SAUVEZ LA POLICE BURUNDAISE!

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 20/04/2008

Le Burundi souffre d'une insécurité sans précédent. Elle est le fruit d'un catastrophe national qui se nomme la police nationale. C'est une grande malade qu'il faut soigner avant de penser  à lui confier le maintien de l'ordre et de la sécurité. Le ver se trouve dans le fruit. Les actes d'insécurité sont souvent l'oeuvre de la police nationale. Certains citoyens réclament le départ des positions de la police dans leurs quartiers pour retrouver la sécurité.

Comment la police nationale en est-elle  arrivée à ce stade?

La fusion catastrophique

Au commencement, il y avait la gendarmerie nationale qui dépendait du ministère de la défense nationale et qui avait une organisation et une discipline militaire. Elle avait ses missions de maintien d'ordre. A côté de la gendarmerie, il y avait la police municipale qui dépendait du ministère de l'intérieur, moins organisée que la gendarmerie mais mieux organisée que la police actuelle. Dans les accords de paix, il a été décidé de fusionner la police et la gendarmerie tout y intégrant les anciens rebelles. Il n'a pas été facile d'harmoniser les gardes, les fonctions, les salaires etc.. entre les anciens policiers et les anciens gendarmes. La direction générale de la police a été confiée à un général, ancien rebelle, qui ne connaissait ni l'armée, ni la police. Il n'a pas voulu associer de près les anciens gendarmes et policiers pour conduire avec succès cette mission délicate. Il s'est surtout occupé de la collecte de  l'argent de corruption des marchés publics  destinés à la logistique de la police.

Jamais, personne n'aurait pensé que la police aurait eu un officier incapable de lire ou d'écrire. Or, aujourd'hui, c'est le cas. Le CNDD-FDD a mis dans la police les nouveaux recrus en nommant au grade d'officiers certains illettrés alors que les officiers de la gendarmerie avaient terminé l'université. Il est difficile d'avoir les mêmes résultats quand on confie une même tâche à quelqu'un qui a de tel niveau d'études et qui a suivi pendant des années des formations de police ou de gendarmerie et à un autre qui n' a même pas été au  collège, sans aucune formation policière. Pire, ceux qui n'ont pas fait de formations n'ont pas adopté un profil bas et revendiquent connaître tel  ministre tel ou tel général. Une façon de faire comprendre qu'ils sont intouchables. Heureusement qu'il y a certains qui ont compris que le chemin de la sagesse mène loin et qui demandent à leurs collègues de ne pas être arrogants et se conformer aux usages du nouveau métier. Je loue plus particulièrement ce général qui est très apprécié et qui a pu apporter des bons conseils au bon moment. Il aurait pu être arrogant comme les autres mais il a préféré l'humilité malgré sa position. L'histoire le reconnaîtra.

Un commandement absent

Du temps du général Bunyoni, les policiers disaient que ce n'était pas son occupation l'organisation de la police. Après son départ vers le ministère de la sécurité publique, le général Ndayishimiye, alias Joke, ancien gendarme, a été nommé à la direction générale de la police. Cette nomination avait suscité de l'espoir. Un espoir vite déçu! La police de Bunyoni est restée égale à elle-même. Certains disent que Joke n'a qu'un rôle de figurant. Au lieu de se mettre à dos les généraux ex FDD, il préfère avoir la paix avec eux et garder son poste. Il a opté pour des missions successives à l'étranger pour fuir cette police moribonde. C'est ce qu'on appelle la fuite en avant. De toute façon, il retrouve à son retour la même police.

Les anciens gendarmes et policiers sont tellement démotivés qu'ils ne veulent pas prendre des initiatives qui les  mettraient au premier plan pour une porte de sortie ou une absence de promotion.

Les policiers absents dans la maintien de la paix en Afrique pour une histoire de jalousie!

La police compte plus de 120 officiers sans travail. Ces officiers se réveillent, restent chez eux, attendent un an, voire deux ans sans travail mais tout en étant payés. Pourtant, ce sont des officiers qui ont des compétences d'organisation dont la police a besoin qui restent chez eux. Avant, on parlait de placard. Aujourd'hui, le placard est devenu doré. Ceux qui restent à la maison l'envient.

Parmi les 120 officiers "consignés" chez eux, il y a 40 officiers de retour de Darfour au Soudan non affectés. Il y a aussi 20 qui viennent de rentrer et qui auraient dû soit être remplacés ou reconduits. Ils sont rentrés et n'ont pas été remplacés malgré la volonté de la communauté internationale.

La sélection de ces officiers se fait par concours préparés par des officiels internationaux. Les anciens FDD ont du mal à se faire sélectionner. Les anciens gendarmes et policiers sont les seuls à partir. Au lieu de laisser le deuxième groupe d'officiers partir pour Darfour ou la Côte d'Ivoire, le pouvoir du CNDD-FDD a préféré tout bloquer. Il perd ainsi les dizaines des milliers de dollars que ces officiers envoient à leurs familles dont les devises restent à la banque centrale. Pour une histoire de jalousie et d'insinuation des clichés ethniques de ceux qui partent, le Burundi sera absent à Darfour et en Côte d'Ivoire.

Une démobilisation ratée

La démobilisation à la police est un casse tête chinois. Ce sont surtout les anciens FDD qui sont démobilisés car il ne reste pas beaucoup d'anciens gendarmes et policiers. Parmi ceux qui restent, certains  ont des compétences particulières à tel point que leurs départs à la retraite sont reculés de plusieurs années. La police devra recruter les tutsi pour respecter les accords d'Arusha de 50 % de tutsi et 50 % de hutu.

Pour une brochette de viande refusée à un officier, un policier peut se faire renvoyé. Certains officiers de la police, anciens rebelles, n'ont pas l'habitude de l'administration ou ne savent même écrire. Ils infligent des jours de cachot aux policiers sans le marquer nulle part. D'autres vont jusqu'à inscrire des punitions non données pour pousser certains policiers à la démobilisation.  Il est très difficile de savoir qui est démobilisé pour des fautes réellement commises ou pas. C'est un véritable cafouillage qui a poussé un sous officier à s'exprimer sur une radio locale pour dénoncer ces abus.

Ces démobilisés se montrent aujourd'hui intraitables par rapport aux sollicitations du président du parti CNDD-FDD et au chef de la Documentation Nationale qui veulent les organiser en milices communales officieuses.

Qui pourra sauver la police? Seul le peuple pourra la sauver en choisissant d'autres dirigeants capables de prendre en main les problèmes de la sécurité et des corps de sécurité.