LES REVELATIONS SUR LE FAUX PUTSCH ET L'EMPRISONNEMENT DES JOURNALISTES 

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 13 novembre 2007

Les historiens aiment dire que l'histoire connue cache souvent une histoire cachée. La critique historique sert à vérifier certaines fausses vérités qui passent pour des vraies. Au Burundi, certains événements restent mystérieux ou mal compris faute des informations suffisantes. Depuis l'arrivée du CNDD-FDD au pouvoir, deux événements ont beaucoup marqué la politique burundaise. L'emprisonnement de l'ancien Président Ndayizeye, son ancien vice-Président Kadege et d'autres faux putschistes et aussi l'emprisonnement des journalistes. Ces deux emprisonnements ont défrayé la chronique. Personne n'aurait parié sur un centime que ces événements pourraient se passer. Pourtant, l'impensable a été réalisé.

Ces deux événements ont suscité notre attention. Nous avons voulu en savoir plus et nous avons voulu aussi informer les Burundais sur les vrais mobiles de ces emprisonnements, ceux qui les ont commandités et leurs dénouements.

Pourquoi et qui a ordonné l'emprisonnement des faux putschistes? 

Au commencement, il y avait l'entrée du CNDD-FDD au gouvernement. Le président du CNDD-FDD, Pierre Nkurunziza sortait fraîchement des maquis. Le Président Ndayizeye l'a nommé comme ministre d'Etat chargé de la Bonne gouvernance et de l'inspection de l'Etat. Le ministère était taillé à la mesure de l'ancien maquisard. Le ministre d'Etat Nkurunziza a passé plusieurs mois sans bureau. Il a pris cette nomination sans moyens comme une humiliation. Depuis ce moment, il a promis de se venger.

Après la victoire du CNDD-FDD, le Président Nkurunziza a gardé la rancune. Il a juré de se venger et il a cru que la voie d'un faux putsch était la mieux appropriée. C'est ainsi qu'au cours du mois de février 2006, il a commencé à préparer les esprits en affirmant devant les officiers de la police à Karuzi qu'un putsch était en préparation sans donner des détails. Il y a eu des démentis et des affirmations contradictoires et les Burundais ont pensé qu'il s'agissait d'une mauvaise communication du Président. La décision étant prise, Willy Nyamitwe de la Présidence a été dépêché  par le Président auprès de la  Documentation nationale pour préparer ce faux putsch avec de faux documents. Le parti CNDD-FDD dirigé par Radjabu a suivi le mouvement en apportant ses affirmations de l'existence des documents. Le parti devait surtout préparer les militants pour qu'ils croient à un vrai putsch. La décision de ces emprisonnements a été prise au départ par le Président Nkurunziza et Radjabu a suivi le mouvement au niveau de la conception. Les ordres directs se passaient surtout du Président à son conseiller Willy Nyamitwe qui était souvent à la Documentation qu'à la Présidence.

Les arrestations ont posé des problèmes. La ministre de la justice ne voulait pas les arrêter car elle est proche de l'ancien procureur général Ngendabanka, alias Forty, lui proche de Ndayizeye. Le Président Nkurunziza lui-même a téléphoné maintes fois à la ministre de la justice lui demandant pourquoi les Ndayizeye , Kadege et cie ne sont pas encore arrêtés. Devant son refus, le Président a menacé de la limoger et de la remplacer par la Présidente de la cour suprême. Face à la menace du limogeage, la ministre a accepté les ordres du Président et les magistrats ont signé les mandats d'arrêt. Les Burundais se souviennent de la torture infligée à Kadege, Ndayizeye a failli connaître le même sort. Les tortures n'étaient pas destinées à le faire avouer mais de lui infliger une punition sur l'histoire des bureaux manquants au ministre d'Etat Nkurunziza.

Les listes ont été confectionnées pour arrêter des gens qui ont fait du tort aux yeux du CNDD-FDD. Des officiers au nombre de 30 devaient être arrêtés pour avoir lancé des bombardements contre les FDD. Ils ont eu la vie sauve grâce au refus du ministre de la défense Niyoyankana qui savait déjà que le putsch n'était qu'un montage. Seul le colonel Ndarisigaranye a été arrêté dès les premiers jours parmi les officiers.

La libération des faux putschistes

Après l'emprisonnement des faux putschistes, les pressions n'ont pas manqué. De la communauté internationale à la population, le Président Nkurunziza ne savait plus quoi dire. Il prétendait qu'il y avait des preuves du putsch et a même imploré Dieu alors qu'il savait bien que c'était son montage. La pression la plus déterminante a été celle de Louis Michel, le commissaire européen à la coopération. Le Président Nkurunziza lui avait promis de les libérer. Après deux semaines, il a été relancé et a encore promis. Il s'est heurté alors à un autre courant au sein du parti CNDD-FDD. Ce courant était celui de Radjabu, président du CNDD-FDD à ce moment. Il disait que, pour que le pouvoir et le parti s'en sortent tête haute, il fallait un jugement et les gracier  le lendemain. Contre toute attente, sous la pression, la date limite de la promesse étant arrivée, le Président Nkurunziza demanda à la ministre de la justice de les libérer avant le jugement. Fureur au CNDD-FDD, surtout chez les cadres qui croyaient à un vrai putsch.

L'emprisonnement des journalistes

Encore une fois, la décision a été prise par le Président de la République. Radjabu a hésité et a convoqué une réunion à la permanence du parti CNDD-FDD. Deux courants s'opposaient. Karenga soutenait l'emprisonnement des journalistes qui avaient diffusé une nouvelle d'une simulation d'attaque du palais présidentiel. Ngendahayo Jean Marie s'opposait à cet emprisonnement avec acharnement. Les deux hommes ont failli en venir aux mains au cours de cette soirée. Selon  un témoin sur place, Radjabu ne s'est pas prononcé et avait laissé les discussions pour en retirer une décision du parti. A la fin de la réunion, la décision prise était de ne pas les emprisonner. Depuis cette réunion, aucune autre réunion n'a eu lieu.

Du côté de la ministre de la justice, l'emprisonnement des journalistes a été faite aussi sous la pression  du Président de la République.  Deux journalistes de la RPA et un journaliste de Bonesha ont été emprisonnés et d'autres ont pris la fuite.

Une libération qui a surpris le Président Nkurunziza et Radjabu

Comme les putschistes, la libération des journalistes devait passer par le jugement et la grâce présidentielle.

Le Président Nkurunziza chargea son conseiller principal Mpozagara de rédiger son discours que le Président prononcera à la radio au moment où il graciera les journalistes. Mpozagara en a parlé aux magistrats à qui il demandait de les condamner pour que le Président les gracie après. Mécontents d'assumer le mauvais rôle et d'encourir les critiques des journalistes, les magistrats, à la surprise de tout le monde, ont libéré les journalistes. Le Président Nkurunziza et Radjabu étaient furieux mais les journalistes étaient déjà libres et la relaxe était prononcée. Cette libération explique l'acharnement du procureur de Bujumbura qui a fait appel et qui recommence à instruire un dossier déjà jugé. Les trois journalistes libérés sont aujourd'hui souvent convoqués chez le procureur de Bujumbura pour la  même affaire jugée.