LE RWANDA INQUIET

Burundi news, le 28/01/2011

Par Gratien Rukindikiza

La semaine dernière, plusieurs responsables de la sécurité des pays des Grands lacs se sont réunis à Kigali. La réunion était spéciale car c'est rare que le ministre de la défense, de la sécurité publique, le directeur général de la police, le directeur général de la PAFE, le directeur de cabinet de la Documentation, quelques hauts cadres de l'armée et de la police se retrouvent à l'étranger dans une même réunion. Le Rwanda tenait beaucoup à cette réunion. La sécurité était le point fort du Rwanda. Ce qui vient perturber cette sécurité touche à l'économie et au pouvoir de Kagamé.

A Kigali, préparer les esprits

A Kigali, les officiels rwandais devaient préparer les esprits pour une action future. Le danger se nomme général Kayumba, ancien bras droit de Kagamé et chef de l'armée. Kayumba disposerait de plus de 5 000 hommes au Kivu au Congo, selon Kigali. Ses hommes sont aguerris et il disposerait d'anciens hommes de Nkunda, emprisonné au Rwanda. Le général Kayumba inquiète Kigali d'autant plus qu'il dispose d'une grande popularité au sein de l'armée rwandaise.

Les Burundais et les Congolais ont appris que Rwasa disposerait des bases au Congo; une façon de leur faire comprendre que le combat est commun. C'est la première fois que les Rwandais organisent une telle réunion depuis l'arrivée au pouvoir du CNDD-FDD. Il est manifeste qu'il y a une volonté de coopérer au lieu de faire cavalier seul.

A Ngozi, passer à l'action

Après cette réunion, le Président rwandais s'est rendu à Ngozi pour rencontrer son homologue burundais. La rencontre a été à huis clos. La teneur des discussions devaient porter sur cette soi -disante  nouvelle menace. Comme c'est le Président rwandais qui a fait le déplacement, il va de soi que c'est lui qui avait un message ou une demande.

Les militaires burundais avaient accompagné les militaires rwandais dans la guerre du Congo. Ils sont réputés pour leur artillerie. Les Rwandais ont besoin de cet appui surtout dans les montagnes du Kivu. Les Rwandais passent aussi sur le territoire burundais pour attaquer le Kivu  sur deux fronts. Ils auront besoin, en cas d'attaque, de base arrière pour le ravitaillement, le recueil des blessés de guerre etc... Tout cela se négocie entre Présidents.

Si Nkuruziza promet l'appui de l'armée burundaise, il devra compter sur les militaires burundais qui ne sont pas très chauds pour suivre les militaires rwandais dans cette aventure au Congo. Il faut noter que l'inimitié entre les Présidents rwandais et ougandais prend son origine au Congo, plus précisément à Kisangani quand les troupes des deux pays alliés se sont fait la guerre. De plus, l'armée burundaise est dans une phase de reconstruction. Elle n'est pas mûre pour des opérations de ce genre à l'étranger. La présence en Somalie n'a rien de comparable avec une guerre au Congo.

Une bombe à la frontière du Rwanda

Quand Habyalimana était au pouvoir, les Rwandais de l'exil disaient qu'un peuple ne peut rester longtemps en exil. Maintenant, ces anciens exilés sont au pouvoir. Des millions de hutu, accusés collectivement, à tort de génocidaires, sont au Congo, pas  loin de la frontière du Rwanda. Il suffit de regarder la vérité en face. Que vont devenir ces millions de Rwandais? Que pense un jeune hutu né au Kivu en exil après 1994? Il sera bientôt majeur. Lui parler du génocide sera comme accuser les Allemands d'aujourd'hui de l'holocauste. Les hutus rwandais qui sont partis en 1994 à l'âge de 5 ans, 6 ans sont aujourd'hui des jeunes adultes qui peuvent faire la guerre. Ont-ils beaucoup à perdre? Le Rwanda se reconstruit économiquement. Si le Président Kagamé ne profite pas de cette embellie économique pour résoudre ce problème de l'exil de ces millions de Rwandais qui errent, qui souffrent dans ces montagnes du Kivu, la bombe explosera un jour au Rwanda. L'ancien Président Bagaza a commis un erreur politique monumentale quand il était au pouvoir. La croissance économique du Burundi n'a pas été exploitée pour régler la question ethnique burundaise. Les Burundais n'auraient  connu ni  Ntega Marangara, ni 1993-1994. En politique, une question se règle avant qu'elle soit posée. Après, c'est trop tard.

Si le général Kuyumba se coalise avec un groupe  de ces hutus qui n'a pas été impliqués dans le génocide, la donne peut changer. Elle changera d'autant plus si le pouvoir de Kigali durcit par rapport à ses opposants en interne. Les mauvaises relations entre le Rwanda et l'Ouganda n'arrangent pas les affaires non plus du Rwanda. Selon certaines sources, l'Ouganda pourrait armer une probable rébellion contre Kigali.

Personne ne peut sauver l'autre

Le Burundi et le Rwanda sont des pays voisins avec les mêmes peuples. La méfiance entre les deux peuples doit dater de Ntare Rugamba qui a agrandi les frontière burundaise au détriment du Rwanda. Il est difficile de voir une armée traverser la frontière pour aider une autre. Cette méfiance crée une incompatibilité sur le terrain. Le syndrome Kisangani ne serait pas loin. Ce sont deux peuples qui exposent facilement leur fierté. Toute intrusion, voulue ou pas d'une armée dans un autre pays, Rwanda ou Burundi, serait perçue par les peuples comme une invasion.