RENCONTRE DE M. HUSSEIN RADJABU, SECRETAIRE DU CNDD-FDD, ET LA DIASPORA BURUNDAISE DE FRANCE

Par Gratien Rukindikiza

 

Ce vendredi 25 février 2005, le secrétaire général du CNDD-FDD a rencontré les burundais de France. La rencontre  a débuté à 18 hrs. Après les présentations et le mot de circonstance du représentant du CNDD-FDD en France, Jean de Dieu Hatungimana, Radjabu a d’abord remercié  les burundais d’être venus nombreux à  cette rencontre.

De passage à Paris en retour d’une mission de son parti qui l’a conduit à Rome, il  a voulu rencontrer les burundais de France pour les saluer et échanger. Le CNDD-FDD a été présenté par le pouvoir comme un mouvement terroriste, ennemi du pays. La diabolisation faisait partie de cette guerre.

Il a parlé de la création du CNDD-FDD en réfutant les idées reçues qui disent que c’est Nyangoma qui a créé le mouvement CNDD. En 1993 et en 1994, certains hutu ont tué des tutsi, certains tutsi ont tué des hutu selon la force des uns et des autres. Le CNDD-FDD, d’après Radjabu, reconnaît qu’il n’y a pas d’ethnie des tueurs. L’ethnie ne tue pas, c’est le mauvais pouvoir qui tue. Il a dit qu’il y a eu exclusion, les hutu exilés par le pouvoir se méfiaient des tutsi exilés et vice-versa alors qu’ils sont tous des exilés du pouvoir au lieu d’être solidaires.

A Arusha, le CNDD-FDD n’avait pas sa place car les partis politiques étaient organisés par groupes ethniques. Le CNDD-FDD n’avait pas les mêmes idées que le Frodebu et a toujours refusé une alliance avec ce parti. A Arusha, c’était le partage des postes et non le règlement du conflit armé.

Le secrétaire général du CNDD-FDD a insisté sur les vrais problèmes du pays. Les Burundais ne doivent pas oublier  le passé, 1972, 1988, 1993, etc…Les politiciens burundais ont été maladroits. Les uns et les autres ont voulu garder ou arriver au pouvoir en sacrifiant le peuple. Il a critiqué la gestion de la crise de 1993 par le Frodebu en soulignant que l’assassinat d’un Président ne devrait pas déclencher des tueries des innocents. Les gens qui se réclament d’avoir créé le CNDD-FDD étaient au club des vacances au moment où les burundais s’entretuaient. Les hutu et les tutsi ne devraient pas s’entretuer  car ils ont les mêmes problèmes.

Aujourd’hui, le pays est dans la phase de l’application des accords. Certains politiciens font une mauvaise interprétation des accords. Chacun a sa place dans ces accords. Par ailleurs, chacun reçoit les responsabilités selon son importance. Par exemple, Mugabarabona réclame 3 généraux alors qu’il a 69 combattants. Il doit expliquer comment 69 combattants peuvent être commandés par 3 généraux. Ses hommes auront les grades comme les autres en fonction des unités à sa disposition.

Les problèmes d’harmonisation des grades ont été réglés. Chacun sera gradé en fonction des combattants qu’il a dans son unité. Il reste toujours des problèmes de nomination dans le secteur des renseignements. Le pouvoir ne veut pas appliquer les accords qui répartissent les postes de la documentation à raison de 65% pour l’armée(FAB) et 35% pour les FDD. L’autre problème non réglé est celui des sociétés para-étatiques. Le CNDD-FDD devait avoir 20% mais il n’a même pas 10%.

Concernant la constitution intérimaire du Burundi, le CNDD-FDD a refusé le changement quoique le texte mérite des corrections les années à venir. Le processus en cours est lent du fait que le Président de la CENI travaille en connivence avec le Président de la République. Aujourd’hui, des divergences existent entre le Président de la République et celui de la CENI. Ngarambe qui dirige la CENI est convaincu que les élections peuvent se tenir jusqu’à fin mai 2005. Or, le Président de la République souhaite reporter les élections à fin août 2005.

Pour le CNDD-FDD, la victoire est déjà là, selon Radjabu, car il y a la paix, une entente parfaite entre les FDD et les Forces Armées Burundaises (FAB). Le parti CNDD-FDD est fier de cette collaboration parfaite au niveau militaire.  Les problèmes restent politiques.

Concernant les questions liées à la corruption, aux migrations politiques vers le CNDD-FDD de certains politiciens des autres partis et de l’entente au sein de l’armée, le secrétaire général a expliqué que les burundais doivent se battre pour la bonne gouvernance. Les citoyens ont été laissés à eux-mêmes, le pouvoir les a abandonnés. Il a aussi exhorté les gens à ne pas chercher des postes en mettant en avant leurs ethnies. Si quelqu’un raisonne en termes d’ethnies, il ne pourra jamais développer le pays. Il est ridicule de raisonner en termes d’ethnies au moment où on parle d’intégration régionale. Le pays doit être uni pour peser sur la scène internationale.

Certains politiciens des autres partis ont adhéré au CNDD-FDD parce qu’ils sont convaincus de l’idéologie, d’autres étaient déjà des militants  clandestins et d’autres ont des intérêts particuliers. Il appartient au parti de gérer les ressources humaines. Il a insisté aussi sur la continuité de l’Etat en critiquant les pouvoirs qui renvoient des équipes techniques qui maîtrisent les dossiers. Ce n’est pas parce qu’un parti a la majorité qu’il doit tout changer. Ce n’est pas non plus qu’on se réclame démocrates souvent à tort qu’on peut tout se permettre. L’exemple frappant est la spoliation des terres. Le Frodebu est en phase d’atteindre ce que l’Uprona a fait en 30 ans.

Au niveau de l’armée, Radjabu a révélé que les militaires des FAB ont contribué financièrement et matériellement plus que les autres. Il a parlé de la tactique pour ravitailler les FDD en munitions par les FAB. Les FDD attaquaient une position en tirant en l’air et les militaires se repliaient en laissant sur place des caisses de munitions destinées aux FDD. Quand les accords ont été signés à Prétoria, les FAB et les FDD se sont embrassés sur le terrain. Cela ne pouvait pas être possible sans une entente avant les accords. Il a aussi révélé que les FDD disposaient des amis colonels au sein de l’armée au nombre de 17. Pour quelqu’un qui connaît l’armée burundaise, ce chiffre est assez impressionnant. Disposer d’une collaboration de 17 colonels au moment où ils étaient dans la rébellion était un pas important dans la future réconciliation et formation des forces de défenses nationales.

Concernant la question de la commission vérité et réconciliation, il a souligné que la mission est faussée d’avance car ce sont le Président et le vice-Président qui vont nommer la commission. Par ailleurs, chacun devra avoir le courage de comparaître et de s’expliquer. Il a dit qu’il faut une commission pour construire et non pour se venger. Il y aura aussi beaucoup de dossiers.

Concernant l’économie, il a demandé que les étudiants finalistes ne pensent plus à l’Etat. Il faut surtout promouvoir l’activité privée. Les idées peuvent venir aussi des burundais de l’étranger.

Pour terminer, il a parlé de la place du Burundi dans le concert des nations. Il est ridicule de voir un Président partir en mission pour rencontrer un maire d’une petite ville ou un fonctionnaire d’un ministère ou un ministre. Le Président doit se faire respecter et imposer d’être reçu par des personnes de son rang. Si les autres Présidents des pays voisins y arrivent, le Burundi doit aussi y arriver.

Il a parlé aussi des bonnes relations avec le Rwanda malgré les émissaires du Frodebu qui avaient, à une certaine époque, été voir le Président Kagamé pour lui dire que les FDD se battaient avec les Interehamwe pour conquérir le Rwanda après le Burundi. Le CNDD-FDD a démenti et a donné des assurances au Président Kagamé.

A la fin de la réunion, j’ai constaté que le discours avait plu aux burundais présents. Pourtant, c’était un exercice difficile d’autant plus que plus de la moitié de la salle n’était pas du CNDD-FDD. Radjabu a prouvé que son parti condamne le discours ethnique. La parfaite entente au sein de l’armée rassure beaucoup de gens. La maîtrise des problèmes burundais a été nette. Il a    prouvé qu’il connaissait parfaitement les réalités burundaises. Les questions ont été franches et courtoises, souvent même  sous forme de conseils. J’ai entendu deux fois des intervenants qui posaient des questions qui devraient être posées à un Président élu. Sans aucun doute, le discours de Radjabu a mis la barre haute qu’il a placé la considération de son parti comme le futur véritable détenteur du pouvoir.

L’Uprona et le Frodebu ont démontré leurs lacunes et surtout leurs faiblesses. Le Burundi a besoin d’une nouvelle force sans pourtant donner carte blanche. Le pouvoir appartient au peuple. Celui qui a l’honneur de le recevoir doit l’honorer et respecter les intérêts du peuple. Si les futurs dirigeants se mettent à construire des buildings au moment où le peuple meurt de faim et de maladie, le peuple aura fait un mauvais choix et le pays ne sera pas fier d’être représenté par de tels politiciens.