nécessité. Avant la mise en place de réformes, notamment celle de la loi portant organisation magistrature, l’Exécutif de façon urgente devrait s’interdire d’interférer dans le fonctionnement de la justice et éviter d’enfermer les juges et les magistrats dans les allégeances politiciennes, conformément à la loi.

 

Clarifier toutes les irrégularités qui entourent le dossier des nouvelles plaques d’immatriculation et établir toutes les responsabilités

 

La mise en circulation des nouvelles plaques est entourée d’irrégularités dès l’étape de la passation du marché, la fixation des prix et même leur distribution. Ces irrégularités sont d’une extrême gravité car elles comportent des violations de la constitution et de la loi. Les prix payés par l’acquéreur sont de loin au dessus de ceux que la loi budgétaire avait fixés. Tout devrait être mis en œuvre pour que la vérité soit connue et que les personnes lésées reçoivent une juste indemnisation et que les auteurs de malversations soient poursuivis et punis conformément à la loi.

 

Les institutions gouvernementales chargées de la lutte contre la corruption devraient tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur ce dossier et réprimer les actes de corruption et de malversations économiques qu’il comporte.

 

Les organisations de la société civile doivent pousser plus loin les investigations pour clarifier les responsabilités dans ce dossier de corruption et de malversations économiques et mener en conséquence des actions permettant aux citoyens de connaître la vérité et aux victimes de bénéficier d’une juste indemnisation.   

 

Un Gouvernement, des forces de l’ordre et une administration impartiaux : la période pré-électorale, voire bien avant, ces différentes institutions ont manifesté des partis pris parfois préjudiciables au bon fonctionnement de l’Etat et aux droits et libertés des citoyens. La phase pré-électorale est capitale pour construire une paix et une démocratie durables dans le pays. A cet égard, le Président de la République, devrait en conformité avec ses différentes déclarations, instruire tous ces corps pour en vue d’assumer leur responsabilités de façon impartial. C’est dans ce cadre que les agissements visant par exemple à donner de façon sélective et sournoise  des cartes nationales d’identité aux membres du parti au pouvoir devraient cesser et leurs auteurs sanctionnés.

 

La Communauté Internationale devrait s’investir pour aider les Burundais à organiser des élections sereines, libres et transparentes en 2010 : Au regard des enjeux et des conséquences qui découleraient d’un scrutin non crédible, la Communauté Internationale pour consolider ses efforts d’accompagnement du processus de paix au Burundi devrait s’investir pour aider à calmer les tensions pré-électorales, créer un climat de dialogue entre les différents partenaires, organiser l’observation des élections le long des différentes phases, y compris et surtout avant et pendant la campagne électorale et les grands scrutins.

 

La société civile devrait maintenir intacte sa mobilisation, surmonter les manœuvres de déstabilisation pour jouer pacifiquement et démocratiquement son rôle de contre-pouvoir : Aujourd’hui la démocratie moderne est impensable sans l’existence de la société civile, son rôle est défini dans tous les modèles existants de gouvernance. Forte de cette légitimité, la Société Civile doit surmonter, de façon unie et ferme toutes les tentatives de déstabilisation pour poursuivre les dossiers urgents dont elle s’occupe de façon déterminée, notamment celui en rapport avec la mort d’Ernest Manirumva, les divers dossiers de malversation financière, le suivi du processus de justice transitionnelle et l’implication dans le processus électoral afin de contribuer à garantir la tenue d’élections libres et transparentes.

 

Le Ministre de l’Intérieur devrait revenir de façon complète et sans ambiguïté sur l’annulation de l’agrément du Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC) : s’il faut apprécier déjà les avancées accomplies grâce au dialogue, la levée des effets de l’annulation de l’agrément de FORSC ne suffit pas.  Le Ministre de l’Intérieur devrait sans délais se conformer à la Constitution et la loi pour revenir totalement sur sa décision envers FORSC pour permettre le rétablissement de la confiance entre les pouvoirs publics et la Société Civile et créer un climat sein de collaboration entre ces deux entités. Dans ce cadre, le Ministre de l’Intérieur devrait aller dans le sens de la loi, s’interdire des pressions et des décisions allant dans le sens de restreindre les droits et les libertés en particulier ceux d’association, d’expression et de réunion.

 

 

 

 

 

Bibliographie

A. Textes de loi consultés

 

1.      Loi n°1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi adoptée par référendum le 28 février 2005.

2.      Loi n°1/01 du 4 février 2008 portant Code des Marchés Publics du Burundi.

  1. Loi n°1/15 du 29/04/2006 portant statut des officiers de la force de défense nationale du Burundi.

4.      Loi n°1/21 du 8 septembre portant fixation du budget général révisé de la République du Burundi pour l’exercice  2009.

5.      Loi n°1/31 du 31 décembre 2009,  portant fixation du  Budget Général de la République du Burundi, exercice 2010.

6.      Loi n°1/29 du 31 décembre 2009 portant révision de la loi n°1/019 du 09 décembre 2004 portant fixation du régime des indemnités et avantages des parlementaires ainsi que le régime des incompatibilités et de sécurité sociale.

7.      Loi n°1/30 du 31 décembre 2009 portant fixation du régime des indemnités et avantages du Président de la République, des Vice-présidents de la République et des membres du Gouvernement ainsi que leur régime des incompatibilités et de sécurité sociale.

8.      Décret n°100/120 du 08 juillet 2008 portant création, organisation et fonctionnement de la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics.

9.      Décret n°100/120 du 08 juillet 2008 portant création, organisation et fonctionnement de la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics.

10.  Ordonnance Ministérielle n°730/540/67/28/8/2009 portant mise en application du décret n°100/53 du 9 avril 2009 portant fixation du coût des certificats d’immatriculation.

B. Documents consultés

 

1.      Agence France Presse, 9 octobre 2009.

2.      Conseil de Sécurité des Nations Unies, « Rapport final du Groupe d’experts sur la République Démocratique du Congo », S/2009/603 du 23 novembre 2009.

3.      Conseil de Sécurité des Nations Unies, Résolution S/RES/1902 (2009) sur la prolongation du mandat du Bureau Intégré des Nations Unies pour le Burundi, 31 décembre 2009.

4.      Cour des Comptes, « Commentaires sur le projet de Budget Général de l’Etat, exercice 2010 », approuvé en audience des chambres réunies du 21 décembre 2009.

5.      HCR, UNHCR Burundi, Données de base, 30 novembre 2009.

6.      Human Rights Watch, « Burundi : le Gouvernement doit annuler l’interdiction frappant une association de la société civile », 25 novembre 2009.

7.      IDEC, «  Document de stratégie nationale de gouvernance et de lutte contre la corruption », non encore publié.

8.      IWACU n°27, « Un marché de 3.820.000 $ passé au gré à gré », 03 juillet 2009.

9.      IWACU, « Formation d’une rébellion pour quelle fin », vendredi 1er janvier 2010.

10.  IWACU, « Nous vivons un système politique mafieux » par Julien Nimubona, vendredi 11 décembre 2009.

11.  IWACU, « Oui à l’aide technique des élections, non à la supervision politique », vendredi 1er janvier 2010.

12.  Locke John, « Second traité du Gouvernement civil », 1690.

  1. Ministère à la Présidence chargée Chargé de la Bonne Gouvernance, de la Privatisation, de l’Inspection Générale de l’Etat et de l’Administration Locale, « Etude diagnostique sur la Gouvernance et la corruption », Bujumbura, mai 2008.

14.  Ministère des Relations Extérieures et de la Coopération du Burundi, Note verbale n°204.05/3390/RE/2009 du 24 décembre 2009.

15.  Net Press, « Quand le premier magistrat de la capitale est rattrapé par son mensonge », 25 novembre 2009.

16.  Nkurunziza Patrick, « Nous nous mobilisons contre la terreur », Journal Iwacu, n°38 du vendredi 20 novembre 2009, p.3.

17.  Nzongola-Ntalaja Georges, « Gouvernance et développement », 25 mars 2003

18.  OAG, « Burundi : Une gouvernance fortement marquée par le spectre des élections de 2010 », Rapport d’observation du premier semestre 2009, septembre 2009.

19.  Okola  Akich « Le Burundi a besoin d’un dialogue politique urgent », Communiqué de presse diffusé au terme de sa visite qui s’est déroulée du 30 novembre au 11 décembre 2009, Bujumbura, 11 décembre 2009.

20.  Pézard Stéphanie, Florquin Nicolas, « Les armes légères au Burundi : après la paix, le défi du désarmement », Rapport spécial, Small Arms Survey, Génève, 2007, ISBN é-8288-0080-6, ISSN 1661-4453.

21.  Radio France Internationale, « Le Gouvernement burundais demande le départ du Représentant de l’ONU », 26 décembre 2009.

22.  Rwasa Agathon, lettre n° P02-196/FNL/2009 du 25 novembre 2009, répondant à la lettre du Ministre de l’intérieur n° 530/1166/cab/2009 du 23 novembre 2009 et n° 530/955/A/CAB/2009.

23.  Secrétaire Général des Nations Unies « Sixième rapport du SG sur le Bureau Intégré des Nations Unies au Burundi », S : 2009/611 du 30 novembre 2009.

24.  SMOUTS Marie-Claude, Du bon usage de la gouvernance en relations internationales, in La gouvernance. in Revue internationale des sciences sociales, n° 155, mars 1998, pp. 88 (CDU 37333)

25.  Syfia Grands Lacs « Burundi : sale temps pour les organisations de la société civile », Sylvère Hicuburundi, 8 octobre 2009.

26.  Syfia Grands Lacs, « Burundi : les magistrats sont en grève pour garder leur indépendance », Sylvère Hicuburundi, 5 novembre 2009.

 

C. Sites WEB consultés

 

 

  1. http://francais.doingbusiness.org/ExploreEconomies/

2.      http://hrw.org/news/2009/10/16.

3.      http://www.ligue-iteka-africa-web.org, 15 octobre 2009.

4.      http://www.nouvelle-plaque.com

5.      www.burundi-info.com

6.      www.burunditribune.com

7.      www.cosome.bi

  1. www.sp-cnca.gov.bi .

 

 


 

[1] Gélase Ndabirabe, propos tenus en commune  Rumonge, le  6 septembre 2009. Il avait déclaré ceci  « Nous n’avons plus confiance envers la CENI qui, visiblement, est devenue une structure du FRODEBU et de l’UPRONA ; tous ses membres sont des militants de ces deux partis et elle n’embauche que les candidats issus de ces deux partis politiques ».

[2] Agence France Presse, 9 septembre 2009.

[3] Entretiens. Référence au proverbe kirundi « umwera uvuye ibukuru ukwira hose «  ce qui signifie « un vice qui vient d’en haut atteint tous les segments de la société »

[4] Voir le classement 2009 sur le site de Transparency International : httt://www.transparency.org. le Burundi se trouve dans cette position au même niveau que la Guinée équatoriale, la Guinée (Conakry), Haïti, l’Iran et le Turkmenistan.

[5] Extrait du discours du Président de la République, Pierre Nkurunziza, le 28 août 2009.

[6] Gélase Ndabirabe, propos tenus en commune  Rumonge, le  6 septembre 2009. Il avait déclaré ceci  « Nous n’avons plus confiance envers la CENI qui, visiblement, est devenue une structure du FRODEBU et de l’UPRONA ; tous ses membres sont des militants de ces deux partis et elle n’embauche que les candidats issus de ces deux partis politiques ».

[7] Agence France Presse, 9 septembre 2009.

[8] Propos de Frédéric Bamvuginyumvira, Vice-président du FRODEBU, AFP, 17 novembre 2009.

[9] La SINELAC est la Société  d’éléctricité des Grands Lacs dont sont propriétaires le Burundi, le Rwanda et la République Démocratique du Congo.

[10] Voir le classement 2009 sur le site de Transparency International : httt://www.transparency.org. le Burundi se trouve dans cette position au même niveau que la Guinée équatoriale, la Guinée (Conakry), Haïti, l’Iran et le Turkmenistan.

[11] Discours bilan du Président de la République du Burundi, Pierre Nkurunziza, lors de la célébration du quatrième anniversaire de son accession au pouvoir, copie publiée sur le site www.arib.info, 28 août 2009.

[12] Voir  aussi « Sixième rapport du SG sur le Bureau Intégré des Nations Unies au Burundi », S : 2009/611 du 30 novembre 2009.

[13] Entretiens, Bujumbura, novembre 2009.

[14] OAG, « Burundi : Une gouvernance fortement marquée par le spectre des élections de 2010 », Rapport d’observation du premier semestre 2009, septembre 2009.

[15] Pézard Stéphanie, Florquin Nicolas, « Les armes légères au Burundi : après la paix, le défi du désarmement », Rapport spécial, Small Arms Survey, Génève, 2007, ISBN é-8288-0080-6, ISSN 1661-4453.

[16] OPC1 Zénon Ndabaneze, « Extrait du discours du Président de la CDPCA prononcé  à l’occasion de la conférence de presse de présentation des résultats de campagne de remise volontaire des armes, Bujumbura, le 7 décembre 2009.

[17] Pézard Stéphanie, Florquin Nicolas, opcit.

[18] Ce protocole a été adopté à Nairobi le 21 avril 2004.

[19] Loi n° 1/14 du 28 août 2009 portant régime des armes légères et de petits calibres.

[20] Loi n°1/14 du 28 août 2009 portant régime des armes légères et de petits calibres.

[21] Pézard Stéphanie, Florquin Nicolas, op.cit.

[22] Entretiens, Bujumbura, Novembre 2009.

[23] Conseil de sécurité des Nations Unies, « Rapport final du Groupe d’experts sur la République Démocratique du Congo », S/2009/603 du 23 novembre 2009.

[24] Protocole de Nairobi, ibidem.

[25] OPC1 Zénon Ndabaneze, « Conférence de presse, Bujumbura, le 7 décembre 2009

[26] Citées par les radios Bonesha, RPA et Isanganiro.

[27] Avocat Sans Frontières, déclaration faite par Me Ingrid Kanyamuneza, le 25 novembre 2009, voir  www. burunditribune.com

[28] La campagne dénommée « Justice pour Ernest Manirumva », une nouvelle stratégie, postée le 9 juillet 2009 sur le site : www.cosome.bi

 

[29] Extrait de la lettre de nomination par  Procureur Général de la République d’Adolphe Manirakiza comme président de la commission d’enquête, Bujumbura, 2 octobre 2009.

[30] Voir à ce sujet l’article « Assassinat d’Ernest Manirumva : les assassins risquent de fuir le pays », iwacu-burundi.org, 24 novembre 2009.

[31] Propos de Pierre Claver Mbonimpa, Président de l’APRODH, Agence France Presse, 9 décembre 2009.

[32] Discours du Président Pierre Nkurunziza à l’occasion de la signature des accords de coopération entre le Burundi et la Belgique devant le Premier Ministre belge H. Van Rompuy, 22 octobre 2009, cfr. site www.burundi-info.com

[33] Akich Okola « Le Burundi a besoin d’un dialogue politique urgent », Communiqué de presse diffusé au terme de sa visite qui s’est déroulée du 30 novembre au 11 décembre 2009, Bujumbura, 11 décembre 2009.

[34] Ibidem.

[35] Lettre de quatorze partis politiques adressée au Secrétaire Général des Nations Unies le 14 juillet 2009. Les partis signataires sont : SAHWANYA-FRODEBU, CNDD, MSD, UPRONA, FNL, PPDRR-ABAVANDIMWE, PARENA, ADR, PML ABANYAMWETE, RADEBU, FROLINA-ABANYAMURYANGO, MRC-RURENZANGEMERO et ANADDE.

[36] Diffusés par les radios Isanganiro, RPA, Bonesha FM, RTNB et CCIB FM+, le 3 août 2009.

[37] « brûlez  jusqu’à ce devenir rouge », « rongez », « mangez les tous même ceux qui sont encore dans les œufs ».

[38] Akich Okola, po.cit.

[39] Signifie en français, « ceux qui ne se laissent pas intimider »

[40] Patrick Nkurunziza, « Nous nous mobilisons contre la terreur », Journal Iwacu, n°38 du vendredi 20 novembre 2009, p.3.

[41] Interview du Président Pierre Nkurunziza à son retour d’Italie, 23 novembre 2009.

[42] Les manifestants réclamaient auprès du ministère de l’intérieur, la validation des résultats du congrès tenu en date du 4 octobre 2009, qui avait destitué Rwasa.

[43] Net Press, « Quand le premier magistrat de la capitale est rattrapé par son mensonge », 25 novembre 2009.

[44] La lettre du Ministre de l’Intérieur est datée du 25 septembre 2009 et d’après les informations obtenues auprès du FNL, elle a été reçue le 2 octobre 2009.

[45] Agathon Rwasa, lettre n° P02-196/FNL/2009 du 25 novembre 2009, répondant à la lettre du Ministre de l’intérieur n° 530/1166/cab/2009 du 23 novembre 2009 et n° 530/955/A/CAB/2009.

[46] Journal Iwacu, « Formation d’une rébellion pour quelle fin », vendredi 1er janvier 2010.

[47] Par exemple pour le Vice-président du FRODEBU, Monsieur Frédéric Bamvunginyumvira, «  Ce sont de gens qui se préparent pour refuser les élections, peut-être en intimidant, en forçant ou en tuant des gens pendant et après les élections », lire dans le journal IWACU du vendredi 1er janvier 2010.

[48] Agence France Presse, « Burundi : début de la distribution de un million de cartes d’identité », Propos de Bonaventure Niyoyankana, Président du parti Uprona, 15 décembre 2009

[49] Ibidem. Propos de Aimé Nkurunziza, Directeur de cabinet au ministère de l’intérieur.

[50] Voir notamment l’article de Syfia Grands Lacs « Burundi : sale temps pour les organisations de la société civile », Sylvère Hicuburundi, 8 octobre 2009.

[51] Human Rights Watch, « Burundi : le Gouvernement doit annuler l’interdiction frappant une association de la société civile », 25 novembre 2009.

[52] Cette affirmation est à nuancer car certaines informations font état de l’intervention du 1er Vice-président de la République auprès du Ministre de l’intérieur pour qu’il lève l’interdiction.

[53] www.burundi-info.com, « Discours de Son Excellence le Président de la République à l’occasion de la clôture du projet « Cadres de dialogue », 25 novembre 2009.

[54] Human Rights Watch, opcit.

[55] Akich Okola, opcit.

[56] John Locke, « Second traité du Gouvernement civil », 1690.

[57] La nomination du Conseil Supérieur de la magistrature a été approuvée par le Sénat  le 10 septembre 2009, par 36 voix, pour et 13 voix, contre.

[58] www.burunditribune.com, « La magistrature à la quête de son indépendance », interview avec Vital Nshimirimana, Secrétaire Général du Syndicat des Magistrats du Burundi, 9 juillet 2009.

[59] Propos de André Ntahomvukiye, porte parole du  ministère de la justice, 24 septembre 2009

[60] Syfia Grands Lacs, « Burundi : les magistrats sont en grève pour garder leur indépendance », Sylvère Hicuburundi, 5 novembre 2009.

[61] Voir compte rendu synthétique de la séance du 1er décembre 2009, www/seant.bi.

[62] Là par exemple, le député Fidèle Mbunde, président de la commission Justice et droits de l’homme à l’Assemblée Nationale était rangé sur la position de la Présidence de la République sur le code électoral, ce qui a  entraîné des blocages. Radios Bonesha, RPA, 26 août 2009.

[63] Note verbale n°204.05/3390/RE/2009 du 24 décembre 2009.

[64] Résolution S/RES/1902 (2009) sur la prolongation du mandat du Bureau Intégré des Nations Unies pour le Burundi, 31 décembre 2009.

[65] Entretiens, Bujumbura, décembre 2009.

[66] Résolution S/RES/1902 (2009) sur la prolongation du mandat du Bureau Intégré des Nations Unies pour le Burundi, 31 décembre 2009.

[67] IWACU, « Oui à l’aide technique des élections, non à la supervision politique », vendredi 1er janvier 2010.

[68] Radio France Internationale, « Le Gouvernement burundais demande le départ du Représentant de l’ONU », 26 décembre 2009.

[69]Discours prononcé par Son Excellence Pierre Nkurunziza, Président de la République du Burundi à l’occasion de son quatrième anniversaire au pouvoir, 26 août 2009.

 

[70] Nzongola-Ntalaja Georges, « Gouvernance et développement », 25 mars 2003

[71]IDEC, «  Document de stratégie nationale de gouvernance et de lutte contre la corruption », non encore publié.

[72] Julien Nimubona parle de la corruption comme un mode de vie au Burundi. Selon lui « Nous vivons un système politique mafieux », lire dans le journal Iwacu du vendredi 11 décembre 2009.

[73] Pour tout ce qui précède sur les avantages des trois hautes personnalités de l’Exécutif se référer à la loi n°1/30 du 31 décembre 2009 portant fixation du régime des indemnités et avantages du Président de la République, des Vice-présidents de la République et des membres du Gouvernement ainsi que leur régime des incompatibilités et de sécurité sociale.

[74] Ibidem.

[75] Loi n° 1/29 du 31 décembre 2009 portant révision de la loi n°1/019 du 09 décembre 2004 portant fixation du régime des indemnités et avantages des parlementaires ainsi que le régime des incompatibilités et de sécurité sociale.

[76] Cour des Comptes, « Commentaires sur le projet de budget général de l’Etat, exercice 2010 », approuvé en audience des chambres réunies du 21 décembre 2009.

[77] Il s’agit de l’Ordonnance Ministérielle n°730/540/67/28/8/2009 et du décret n°100/53 du 9 avril 2009. Ces textes seront commentés beaucoup un peu plus loin à la section portant sur les plaques d’immatriculation.

[78]Cour des Comptes, op.cit.

[79] Réponse de la Ministre des Finances devant le Sénat, 31 décembre 2009.

[80] L’article 20 de la Loi organique des finances publiques stipule que « dans la limite maximum de 2% des crédits du Budget Général de l’Etat, un crédit global pour couvrir des dépenses imprévisibles à caractère accidentel peut être prévu au budget du ministère chargé des finances », voir le rapport de la Cour des Comptes, op.cit.

[81] Cour des Comptes, op.cit.

[82] Voir  Loi n°1/24 du 10 septembre 2008 portant Code des  Investissements du Burundi.

[83] Doing Business, site : http://francais.doingbusiness.org/ExploreEconomies/, le classement a été publié en septembre 2009.

[84] Bernardin Akitoby, Chef de mission au Burundi, Département Afrique, Déclaration du Fonds Monétaire International lors de la réunion du Groupe consultatif sur le Burundi, Paris

[85] Extrait du discours du Vice-président de la République Gabriel Ntisezerana à l’ouverture de la Conférence du Groupe Consultatif pour le Burundi, Paris, 26-27 octobre 2009.

[86] Procès-verbal des négociations intergouvernementales sur la coopération au développement germano-burundaise, Bujumbura, les 6 et 7 octobre 2009. Voir sur le site www.sp-cnca.gov.bi . Les deux délégations estiment que la corruption  mine la bonne gouvernance ; mène au gaspillage des faibles ressources financières disponibles et entraîne de vastes répercussions néfastes pour le développement économique et social ; compromet la crédibilité de la coopération au développement et son soutien par l’opinion publique et qu'elle nuit aux efforts de tous ceux qui œuvrent en faveur d’un développement durable ; et qu’elle empêche le développement d’une concurrence libre et transparente basée sur les prix et la qualité.

 

[87] Restitution des résultats de la Conférence du Groupe Consultatif pour le Burundi, 26-27 octobre 2009.

[88] Selon le proverbe kirundi qui dit « umwera uturutse ibukuru ukwira hose », ce qui peut être traduit par « un vice qui vient d’en haut se répand partout ».

[89] Lettre de Gabriel Rufyiri, Président de l’OLUCOME,  au Président de la République du Burundi, ayant pour objet le détournement du carburant à la Présidence, 20 novembre 2009.

[90] Lettre de Gabriel Rufyiri, Président de l’OLUCOME, au Président de la République du Burundi du 12 novembre 2009.

[91] Loi n°1/01 du 4 février 2008 portant Code des Marchés Publics du Burundi., voir l’article 40.

[92] Voir l’article 3 du décret n°100/120 du 08 juillet 2008 portant création, organisation et fonctionnement de la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics.

 

[93] Décret n°100/120 du 08 juillet 2008 portant création, organisation et fonctionnement de la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics.

[94] En droit burundais, la hiérarchie des textes légaux et réglementaires se présente de la façon suivante dans l’ordre décroissant : La  Constitution, la loi, le décret et l’ordonnance ministérielle. Parfois les conventions et les traités internationaux signés figurent au même niveau que la constitution ou au dessus d’elle. Ce principe est le même en droit français et belge par exemple. Voir notamment l’article Loi sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi.

 

[95] IWACU n°27, « Un marché de 3.820.000 $ passé au gré à gré », 03 juillet 2009.

[96] Ibidem.

[97] Voir par exemple sur le site : http://www.nouvelle-plaque.com

[98] Décret n°100/53 du 9 avril 2009, article 1er.

[99] Idem.

[100] SMOUTS Marie-Claude, Du bon usage de la gouvernance en relations internationales, in La gouvernance. in Revue internationale des sciences sociales, n° 155, mars 1998, pp. 88 (CDU 37333)

[101] Ibidem.

[102] Ministère à la Présidence chargée Chargé de la Bonne Gouvernance, de la Privatisation, de l’Inspection Générale de l’Etat et de l’Administration Locale, « Etude diagnostique sur la Gouvernance et la corruption », Bujumbura, mai 2008.

[103] Ibidem.

[104] Lettre du 17 mars 2008 du Chef de cabinet civil du Président de la République au Ministre de la Force de défense Nationale et des Anciens Combattants. Elle demandait la démobilisation de 633 officiers tutsi et 140 officiers hutu avant la fin de juin 2008 pour se conformer aux accords d’Arusha et respecter les engagements pris auprès des bailleurs de fonds.

[105] Si on se réfère aux barèmes actuels, le salaire le plus élevé dans la catégorie des sous-officiers est celui d’un adjudant major qui est de 112 044 BIF, ce qui donne environ 28.000 BIF. Il est quasi impossible de se loger avec un tel montant à Bujumbura et dans beaucoup de centres urbains provinciaux du pays.

[106] Voir Loi n°1/15 du 29/04/2006 portant statut des officiers de la force de défense nationale du Burundi, art. 25.

[107] Idem, article 16.

[108] Déclaration du Lieutenant Général Germain Niyoyankana, Ministre de la FDN et des Anciens Combattants, cité par le site arib.info, 18 décembre 2009.

[109] Déclaration du Général Major Lazare Nduwayo, alors Porte-parole de la FDN, 27 novembre 2009.

[110] Dans un des tracts récupérés, ses auteurs écrivent en s’adressant aux policiers et militaires « Nous n’avons plus besoin de réunions de mensonges et d’insultes de Niyombare et Niyoyankana ». Ces deux sont respectivement le Chef d’Etat Major Général et le Ministre de la Force de Défense Nationale et des Anciens Combattants.

 

[112] Entretiens avec différentes personnes sur les points de distribution des plaques, Bujumbura, novembre, décembre 2009.

[113] Radios Isanganiro, Bonesha, RPA, 21 juillet 2009.

[114] Conférence de presse du Directeur Général de la REGIDESO, diffusée sur les radios Bonesha FM+, RIA, CCIB, Isanganiro, RPA, REMA, RTNB, 11 septembre 2009.

[115] Il s’agit de Mugere, Rwegura, Ruvyironza, Gikonge, Kayenzi, Nyemanga et Marangara.

[116] Voir le site de la Banque de la République du Burund, www.brb-bi.net

[117] Extrait du discours du Président Pierre Nkurunziza lors du 4ème anniversaire de son accession au pouvoir, 26 août 2009.

[118] Discours prononcé lors de la visite du Président de la République en commune Buyengero, le 15 novembre 2005.

[119] Voir Budget général révisé de la République du Burundi pour l’exercice  2009 , p.91.

[120] Voir l’article « Les syndicats des enseignants au Burundi continuent la grève », http://www.ligue-iteka-africa-web.org, 15 octobre 2009.

[121] HCR, UNHCR Burundi, Données de base, 30 novembre 2009.

 

[122] Ibidem.

[123] Déclaration de la Ministre Immaculée Nahayo, juillet 2009.

[124] Déclaration de Epimène Bapfinda, Administrateur de Nyanza-Lac, 5 août 2009. Radio Isanganiro.

[125] Radios Bonesha, Insanganiro, 3 août 2009.

[126] Radios RPA, Isanganiro, Bonesha, 4 août 2009.

[127] Agence France Presse, 9 octobre 2009.

[128] Ibidem.

[129] Une partie de ces développements est tirée de la déclaration de Human Rights Watch, « Burundi : Les autorités doivent examiner les demandes d’asile des Rwandais », 16 octobre 2009. http://hrw.org/news/2009/10/16.