BRUITS DE BOTTES A CIBITOKE
 

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 21/10/2012

Ces derniers jours, des groupes rebelles naissent, se battent et disparaissent au Burundi. Un engouement pour les rébellions qui traduit un malaise de la société burundaise. Quand une rébellion naît dans un pays, il y a nécessairement un problème non résolu au niveau du pouvoir. Le problème peut être mal posé ou mal diagnostiqué, mais la bonne solution est toujours préférable à la guerre. Souvent, les pouvoirs préfèrent l'affrontement qu'aux négociations. Après tout, le pouvoir dispose d'une armée payée pour se préparer à la guerre. Le cynisme du pouvoir le pousse à sacrifier ces enfants du pays plutôt que de régler les problèmes politiques.

FPM-Abatabazi ou UPR, qui se bat à Cibitoke?

A Cibitoke, un groupe rebelle est entré via le Congo le lundi 23 octobre 2012. Ce groupe s'est battu avec l'armée burundaise. Il y a eu des victimes des deux côtés. Les rebelles étaient au nombre de 36. Nous ne connaissons pas les entrées ultérieures. Ce groupe a perdu 9 combattants et quelques prisonniers. Il s'est dirigé vers la Kibira d'où il continue ses recrutements. Pour l'armée, le groupe a été anéanti. Cependant, la population affirme que les rebelles sont toujours présents dans la région.

Beaucoup de questions subsistent sur cette nouvelle rébellion. Qui sont-ils? Deux noms circulent. Le Front du Peuple Murundi-Abatabazi, en sigle FPM et aussi l'Union dees Patriotes Révolutionnaires -UPR.

Le FPM est dirigé par celui qui est surnommé Gasongo, vu à la télévision France 24. C'est un ancien de l'armée burundaise, ayant travaillé dans le camp Gakumbu. Il est à la tête de quelques dizaines de combattants.

L'UPR est dirigé par Antoine Sinzumunsi, ancien substitut général près de la cour d'appel de Bujumbura et après de Ngozi. Il a été de janvier 2010 à mai 2012 un inspecteur de la justice. Il revendique lui aussi quelques dizaines de combattants.

Le FPM et l'UPR sont ensemble sur le terrain. Il manque une visibilité sur le commandement conjoint sur le terrain.

Une rébellion à une mauvaise date

Cette rébellion tombe au mauvais moment pour le pouvoir. Une conférence avec les bailleurs de fonds est prévue à partir de ce lundi. Le Burundi devait présenter la stabilité de ses institutions et la paix dans le pays. Or, cette attaque n'est pas de bonne augure. Les bailleurs de fonds n'aiment pas donner de l'argent à un pays qui est en guerre de peur que les fonds soient affectés à l'achat des armes.

L'approche de cette conférence peut expliquer l'arrêt de l'offensive contre les rebelles. L'armée doit donner l'impression de contrôler le pays même si une poche de rébellion s'organise. Les combats ne reprendront qu' à la fin de cette conférence. La rébellion n'a aucun intérêt à provoquer l'armée si celle-ci lui laisser le temps de s'organiser.

La leçon?

Les rébellions qui naissent ici et là sont le signe de la nature du vrai pouvoir de Nkurunziza. Les rébellions sont nées après les élections truquées de 2010. La terreur règne dans le pays. Des cadavres sont retrouvés dans des rivières, victimes des exactions extrajudiciaires de la police et aussi des milices Imbonerakure.

Le Président Nkurunziza a un choix à faire parmi deux options :

* Rester au pouvoir après 2015 en changeant la constitution afin de devenir Président à vie. En ce cas, il s'exposera à une fin de tragique de mandat à défaut d'une fin politique. Il sera renversé et ne pourra même pas bénéficier de sa richesse. Les exemples des Présidents africains sont nombreux. C'est l'option qu'une personne qui aime Nkurunziza ou un membre de sa famille ne pourrait lui conseiller;

* Quitter le pouvoir en 2015 en organisant des élections libres et transparentes après avoir négocié avec l'opposition une sorte de non poursuite pour ses actes en tant que Président. Il aurait le loisir de bénéficier des avantages des anciens Présidents comme Buyoya, Ndayizeye et Ntibantunganya. C'est l'option d'une vision à long terme et qui assure et rassurera Nkurunziza.