REGARDONS LA REALITE EN FACE

 Burundi news, le 14/01/2016

Le désespoir, la violence, le découragement ne nous permettent pas de bien juger la situation. A l'image d'un voyageur dans le désert qui a soif, il voit des oasis partout à l'horizon. Il croit toujours sortir de sa prison de sable alors qu'il a encore de la marche et aussi du temps pour supporter la soif. 

Le dernier article de Burundinews retiré ne s'est pas inscrit dans ce cadre. Certains ont réagi négativement, sûrement par manque d'informations que nous n'avons pas voulu divulguer. Toute personne qui a causé avec moi après la publication a bien compris l'esprit de l'article. Quant à la lettre ou la forme, à chacun de juger. Mon message n'était pas de casser un mouvement, loin de là. Je suis pour l'unicité du commandement. Je suis pour l'humilité des uns des autres. Je suis pour la reconnaissance de la force et de la faiblesse des uns des autres. Reconnaître ses faiblesses permet de bien s'armer pour un combat futur. Une maison à étages a besoin d'une fondation solide. Il ne sert à rien de construire une maison avec une apparence trop belle mais avec une fondation en cartons.

A l'armée, les officiers apprennent la méthode raisonnement tactique MRT. C'est une méthode qui devait inspirer le FOREBU et le RED. Il faut analyser la situation ensemble car les deux se battent pour une même cause. Quelle est la force de l'ennemi? Quelle est la force que l'un ou l'autre  mouvement dispose. Dans ce combat, n'oublions pas le mouvement FNL de Nzabampema  qui se trouve au Congo. Il faut analyser les scénariis possibles et les solutions sans oublier d'envisager l'échec des batailles et non de la guerre.

Les Burundais sont dans une grande attente, une attente d'une victoire. Quelle victoire? Avant de parler de victoire, ils ont besoin de bien savoir qui a pris les armes. Ils ont besoin d'identifier la volonté et la détermination des uns et des autres. Un peuple ne peut être considéré comme un enfant. Il est mûr et a besoin de la vérité. Burundinews n'a pas besoin de mentir au peuple pour créer un faux espoir. Des fois, des vérités peuvent blesser. Il y a des vérités qui peuvent blesser et sauver aussi. Il y a aussi l'opinion.

En 2002, il était difficile de faire des analyses sur l'avenir du Burundi sans attirer des animosités. Je me rappelle quand j'avais dit que l'armée sera recomposée et qu' il y aura 50 % de rebelles et 50 % de militaires et du coup 50 % de tutsi et 50 % de hutu. Tous mes anciens collègues de l'armée étaient furieux contre moi. Deux ans après, ils signaient des accords qui reprenaient ce que j'avais écrit.

Aujourd'hui, la situation est difficile et chacun de nous espère un changement. Les plus optimistes pensent que la victoire militaire est proche et que Nkurunziza et sa clique seront renvoyés en prison. Les plus pessimistes pensent que Nkurunziza ira jusqu'au terme de son mandat avec un Burundi moribond. Il est difficile de parler des réalistes car ce réalisme est rare. L'optimisme est l'option catholiquement correcte et soulage les esprits.

En réalité, sans l'aide étrangère, il sera difficile de chasser Nkurunziza dans un ou deux mois. Même si Nkurunziza mourrait, son système pourrait continuer. D'abord, parlons des expériences des autres. Le FPR qui avait des généraux ayant fait la rébellion avec Museveni et qui avaient dirigé l'armée ougandaise a pris quatre ans avant d'arriver au pouvoir. La première année, Rwigema a commis des erreurs stratégiques et tactiques et ils ont essuyé un échec cuisant. Il a fallu le retour de Kagame qui était en formation aux Etats Unis pour reconstruire la rébellion. Le CNDD-FDD a passé dix ans dans la rébellion et n'a jamais gagné aucune bataille.

Si nous voulons accélérer la chute de Nkurunziza, il faut desserrer l'étau autour de ces quartiers fatigués, des provinces fatiguées. Kamenge doit aussi entrer dans la danse. Les provinces de Ngozi, Kayanza et plus communément les zones majoritairement hutu. Il faut que la lutte contre le troisième mandat soit réellement nationale. Nous attendons de la révolte des militaires et policiers ex FDD en refusant d'aller tuer les paisibles citoyens. Nous attendons une complicité et une unité des corps de sécurité et aussi une solidarité entre les militaires tutsi et hutu. C'est de cette façon que l'option optimiste pourra triompher.

Burundinews salue la volonté de RED TABARA pour que les deux mouvements travaillent ensemble. Espérons que FOREBU emboîte le pas pour le bien de tous. Espérons que les mouvements qui se créent, acceptent de faire l'autocritique et arrêtent de se diaboliser mutuellement. Burundinews n'est contre aucun mouvement mais  gardera sa ligne critique quand il le faudra. En plus, un mouvement retire sa force dans la mobilisation plus que autre chose. Tous les mouvements ne peuvent pas avoir la même force au même moment. Chacun doit travailler pour augmenter sa force. Un civil peut être un bon stratège. Un militaire peut être le pire. Che Guevara a gagné beaucoup de batailles. Museveni n'était pas militaire quand il a fait la rébellion. Augustino Neto était un civil. Pourtant il a gagné une guerre. La stratégie militaire, en dehors des guerres classiques, est du ressort de la ruse. Nulle part on apprend comment on mène une guérilla à l'école des officiers. Peu d'officiers sont spécialisés dans la lutte anti guérilla.

Nous commettons tous des erreurs

 Dans cette lutte pour la paix et la démocratie, certains ont agi et d'autres ont préféré l'inertie. En agissant on se trompe mais l'important est de rectifier et de reconnaître les erreurs. Par ailleurs, ceux qui ne contribuent d'une manière ou d'une autre laissent le fardeau à ceux qui agissent.

Au niveau de la diaspora, nous partageons la douleur avec le peuple burundais en souffrance; souvent cette douleur reste sur watsup ou au téléphone. Est-ce que nous nous demandons s'il faut consommer moins pour envoyer les fonds à ceux qui sont dans le besoin ou soutenir ceux qui sont en lutte? Souvent non. Une précision, la lutte est d'une manière générale. Ceux qui cherchent les informations pour nous informer à travers les radios sont dans une lutte. Il y a bien sûr ceux qui se sacrifient physiquement pour le Burundi de demain soit meilleur. La contribution est relative. En théorie marxiste, on dit ceci : "De chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins". Si nous oublions de contribuer par une participation quelconque, notre douleur est hypocrite ou on exprime la peur que nous ressentons.

Qui peut le plus peut le moins. Le CNARED qui est le rassemblement de l'opposition donne l'impression d'être dans un silence inexplicable. Deux mouvements de guérilla ont été créés et ne collaborent pas. Il appartient au CNARED de mettre de l'ordre, de rassembler, de réconcilier et même de mettre en garde. Or, il ne s'exprime pas. Probablement que les négociations sont comme ces joueurs qui ne bougent pas pendant l'échauffement de peur de se blesser et de rater le match. Nous attendons d'un CNARED fort, actif, mobilisateur et inspirant confiance. Aujourd'hui, le conseil de sécurité de l'ONU est bloqué par la Chine et la Russie sur le dossier burundais. Est-ce que le CNARED a fait les démarches nécessaires pour expliquer? A-t-il mobilisé les Burundais de ces pays pour manifester, faire du lobbying? Je n'ose pas y répondre.

Nous commettons aussi des erreurs en nous lamentant sur les watsup sans apporter des solutions, sans créer des cercles de réflexion pour trouver la manière de sortir les Burundais de cette situation. Il ne sert à rien d'appeler Dieu tout le temps car Peter a gardé la ligne. Peter prie le bon Dieu et voilà le même Peter qui a acquis du poison pour tuer son peuple, le vrai poison acheté au Congo (RDC). Pourtant il prie Dieu. A un certain moment, on se demandera quand le bon Dieu arrêtera les actes criminels de Peter. On se demandera jusque quand il attendra. On se demandera pourquoi des massacres peuvent se commettre dans des églises sans qu'il réagisse.

Et la suite?

Les négociations et MAPROBU, voilà les mots qui avaient donné espoir et qui commencent à susciter un découragement. D'après les dernières informations, MAPROBU sera au Burundi au mois de février 2016. Tenez bon. Quant aux négociations, elles devront commencer bien avant l'arrivée de MAPROBU . Il y a de gros enjeux. Madame Zuma qui espère concourir à la Présidence sud-africaine n'aimerait pas partir sur un échec. En effet, si le MAPROBU n'intervient pas au Burundi, il ne restera qu'à fermer l'Union africaine car personne ne la respectera. Elle sera la risée du monde, sans parler des Africains. Nkurunziza ne peut pas narguer le monde entier. Par ailleurs, il ne quittera le pouvoir vivant. Que chacun le comprenne. 

Revenons aux négociations. A vos marques les politiciens. Les négociations sont du sonnante et trébuchante. Sonnante l'argent des négociations d'où le risque de faire durer. Trébuchante car on trébuche facilement vers l'amnistie de Nkurunziza et le partage du pouvoir avec des criminels.