CONTRIBUTION POUR UN SYSTEME DE SANTE POUR TOUS LES BURUNDAIS

 

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 21 septembre 2005

La réforme du système de santé  au Burundi passe nécessairement par un mécanisme qui permet de soigner toute la population. Ce mécanisme pose un problème du financement. Le Burundi manque d’idées comme je l’ai souvent écrit ; l’argent ne manque pas car le pays a sa richesse. Il est déplorable de constater que dans un pays comme le Burundi, des malades soient emprisonnés à l’hôpital pour une somme modique pour un Etat  de 36 millions ; soit l’équivalent de moins de 2 voyages à l’étranger du Président de la République.

Dans le système économique burundais, plus de 80 % de la population procure plus des 3/4 du PIB. Ce sont les paysans, les artisans et les ouvriers qui sont à la base de l’économie burundaise notamment dans les secteurs primaire et secondaire. Or, ce sont ces « faiseurs de richesse », ces vrais opérateurs économiques qui sont dans la nécessité. Ils sont incapables de se faire soigner en raison des tarifs élevés et de la baisse de leur pouvoir d’achat. Le pays a besoin de cette main d’œuvre. Le pays doit repenser le système de distribution de la richesse nationale. La réforme du système de santé rentre dans le cadre de cette redistribution des ressources. C’est aussi une justice sociale tant réclamée dans le passé par ceux qui sont  au pouvoir aujourd’hui.

En tant que citoyen burundais, il m’appartient d’apporter ma contribution pour cette réforme. Cette affaire nous concerne tous.  Les gens qui meurent par manque de soins sont nos frères, nos sœurs, nos parents, nos voisins, nos amis, nos compatriotes etc… Ne pas réagir est pour moi une non-assistance de personne en danger.

Le Burundi est capable et a les moyens de soigner ses fils et filles. Si le pouvoir appartient au peuple, ce dernier a le droit d’exiger un bon système de santé.

Le Burundi doit d’abord trouver un financement interne de ce système. Chercher ce financement en Europe ou en Amérique est une perte de temps. Les pays développés ont des problèmes  de financement de leurs systèmes de santé. Le Burundi doit trouver les moyens internes et ils existent. C’est dans ce cadre que j’apporte ma contribution. Si elle apporte un plus pour le pouvoir dans le cadre de la réforme du système de santé, je ne vois pas pourquoi le gouvernement se priverait de s’en référer.

Objectif : Soins de santé pour tous

Toute réforme du système de santé suppose que le gouvernement trouve des moyens financiers pour la mettre en place.

Tout citoyen a droit de se faire soigner. Le pays ne peut pas exclure les plus pauvres. Pourquoi certains nantis sont-ils soignés en Europe ou en Afrique du Sud aux frais de l’Etat alors que les pauvres restent emprisonnés à l’hôpital du seul fait de ne pas pouvoir payer leurs factures ?

Pour permettre l’accès aux soins pour tous, le système de santé devrait aussi être réformé. Il faudrait alors faciliter l’accès en construisant  des centres de santé et en simplifiant leur gestion. Les hôpitaux devraient recevoir des malades envoyés par des centres de santé, du moins pour les soins élémentaires. L’Etat devrait aussi créer plusieurs écoles des infirmiers et des techniciens médicaux. Des centres de production des génériques devraient être encouragés et laissés au secteur privé.

Je ne veux pas m’éterniser sur un sujet d’organisation du système de santé. Il appartient aux services compétents de s’y pencher.

Où trouver les fonds pour soigner les burundais ?

Ce n’est pas l’argent qui manque au Burundi mais la façon de le redistribuer. Seules les basses tranches cotisent à l’INSS pour la maladie et la retraite. L’INSS ne peut pas cumuler les fonctions de collecte des fonds d’assurance maladie et de la retraite. Il est indispensable de créer une caisse de solidarité nationale qui s’occuperait de la collecte et de la gestion de ce système de santé.

Voici les propositions de financement interne :

-         Augmenter les cotisations sociales sur les salaires à 10% de cotisation salariale et 15% de cotisation patronale sur la totalité des salaires. Le système de plafond serait abandonné pour permettre d’élargir l’assiette de cotisation sociale ;

-         Supprimer toutes les exonérations de cotisations pour tous les burundais qui perçoivent des  revenus au Burundi quelque soit l’employeur notamment les ONG, etc…

-         Fixer un pourcentage de 0, 5% sur tout prêt accordé par une banque. Chaque banque se chargerait de prélever et de reverser à la caisse de solidarité nationale;

-         Augmenter la TVA sur tous les produits de 0, 5% qui serait reversée à la caisse par le trésor public ;

-         Fixer une cotisation de 0, 01% sur le chiffre d’affaires pour toutes les sociétés immatriculées au Burundi en exonérant celle qui ont moins de 3 ans ;

-         Fixer une taxe de 1% sur tous billets d’avion ;

-         Une cotisation de 5 000 francs par an par ménage des burundais non salariés, paysans pour avoir la carte de soins médicaux ;

-         Une cotisation de 20 000 frs par artisans et petits commerçants.

Le financement est entièrement national, d’où sa stabilité. Les personnes pauvres qui ne pourront pas cotiser seront exemptées de payer.

Comment mettre en place ce système ?

La gestion serait confiée à un comité paritaire, employeurs, syndicats. L’Etat interviendrait uniquement  en cas de mauvaise gestion. Un comité de surveillance serait constitué par la société civile et  l’Etat.

Tous les soins médicaux seraient alors prises en charge sauf chez les docteurs qui dépassent les forfaits de consultation fixés par le comité de gestion, le comité de surveillance et les médecins. Il faudrait  alors développer la médecine de ville et de campagne qui seraient en activité sous forme de libéraux plutôt que d’être des salariés de l’Etat. En dehors des hôpitaux, les médecins pourraient ouvrir des cabinets et seraient enregistrés par la caisse de solidarité.

Pour éviter les abus, un médecin aurait ses patients et ces derniers ne pourraient aller ailleurs qu’en cas d’absence de leur médecin. Le médecin serait alors responsable des dépenses inutiles de ses patients en médicaments. Les médecins seraient alors intéressés par la caisse en dehors du paiement des honoraires. Les consultations primaires seraient confiées d’abord aux centres de santé publiques et privés. Ils seraient alors les seuls à envoyer les patients chez le médecin sauf en cas d’urgence.

Dans le but de faire baisser les prix des médicaments, une centrale d’achat serait créée par la caisse de solidarité pour des achats groupés.

Ce mécanisme ne peut marcher que si la politique des médicaments change. La production locale des génériques devraient encouragée  et les prescriptions médicales seraient prioritairement des médicaments génériques.

L’Etat devrait prévoir les 3 premières années un fonds de compensation de la caisse en raison des déficits de la caisse. Le démarrage devrait être difficile et des dépenses inutiles ne pourraient pas être évitées.

En définitive, l’Etat burundais doit changer le système de santé. Il a le dos sur le mur. Les burundais ne pourront pas accepter que les citoyens soient emprisonnés du seul fait d’être pauvres. Ma proposition est une goutte d’eau dans un océan. Elle peut être complétée, revue. Elle fixe les bases de réflexion pour améliorer la vie du peuple burundais. Je lance un appel au gouvernement pour mettre fin à ces actes ignobles d’emprisonnement des malades pauvres. Jamais la Banque Mondiale, le FMI et la communauté internationale ne financeront la réforme du système de santé burundais. La seule voie réaliste consiste en financement interne.