Burundi news, le 03 septembre 2006
Note de la rédaction: Le 31 août 2004, un an avant l'arrivée au pouvoir du CNDD-FDD, Siméon Barubiriza et Gratien Rukindikiza, diplômés en économie, publiaient un article sur la relance économique. L'article est toujours d'actualité. Certains facteurs propices à une relance économique n'existent plus.
Nous publions cet article car nous estimons qu'il peut servir aux lecteurs pour analyser la situation économique du pays et au pouvoir aussi pour se rendre compte du mauvais service qu'il rend à l'économie burundaise.
UNE RELANCE ECONOMIQUE POUR CONSOLIDER LA PAIX AU BURUNDI
Burundi news, le 31 août 2004
Par Siméon Barubiriza et Gratien Rukindikiza
Après la guerre, le peuple burundais demandera aux nouveaux dirigeants un soutien à l’économie. Le peuple ne leur demandera jamais de quoi manger ; il demandera plutôt une création d’un environnement propice au travail, aux affaires, aux déplacements, à la liberté économique et à une répartition équitable de la richesse nationale. Les futurs dirigeants issus de prochaines élections auront du pain sur la planche. Ils devront consolider la paix, permettre aux burundais de produire plus, combattre la pauvreté et assurer une justice sociale.
L’ économie burundaise dépend de plusieurs facteurs. Nous citerons quelques
uns. Le gouvernement devra manipuler avec précaution les éléments de la
politique économique tout en l’adaptant à la conjoncture de la sous région. Il
devra savoir juguler l’inflation tout en soutenant la croissance et la baisse
des taux d’intérêt.
Il devra aussi promouvoir la consommation qui est le moteur de la relance économique sans pour autant augmenter les impôts pour que la production ait assez de moyens financiers pour l’accompagner. Toute relance aura besoin des capitaux pour financer les investissements. Or, l’épargne est faible au Burundi. Les banques ne mobilisent que les fonds des sociétés para-étatiques en raison de la faiblesse du secteur privé. Les burundais n’ont pas assez de moyens pour épargner compte tenu de la pauvreté, conséquence de cette guerre de 10 ans.
Les conditions de reprise économique ne sont pas toutes réunies. Cette reprise économique pourrait être freinée par une mauvaise politique économique du gouvernement.
Dans un premier temps, la relance économique pourrait s’accompagner d’une inflation galopante. Cette hypothèse peut ne pas se produire car, actuellement, les prix élevés sont le résultat de l’absence de production et d’une situation de monopole pour certains produits, parfois d’une entente afin de maintenir les mêmes profits en période de baisse de la demande. Au lieu de laisser les prix s’ajuster à l’équilibre selon la loi de l’offre et de la demande, les commerçants préfèrent s’affranchir de la consommation des moins nantis pour maintenir la demande des nantis, mais à un prix élevé. La quantité vendue diminue alors que le prix de vente augmente, d’où une sorte de d’équilibre à la hausse.
En cas de relance économique accompagnée d’une politique dissuasive des ententes monopolistiques, l’offre pourrait augmenter plus rapidement que la demande car la population voudra d’abord se rassurer de la solidité de cette croissance avant d’ augmenter la consommation. Les consommateurs devront aussi se rassurer de l’augmentation du pouvoir d’achat. Traumatisée par la période de pauvreté, elle sera très méfiante et se mettra surtout à épargner au lieu de consommer. Cette épargne donnerait les moyens aux banques pour financer les projets économiques. Le gouvernement devrait alors profiter de cette situation pour baisser les taux d’intérêt, promouvoir une nouvelle politique de construction de logements. La baisse des taux d’intérêt permettra à la production de maintenir le cap. Comme on le dit, « quand le bâtiment va bien, tout va bien ». La relance des constructions des logements aura des conséquences sur plusieurs secteurs notamment l’emploi, les services annexes, etc.. Le gouvernement devrait saisir l’occasion pour promouvoir un autre type de matériaux de construction qui pourrait être produit localement. Pourquoi ne pas penser à des toitures écologiques en argile mélangée avec des végétaux solides permettant une fraîcheur à l’intérieur des maisons, surtout à Bujumbura ?
L’ augmentation de la consommation des biens et services , donc la demande, sera l’accélérateur de la croissance. Elle sera l’élément déterminant de la relance économique. Elle relancera aussi la production économique pour répondre à la hausse de la demande. Le Burundi manque, en plus d’industries, de secteur tertiaire. La production des services est faible. Il faut satisfaire les besoins. L’économie ne doit pas répondre seulement aux besoins, elle doit aussi les créer et créer l’envie de les assouvir. Les idées manquent, rien n’est fait pour les promouvoir. Le gouvernement burundais devrait encourager une sorte de laboratoires d’idées d’affaires. L’université pourrait être le lieu de ce laboratoire. Pourquoi ne pas former tous les universitaires à la gestion (les bases) et leur demander de présenter un projet de création de société parallèlement au travail de mémoire afin de susciter la créativité ? La promotion du secteur privée est un élément important pour cette croissance économique.
La deuxième mesure devrait être la lutte sans merci contre la corruption, le vol dans les caisses de l’Etat, les gaspillages de l’Etat, le clientélisme et le manque de rigueur dans la gestion des services publics. Aucune relance économique ne peut résister aux services d’un Etat défaillant. La bureaucratie devra se mettre à l’âge de l’économie moderne. Le ministère chargé de la bonne gouvernance devrait fixer un délai maximum de réponse des services de l’Etat à une demande d’un usager. Après ce délai, on appliquera le principe de « Qui ne dit mot consent ». L’entrepreneur ou le citoyen aura ainsi un délai réduit et de référence. Ainsi, pourra-t-il planifier ses projets. Il n’y aura pas beaucoup de « graissage de la patte » du fonctionnaire, entendez corruption !, si cette mesure est accompagnée d’un système efficace, sous la supervision d’un médiateur honnête chargé de recevoir des plaintes courantes entre l’Etat et les citoyens.
La troisième mesure concernerait la promotion de l’exportation. A un certain niveau de production, la demande ne pourrait pas répondre à l’offre. Il faudrait alors exporter une grande partie de la production. Cette promotion devrait être une priorité. Les ambassadeurs du Burundi devraient cesser d’être de vrais princes à l’étranger sans aucun objectif. Ils devraient être comme des commerciaux chargés de vendre les produits burundais en commençant par le tourisme, les produits industriels, artisanaux et les services. Ils devraient être évalués aussi en fonction des exportations dues à leurs efforts. Les produits destinés à l’export devraient être subventionnés tout en permettant la libre concurrence interne entre les entreprises.
La politique monétaire devrait accompagner ces mesures. Le fameux principe de « stop and go » devrait être suivi en fonction de l’état de l’économie en baissant ou en augmentant les taux d’intérêt et les crédits à l’économie. La tendance à l’épargne au début de la relance devrait être découragée pour que cette masse monétaire soit injectée dans la consommation plutôt que dans l’épargne. Cette politique de « stop and go » consiste à accélérer les investissements et la production avec comme conséquences l’augmentation des revenus, la baisse du chômage et l’inflation dans la phase go. Dans la phase stop, pour corriger les effets négatifs de cette croissance, l’Etat décide une augmentation des taux d’intérêts pour encourager l’épargne afin de juguler l’inflation. Ce principe se régule en permanence en fonction de l’économie.
La politique budgétaire devrait favoriser la baisse des dépenses de l’Etat notamment le train de vie des dirigeants pour diminuer les impôts directs et indirects comme la taxe sur la valeur ajoutée.
L’industrialisation de la production agricole devrait être encouragée sous forme de subventions, des recherches universitaires devraient permettre de produire des conserves, des produits laitiers facilement conservables sous la chaleur etc..
L’Etat devrait promouvoir aussi les grands travaux pour soutenir la politique économique. On pourrait penser à la construction des routes reliant les villes du pays, l’installation des moyens de télécommunication, l’amélioration des moyens de transport et l’électrification du pays.
En temps de paix, la diplomatie devrait remplacer les bruits des bottes. Une bonne entente avec les voisins devrait s’accompagner de la baisse des dépenses militaires au profit des actions productives du bien-être burundais. Cette relance économique devrait aussi profiter des aides internationales qui seront débloquées après les élections.
Profitant de cette croissance, l’Etat
devrait moderniser l’agriculture sans pour autant imposer des moyens très
modernes dont l’utilité ne serait pas comprise par les paysans burundais. Il
suffirait d’introduire de nouvelles variétés de plantes, d’instituer un système
de deux récoltes dans les marais, etc…
Les fruits de la croissance économiques sont à partager. Il serait malhonnête de la part des dirigeants s’ils ne pensaient pas à une redistribution des fruits de cette relance. Un système social devrait permettre d’assurer la gratuité des études et des soins de santé des plus démunis et des orphelins de la guerre.
Une réforme du système burundais de cotisations sociales s’impose. Actuellement, le plafond de cotisation est fixé à 80 000 FBU. Seule la tranche A supporte la cotisation salariale de l’INSS de 3% et celle patronale de 5, 50%. Le salarié cotise uniquement à l’INSS pour la retraite.
L’impôt à la source est calculé sur le salaire brut déduit des cotisations sociales salariales. Les frais de logement sont imposés à 10% tout en sachant que le logement peut atteindre au maximum 70% du salaire de base. Prenons l’exemple d’un salarié par exemple, sauf erreurs et omissions. Soit un salaire brut de 170 000 Fbu. On peut changer son salaire brut en salaire de base de 100 000 frs et considérer les 70 000 frs comme les frais de logement. De ce fait, il aura un salaire imposable de 100 000 frs auquel on ajoute 7 000 frs (10% du logement) et déduit de 2 400 frs(3% du plafond de cotisation donc, 80 000 frs). Pour un salaire brut de 170 000 frs, son salaire imposable sera de 104 600 frs.
Le plafond fixé à 80 000 frs est un cadeau destiné aux mieux payés. En l’absence des cotisations sur les autres tranches, ce plafond devient une injustice sociale contre tous les démunis. Le plafond de cotisation devrait concerner une tranche A et la tranche supérieure devrait supporter un autre taux de cotisation.
La possibilité de transformer une partie du salaire en aide au logement exonérée d’impôt à hauteur de 90% tout en sachant que cette part de logement dans le salaire peut atteindre 70% de la base est en quelque sorte une fraude fiscale décrétée par l’Etat. La part non imposable constitue un montant important pour les gros salaires.
Le salarié burundais dispose très peu d’avantages sociaux. Il ne dispose pas d’une assurance chômage, ni de remboursement de frais de santé. La mutuelle, appelée à tort comme telle, ne rembourse pas la totalité des frais. Le monopole de cette mutuelle ne permet pas la baisse des cotisations et l’augmentation du niveau de remboursement. Aucune caisse d’aide familiale n’existe.
Le paysan burundais ne bénéficie pas de la répartition des revenus indispensables pour une harmonie nationale. Les salariés ne cotisent pas à une caisse de solidarité générale pour aider les personnes pauvres.
En comparaison avec le système français, le salarié burundais cotise 18% de moins que son collègue français. Ce dernier finance la solidarité nationale à 8% de son salaire brut.
L’augmentation des cotisations sociales est une mesure qui mécontente les salariés. Par ailleurs, en définissant les contreparties de cette augmentation, la mesure pourrait être acceptable.
Dans le but de financer la carte de santé pour tous les burundais, une nouvelle cotisation devrait être instituée pour 4% de part salariale et 6% de part patronale sur la totalité du salaire. Tout revenu autre que salarial devrait supporter une contribution sociale de 4%. L’Etat devrait alors permettre une concurrence des sociétés qui vendent des assurances mutuelles, en complément de la carte de santé. Chaque salarié pourrait souscrire à une mutuelle selon son choix ou son revenu.
Pour les personnes non salariées, des cartes de validité annuelle, renouvelables, devraient être proposées selon les revenus soumis à une vérification annuelle. Elles pourraient être en fonction de l’activité exercée. Pour les commerçants, la cotisation pourrait être en fonction des revenus imposables. Pour les agriculteurs et les petits artisans, deux niveaux devraient être institués. Il y’aurait une catégorie de gens pauvres qui recevraient des cartes gratuites. Cette carte devrait être valable aussi dans le privé
La retraite perçue par les salariés n’est pas suffisante pour un salarié qui a travaillé toute sa vie.
L’augmentation du niveau des retraites ne peut se faire sans une augmentation des cotisations.
Le plafond de l’INSS devrait être fixé à 120 000 frs et une autre cotisation sur la tranche supérieure pourrait être fixée au taux de 5% de part salariale et 6% de part patronale. Une autre caisse de retraite devrait être créée pour casser le monopole de l’INSS. On réserverait à l’INSS la branche des cotisations maladie et les remboursements liés aux frais de santé.
Une caisse de solidarité nationale devrait être créée pour permettre de financer les dépenses sociales des démunis. La solidarité nationale pourrait alors se concrétiser en acte.
Elle pourrait gérer des cotisations de 0, 50% sur tout revenu (salarial, financier etc..).La gestion devrait- être confiée à des organisations syndicales et patronales à égalité.
Pour une bonne gestion, les caisses sociales, en commençant par l’INSS et celles qui seront créées devraient être sous la responsabilité collégiale des syndicats et du patronat. L’état ne devrait plus nommer les directeurs des caisses. Des audits très stricts devraient être faits par des cabinets indépendants, réputés pour leurs compétences.
La bonne volonté, l’intégrité des dirigeants devraient permettre de relancer l’économie du Burundi. Il faudrait aussi le dynamisme des entrepreneurs et la confiance des consommateurs pour rendre durable cette croissance économique.
Le sujet de la relance économique est inépuisable. Il suffit de contribuer par les idées. Il appartient aux politiciens de les étudier pour savoir qu’est ce qui est bon pour le peuple ou pas. La démocratie étant le pouvoir du peuple et pour le peuple, pouvoir qu’il exerce par ses représentants dûment mandatés, alors pouvons-nous espérer que ses dirigeants appliquerons une politique qui favorise le peuple.
Entre la théorie et la pratique, il y a un océan, dit-on. Espérons que l’océan ne séparera pas le peuple des dirigeants.