Burundi news, le 11/07/2008

 

Burundi : ne ratons pas nos deux chances !

 

 

 

 

 

 

 

 

Je veux comparer l’incomparable en parlant de notre pays, le Burundi par rapport aux contradictions qui le poursuivent jusqu’à ce jour, depuis plus de quarante ans, et surtout depuis les lendemains déchantant  du 21 octobre 1993.

 

Je compare l’incomparable en effet parce que je veux parler du régime d’Adolphe Hitler et de la peine qu’ont eu les Alliés (France, Grande Bretagne, États-unis et Russie) de constater les dégâts causés par les cinq ans de la Deuxième guerre mondiale.

 

Winston Churchill, le leader britannique a avoué à cette époque : «Jamais il n’y a eu de guerre qui était aussi facile à éviter, sans tirer un seul coup de feu. Aujourd’hui, l’Allemagne pourrait être un pays de partage, une terre prospère, une Nation honorée, mais personne n’a voulu entendre. Un par un nous avons tous été entraînés dans cette affreuse spirale. Nous devons tout faire pour que cela ne se reproduise plus. »

Pour votre gouverne, sachez que la communauté internationale de l’époque allait ainsi vers l’historique procès de Nuremberg sans lequel l’Europe Occidentale prospère actuelle serait inimaginable

Je rappelle que je compare l’incomparable. Mais tenez quand même : en juillet 2008, près de quinze ans après le début de ce qui est désormais la crise la plus longue de notre histoire, pouvons-nous espérer enfin dire ce « plus jamais ça », comme le firent les internationaux de l’après 1945 ?

 

Vers une tolérance zéro face aux volte-face des belligérants

Après ce préambule, j’en viens maintenant à mon message. A ce jour, le Burundi peut figurer sur la liste des pays les plus pauvres de la planète, celui où l’insécurité rôde encore comme  en Irak, mais il a au moins deux chances incroyables que nous avons le devoir moral de souligner : la première, c’est que la guerre peut prendre fin définitivement, car après la rentrée du chef FNL tous les prétextes conduisant vers de nouvelles opportunités de violences peuvent être balayés. Pourvu bien sûr que le MCVS continue de fonctionner et que les deux belligérants soient assurés de notre tolérance zéro face à leurs volte-face habituels.

C’est-à-dire que les nouveaux bruits de botte, qui nous alertent à travers les déclarations de la Ministre Hafsa Mossi, Porte parole du Gouvernement, qui attribuent au FNL de nouvelles intentions guerrières sont d’une ampleur terrifiante. En suivant le retour des attentats à la grenade, qui ont visé récemment le BINUB (Bureau intégré des nations Unies au Burundi), ces nouvelles ont une charge particulièrement alarmiste.

Et si les faits s’avéraient vrais, cela prouverait que le tournant actuel est mal négocié, que nous avons lâché la vigilance sur cette question et que les pots à casser seraient une fois encore très lourds si le statu quo perdurait. Une fois de plus, une fois de trop, comme dirait encore notre compatriote et Professeur burundo-canadien, Pr. M. Mbonimpa (auteur notamment de l’ouvrage d’anthropologie : L’homme tribal et l’homme citoyen et lauréat au Canada Council for the Arts du « 2006 Governor General’s Literary Award »).

 

Une fois de plus, une fois de trop

Cela voudrait aussi dire que nous ratons notre légendaire deuxième chance, à savoir : l’interminable, mais nécessaire dialogue qui se poursuit.

Rappelons-nous : après les réformes politiques majeures de 1988, et suite à la nomination de la fameuse Commission des 24, les Barundi se sont très professionnellement mentis, concluant une charte de l’Unité nationale que ses géniteurs ont été les premiers à violer au vu et au su de tout le monde.

Je n’ai rien contre le drapeau bleu frappé d’un dessin aux apparences unificatrices et qu’on appelle volontiers « Drapeau de l’Unité » des Barundi. Je n’ai rien non plus contre le monument de Kiriri ou toutes les ingénieries issues de l’expérience constitutionnelle de 1992.

Je constate simplement comme vous et moi que les champions de ces symboles ont trahi notre idéal d’unité et que nous devons en tirer des leçons. J’y reviens tout de suite.

Disons même que si l’Accord d’Arusha, doit rester inattaquable, comme le veulent ainsi ceux qui l’ont négocié, parfois avec une gourmandise impardonnable, il a quand même ouvert une brèche intéressante pour la gouvernance démocratique dans ce pays. Nous avons gagné surtout sur un front que les universitaires (suisses de Fribourg notamment) appellent le « consociationalisme » ou « démocratie de concordance », qui permet à une minorité – quelle que soit sa taille d’exister aux côtés des éléphants tentés d’écraser les autres par leur nombre ou leur poids social.

Je souhaite affirmer que les guides Barundi sensés savent maintenant que l’ethno-corporatisme sale existe dans tous les camps hutu et tutsi confondus, qui nous ont dirigé et nous dirigent encore et que cela devrait nous rendre plus sages, plus ouverts et plus visionnaires qu’avant.

 

Car le sida n’est rien par rapport à ce qui peut encore arriver

Sinon nous ne comprendrions jamais comment nos autorités actuelles, issues d’une expérience démocratique que nul n’a osé contester parviennent à créer des fronts de refus et des exclusions partout où se jouent les intérêts sensibles de notre pays : voyez les récents disfonctionnements du Parlement, qui aboutissent vers de nouveaux exils politiques ; regardez la grippe qui pendant des mois a paralysé l’Université d’Etat de ce pays ; ne fermez pas les yeux sur la grogne sévissant dans les syndicats, la méfiance des amis du Burundi, etc.

Car tout cela empêche à l’opinion de savoir qu’il y a plus grave. Voyez par exemple la nouvelle crise alimentaire avec ses dimensions planétaires, accompagnées par une hausse généralisée des prix, par les turbulences du marché pétrolier ou par celles du réchauffement climatique.

Attention : ces crises-là n’ont pas d’ethnies ni de coloration politique partisane ; quand elles vont continuer à sévir, elles provoqueront la première cause d’un plus grand malheur dont les dégâts dépasseront peut-être ceux des causes classiques actuelles du sida et de la malaria. Ou celle de ces guerres civiles que nous avons traversées.

Toute la question est donc de savoir comment nous devons exiger de nos dirigeants qu’ils s’occupent plus à organiser le travail plutôt qu’à passer le temps à boutiquer des complots tactiques contre ceux qui, comme le Mouvement pour la Sécurité et la Démocratie (MSD), harcelé de bien des manières et à tous les niveaux, ne pense pas comme eux?

 

 

Déo Hakizimana, SG du MSD

d.hakizimana@cirid.ch