RENTABILISER LE MILITANTISME NE FERA QUE RUINER LE BURUNDI
Par Gratien Rukindikiza
Burundi news, le 22 octobre 2005
Tout parti a besoin des militants qui aident à faire de la propagande, à donner des idées pour faire avancer le parti, à cotiser, des fois même à faire le nombre pour impressionner les autres partis. Bref, les militants sont toujours indispensables. Ils sont aux partis ce que sont les soldats à l’armée. Le recrutement des militants a été quelques fois dangereux, il y a eu des morts, sans parler de blessés. Il y a eu de la haine dans des familles en raison des appartenances politiques divergentes. Celui qui estime qu’il a plus milité que les autres ou qui est parmi le plus ancien des militants se comporte souvent comme le militaire le plus ancien.
Le CNDD-FDD est arrivé au pouvoir après une dizaine d’années de maquis. Des milliers de combattants sont morts au combat, d’autres milliers sont des handicapés, des blessés etc… Les chanceux ont survécu jusqu’au cessez-le-feu. Certains ont rejoint l’armée, d’autres ont été démobilisés avec en poche quelques centaines de milliers de francs Bu. Je ne parle que de ceux qui ont fait la guerre ; ceux qui ont contribué à ce que le CNDD-FDD soit là où il est. Sans leur contribution, le CNDD-FDD serait au même niveau que le parti de Mugabarabona ou Ndayikengurukiye. Le travail des combattants a été capital.
A côté des combattants, il y a eu des militants civils. Parmi eux, il y a ceux qui ont le plus chanté qu’ils sont au CNDD-FDD plus qu’ils ont apporté au parti. Ils ont même cotisé pour garder leurs noms sur les fameuses listes du parti. Il y a d’autres qui ont réellement travaillé en mobilisant les burundais, qui ont milité pour un avenir meilleur des burundais.
Parmi tous ces militants, les motivations ont été nombreuses. Certains ont voulu faire avancer la cause burundaise, la bonne gouvernance. Ils ont contribué réellement à la fin des divisions ethniques, régionales et autres. Ils l’ont fait dans l’espoir de sauver le peuple burundais. Ils l’ont fait en leur âme et conscience. Le peuple burundais en est conscient. Si les divisions ethnistes ont tendance à disparaître depuis l’arrivée du CNDD-FDD au pouvoir, c’est qu’il y a eu un travail de masse, un travail d’éducation fait par certains militants du CNDD-FDD.
Il y a d’autres qui sont entrés au CNDD-FDD parce qu’il fallait être dans l’équipe qui a les chances de gagner afin de bénéficier des miettes du gâteau. Certains ont voulu même marquer les esprits en essayant d’impressionner pour racheter les années de retard. Quelques uns y sont parvenus et ont décroché des places enviables dans l’attribution des postes.
Les militants les plus « clairvoyants », les arrivistes, les profiteurs ont compris que l’Etat est comme une vache à lait. Plus on se montre, plus on aura la part du gâteau. Le partage des postes n’a pas permis à ceux qui voulaient demander plus de le faire. Il paraît qu’il était impensable de se présenter chez Radjabu, président du parti, pour négocier un poste. Au moins, il y aura eu un respect et une absence de sit in devant les permanences pour réclamer des postes.
Les profiteurs ont eu l’idée de rentabiliser leur militantisme ou leur cotisation. Aujourd’hui, ils veulent s’attribuer des marchés de l’Etat de gré à gré pour se partager le trop perçu au détriment de l’Etat. Les exemples sont déjà éloquents. D’autres veulent s’attribuer les marchés publics pour livrer ou faire telle ou telle autre prestation pour l’Etat sans disposer de compétences nécessaires, juste pour s’enrichir.
Si la direction du parti ne prend pas garde, un groupe de quelques individus décidés à s’enrichir au détriment de l’Etat est entrain de voir le jour. On a parlé de nouveaux riches issus de la crise, bientôt, on aura les nouveaux riches sortis du phénomène de la rentabilisation du militantisme CNDD-FDD.
Ce phénomène pourra être marginalisé d’autant plus que le Président de la République est réputé honnête et intègre. Son exemple pourra empêcher ses collaborateurs et ses ministres de plonger dans la corruption. Toutefois, si son entourage et ses ministres jugent que le Président incarne un pouvoir faible, qui ne réagit pas en cas de corruption, la corruption ne fera que s’accentuer.