RUMEURS DE PUTSCH AU BURUNDI, INTOX OU REALITE ?

 

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 02 novembre 2005

Est-ce que l’histoire se répète ? Les historiens diront non. Certains événements contredisent les historiens. Ils peuvent se  répéter   mais dans un contexte différent. Il y a eu la première guerre mondiale. La création de la Société des Nations (S.D.N.) avait pour but d’éviter une nouvelle guerre mondiale. Pourtant, elle a eu lieu en 1939 en causant beaucoup plus de dégâts humains et matériels que la première. Les hommes et les femmes sont les moteurs de l’histoire. Ils sont capables d’entretenir la paix dans le monde comme ils peuvent détruire l’humanité.

Au Burundi, tout commence par des rumeurs. Les rumeurs deviennent de vraies rumeurs avec beaucoup plus de précisions souvent prises à la légère. Quand les rumeurs deviennent réalité, les burundais se demandent pourquoi ne les ont-ils pas prises au sérieux. En 1972, tout a commencé par des rumeurs, en 1988 comme en 1993. En 1993 précisément, les rumeurs de putsch étaient prises à la légère surtout à la Documentation. Le jour J, le Président était démuni sans mesures extraordinaires prises. Pourtant, la rumeur était devenue une information plus vérifiée dans la rue que dans les bureaux de la Documentation nationale.

12 après, un Président a été élu par le Parlement et le Sénat réunis en congrès. D’après la constitution, il a un mandat de 5 ans et aucune institution n’a le pouvoir de le forcer à quitter la Présidence. Le Président Ndadaye avait aussi plus de pouvoir d’action car il n’était pas tenu à des proportions à garder dans le gouvernement. Les putschistes n’ont pas hésité à le tuer après une période de plus d’un mois de rumeurs.

Les rumeurs disent qu’il y a déjà 3 tentatives des coups d’Etat. Des rumeurs disent qu’un putsch se prépare. Faut-il les prendre au sérieux ou les minimiser ? Est-ce que le rapport des forces peut permettre un putsch ?

L’histoire burundaise nous apprend qu’il ne faut jamais minimiser les rumeurs de putsch. L’ancien Président Buyoya n’a jamais minimisé ces rumeurs. Le Président Ndadaye les a minimisées. Malgré la présence dans l’armée des anciens FDD, le Président Nkurunziza doit prendre des mesures exceptionnelles pour sa sécurité, et partant celle des burundais.

Aujourd’hui, la donne au sein de l’armée a changé. Le CNDD-FDD ne s’est pas donné tous les moyens nécessaires pour s’assurer d’un bon contrôle de l’armée. Il n’a ni le poste de ministre de la défense, ni celui de l’Etat Major. Un putsch dans le sens du terme ne peut pas se concevoir maintenant. Tout changement à la tête de l’Etat ne peut profiter qu’à certains membres du CNDD-FDD d’autant plus que le Président serait élu par le Parlement et le Sénat réunis. Ces deux institutions sont dominées par le CNDD-FDD.

 Si les rumeurs persistent, il ne faudrait pas oublier la piste interne au sein du parti. Le Président Ndadaye n’y a pas pensé et a donné beaucoup de pouvoirs à ceux qui s’associeront plus tard aux putschistes. Le parti doit canaliser autrement les mécontentements internes, s’il y en a, surtout au sein des officiers issus du CNDD-FDD pour éviter qu’ils soient manipulés par d’autres personnes.

Ce soir, au mess des officiers à Bujumbura, la rumeur parle d’une coalition de certains officiers ex-FAB et ex-FDD. Tout le monde veut savoir les noms sans y arriver. Certains pensent que la rumeur  proviendrait même d’un officier travaillant à la Présidence de la République.

Par ailleurs, il n’ y a pas de rumeurs sans base. Certains parlent aussi d’une coalition hétéroclite passant du FNL à certains partis politiques  ayant des députés au Parlement.

Le grand danger actuel pour le pays est l’assassinant du Président. Il appartient au corps de sécurité, à la documentation de faire tout pour protéger le Président. Pendant cette période de rumeur, les déplacements du Président ne sont pas les plus indiqués pour concentrer la sécurité dans des lieux dont la reconnaissance et la maîtrise du terrain par la sécurité présidentielle sont parfaites.

Espérons que les rumeurs restent des rumeurs. Le Burundi a besoin de paix. Le pouvoir peut aussi s’interroger sur son action pour comprendre qu’il ne peut pas changer de cap, voire d’équipe. Il pourra  ainsi donner du tonus à son action et détourner l’attention pour  plus de maîtrise de la situation.