Note de la rédaction : Cet article est repris sur le site Burundi bwacu.

Que se cache-t-il derrière le trio Nkurunziza-Radjabu-Rurimirije ?

mercredi 29 novembre 2006.
 
 

Découverte d’un empire politico-financier aux ramifications insoupçonnées.

"Quand un Prince donne du crédit au menteur, tous ses Ministres deviennent des menteurs", Proverbe 29, 12

par Biduda Joseph.

Dans son reportage sur la rencontre du Président Nkurunziza avec la communauté burundaise établie au Benelux, le 18 Novembre 2006, à Bruxelles, Daniel Kabuto souligne entre autres :

"A la diaspora burundaise, le président de la République demande de produire des oeuvres d’intelligence et de se sentir d’abord fils du Burundi et plus jamais réfugiés ou expatriés. Le président Pierre Nkurunziza encourage clairement ses compatriotes à aimer le pays et à bien parler de lui et cela malgré les différends qui peuvent exister entre individus.

Le président de la République invite alors, séance tenante, monsieur Jean Marie Rurimirije à bien vouloir venir se tenir devant l’assemblée. Et le président Pierre Nkurunziza de déclarer : « Nous vous avions honoré et nous tenons encore une fois à vous citer en exemple pour que la diaspora comprenne que nous sommes déterminé à encourager, à honorer et faire la publicité des membres de la diaspora qui se dévouent d’une manière remarquable pour leurs compatriotes restés au pays.

Nous aimerions ici encourager les Burundais de Belgique à faire en sorte qu’il y ait plusieurs Rurimirije ! Descendez souvent voir votre pays, intéressez-vous à vos communes d’origine, cherchez des jumelages pour elles ou pour leurs écoles secondaires avec des communes ou des écoles d’ici ; venez développer des projets utiles ; bref, faites montre de patriotisme en ayant comme guides : l’amour de la vérité, l’amour de l’action, l’union et le sens de la solidarité. »

Au commencement était une conférence sur les migrations et le développement.

Mais avant le 18 Novembre, Mr Rurimirije avait déjà été au centre des attentions du pouvoir de Bujumbura, à l’occasion de la Conférence que, sous le Haut Patronage du Ministère burundais des Finances et avec la collaboration d’une pléthore d’Organisations et d’Associations nationales et internationales, il avait organisée sur la Migration et le Développement. A ce sujet, voici un extrait du compte-rendu de cet événement apparemment sans précédent dans les Annales de la République du Burundi :

"Les 17 et 18 juillet s’est tenue à Bujumbura à l’Hôtel Sources du Nil la Conférence sur la Migration et le Développement, Grands Lacs 2006.

Les plus hautes personnalités du Burundi ont tenu à rehausser de leur présence l’ouverture des travaux de la conférence. Il s’agissait véritablement d’une première à tous points de vue. Les Travaux furent ouverts par Son excellence Pierre NKURUNZIZA, Président de la République en présence des deux Vice-Présidents, du Premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale et de plusieurs membres du Gouvernement et du Parlement ainsi que des Gouverneurs de Provinces et de nombreux Représentants du Corps Diplomatique et Consulaire. Cela fut un grand encouragement pour les organisateurs qui, sans avoir bénéficié de grands soutiens financiers, ont dû porter à bout de bras cette initiative.

Le samedi 22 Juillet 2006 le Président de la République, Son Excellence Pierre NKURUNZIZA, a remis publiquement en Commune urbaine de KINAMA, le "Certificat de Mérite" ( valable à vie) à Monsieur Jean-Marie RURIMIRIJE, Président du Comité d’organisation de la Conférence. La décision du Président de la République avait été annoncée le 18 Juillet 2006 par Son Excellence Alice NZOMUKUNDA, Deuxième Vice-Président de la République, alors qu’elle procédait à la clôture des travaux de la conférence."

Des réalisations qui justifient la vénération ?

En relisant le récit de ces deux événements, je me suis demandé ce que sieur Jean-Marie Rurimirije peut avoir fait de si spécial pour notre pays, pour que le Gouvernement presqu’au complet, avec le Chef de l’Etat, le Parlement, le Sénat, le Corps Diplomatique, les Gouverneurs de Province, etc. aient fait le déplacement pour participer à la Conférence de Bujumbura. Et comme moi, beaucoup d’observateurs s’interrogent et voudraient découvrir les réalisations hors du commun de cet homme, pour qu’il soit cité en exemple par le Président Nkurunziza, après avoir reçu de ce dernier un "Certificat de Mérite", valable pour la vie. Or, et le Burundi tout entier est témoin, les milliers de vaillants combattants de la liberté tombés sur le chant d’honneur ou aujourd’hui démobilisés ou invalides attendront longtemps avant de se voir décerner pareil signe de reconnaissance.

Par contre, ce que tout le monde sait, c’est que Mr Jean-Marie RURIMIRIJE est en même temps Président de la Mutualité des Grands Lacs et Président du Conseil d’Administration de la MUTEC. Je me souviens alors que dès le début des activités de la Mutualité des Grands Lacs, Rurimirije a voulu être une alternative crédible au système "Western Union" pour le transfert d’argent, l’envoi du courrier ou de colis, en particulier entre l’Occident et notre Sous-Région. Ensuite, j’ai appris que la MUTEC, une véritable microfinance, était née et qu’elle ouvrait sans cesse des guichets au Burundi pour servir une clientèle qui augmentait à vue d’oeil.

Personnellement, quand bien même la qualité des services offerts par la Mutualité Grands Lacs et la MUTEC battraient tous les records, je ne verrais absolument rien d’extraordinaire à ce qu’un homme d’affaires mette sur pied un système même très efficace de transfert d’argent ou de communication. En effet, de même que je trouve assez banal qu’un architecte se construise une belle maison, ou qu’un chirurgien réussisse la souture d’une plaie ou une opération d’appendicite, j’estime qu’il ne faut pas être un génie pour créer une microfinance au Burundi, ou pour bien enseigner la chimie à l’aide de livres écrits par d’autres. Même si, aux dires de certains clients, l’argent envoyé via la Mutualité des Grands Lacs est systématiquement investi ailleurs avant d’arriver au destinataire !

A moins que Jean-Marie Rurimirije n’aient d’autres réalisations encore plus importantes à son actif et qu’il ne nous est pas permis de savoir, à nous le commun des mortels ! Mais si le Président de la République nous le cite continuellement en exemple, c’est certainement pour ce qu’il continue de faire suscite l’esprit d’initiative chez les citoyens qui en sont témoins.

Mais si, par hasard, il ne s’agissait que de la Mutualité des Grands Lacs et de la MUTEC, le moins que je dirais est que ce serait franchement un peu trop peu pour mériter tant de considération de la part de toute la République. Et comme il ne m’est pas permis de douter que le Président Nkurunziza ainsi que tous ceux qui s’emploient à projeter Rurimirije sur les devants de la scène nationale et internationale jouissent pleinement de leur bon sens, il ne me reste qu’à supposer qu’il y a un grand "non dit" sur les agissements de leur protégé.

Des relations, plutôt que des réalisations

Entretemps, en attendant que l’intéressé lui-même ou quelqu’un d’autre dissipe ces doutes, j’ai pu savoir que depuis belle lurette, c’est Mr Rurimirije en personne qui accueille et accompagne régulièrement l’Hon. Radjabu Hussein lors de ses passages fréquents à Bruxelles. Des sources dignes de foi confirment aussi que les deux hommes sont tellement liés qu’ils sont allés ensemble en Turquie pour négocier le marché des fameuses maisons préfabriquées par lesquelles l’amiante devait s’allier à la malaria et au SIDA, pour achever ceux qui ont miraculeusement survécu à la faim et à la guerre.

Tout récemment enfin, des voix insistantes au sein de cette même diaspora à laquelle le Président Nkurunziza présente Rurimirije comme un modèle à suivre, chuchotent que ce dernier n’est ni plus ni moins que l’intermédiaire par qui pourrait transiter éventuellement l’argent d’origine douteuse en possession de Radjabu Hussein, et qui est à la base du divorce fracassant entre ce dernier et le député Mathias Basabose, pour ne citer que lui.

De même, des observateurs attentifs relèvent que parmi les dernières nominations des hauts cadres du Ministère des Finances, figure en excellente position comme Directeur Général du secteur très stratégique des Marchés Publics, le propre parrain de mariage de Jean-Marie Rurimirije, Mr Simon Niyonkuru. Sans oublier qu’un certain Faustin, frère de sang de Rurimirije, travaille au Département des Impôts.. Last but not least, il semblerait que des clients de la défunte Banque Populaire du Burundi auraient été "invités" par quelqu’un qu’ils auraient peur de nommer, à aller déposer leur argent à la MUTEC de Jean-Marie Rurimirije.

Un homme d’affaire devenu très influent. Un peu trop, même. Gardons l’oeil ouvert.

J’espère, quant à moi, que dans tous les cas précités, il ne s’agit que d’une pure coïncidence. Cela étant et même s’il ne s’agit encore que des voix à vérifier avec beaucoup d’attention, Mr Rurimirije représente certainement quelque chose de bien plus consistant que le simple fait d’être le Président de la Mutualité des Grands Lacs ou du Conseil d’Administration de la MUTEC.

En d’autres mots et comme beaucoup d’autres burundais, je me contenterai de rester perplexe quant aux raisons véritables pour lesquelles le Président Nkurunziza recommande Rurimirije à une admiration qui frise la vénération de toute la Nation burundaise. En effet, le nom de Jean-Marie Rurimirije fait désormais partie des thèmes préférés par le Chef de l’Etat au cours de ses déplacements, soit à l’étranger comme aux USA, en France ou en Belgique, soit à l’intérieur comme à Kinama ou Bujumbura. Ce que je puis affirmer par contre, et même si le Chef de l’Etat s’en défend, c’est que cet ancien éléve de l’ITAB de Gitega est en train d’occuper la troisième place dans l’ordre protocolaire de la Nation, après le Président de la République et le Président du CNDD-FDD, et certainement avant les élus du peuple à tous les niveaux.

Ce qui, en système démocratique, devient fort troublant et ne peut rien augurer de bon pour notre République, dans ce sens que nous risquons de nous retrouver tous demain à payer les pots cassés, après avoir applaudi, à Bruxelles comme à Bujumbura en passant par Paris et Washington, quelqu’un qui nous cache la portée exacte de ses activités.

C’est si vrai que, selon des informations en cours de vérification, le nom de Rurimirije accompagnerait ceux de l’Hon. Pascaline Kampayano et de l’ineffable Dieudonné Ngowembona, ex-Ministre des Finances aujourd’hui Ministre du Plan, dans une affaire qui n’a pas encore fini de faire parler d’elle, et qui regarde l’achat de près de 200 véhicules de luxe pour le compte des Députés, Sénateurs et autres Honorables de la République. Bien plus, il semblerait que le même personnage ne serait pas étranger aux dossiers liés aux projets de construction d’un Aéroport International à Bugendana et d’un stade olympique à Kanyosha, à la vente tant décriée de l’avion présidentiel Falcon 50, ainsi qu’aux licenses d’exploitation du pétrole, du nickel et d’autres minerais. Bref, les questions ne manquent pas, les doutes et les craintes non plus.

Voilà pourquoi, pour éviter le pire, il convient que toute personne consciente du danger s’emploie dès aujourd’hui à découvrir la nature exacte des rapports entre la Présidence de la République d’une part et celle du CNDD-FDD d’autre part, avec l’homme d’affaires devenu par enchantement une des personnalités les plus en vue dans la République de Nkurunziza et de Radjabu.

Biduda Joseph.