SAUVONS L'AGRICULTURE BURUNDAISE
Burundi news, le 12/02/2011
Par Gratien Rukindikiza
Depuis que l'homme existe, l'agriculture a été le métier de survie. Entendons aussi par l'agriculture la cueillette car il y avait aussi des techniques pour cueillir des fruits et des légumes. Très peu de pays ont pu se développer sans commencer par développer son agriculture.
La deuxième guerre mondiale a accéléré les méthodes culturales dans le monde développé par le biais des engrais chimiques et des tracteurs. En effet, les nitrates étaient en grande quantité à la fin de la deuxième guerre mondiale et ces produits servaient à des compositions pour les bombardements. Après la guerre, il fallait écouler le stocks des nitrates. Un phénomène a été imaginé. Développer l'industrie qui avait fait un essor pendant la guerre, rendre déficitaire l'agriculture et la subventionner pour qu'elle achète plus à l'industrie.
Aujourd'hui, des situations très étonnantes s'observent en Afrique. Au Sénégal, les pommes de terre qui inondent les marchés viennent du Nord de la France. Les tomates sénégalaises sont plus chères que les tomates françaises ou espagnoles en raison de ces subventions qui comblent les déficits des paysans.
Engrais chimiques, nouveauté dans l'agriculture burundaise
Les engrais chimiques sont comme ce nouveau médicament qui guérit la maladie dans l'immédiat mais qui réserve des surprises désagréables au corps les années suivantes. Les engrais chimiques bombardent le sol, le poussent à donner le tout en peu de temps. Habituer le sol d'engrais chimique est une erreur car en l'absence de ces engrais, le sol ne répond plus aux sollicitations. En plus, les engrais chimiques proviennent des produits pétroliers. Le pétrole a une durée de vie limitée. Que feront les agriculteurs? Les pays développés auront déjà inventé un nouveau produit de fertilisant. Mais ce produit arrivera en Afrique après des famines en l'absence de ces engrais qui bombardent le sol.
Les engrais chimiques ne font pas le bon ménage avec les insectes. Or, la terre en a besoin pour l'aérer. Ces engrais chimiques s'infiltrent dans la nappe phréatique. Notre cher paysan va chercher à la source de l'eau qui sort directement de la montagne sans filtre. Tôt ou tard, il aura dans son pot de l'eau polluée par ces engrais chimiques.
Lutter contre la famine avec des mauvaises armes
Les semences OGM et hybrides se développent. Certains pays européens résistent mais ces semences entrent en Afrique par la petite porte. Ces céréales résistantes aux bactéries sont comme des médicaments. En les mangeant, il arrivera un moment où certains médicaments ne pourront plus faire d'effet sur le corps humain. Des céréales OGM sont distribuées sous forme d'aide alimentaire dan certains pays africains. Les paysans consomment une partie et utilisent l'autre partie en semences. La terre produira une ou deux fois. La troisième fois, les OGM ne sortiront pas de la terre. Il faudra acheter aux industriels de nouveaux OGM ou semences hybrides. Les OGM ne pourront que faire récolter la famine.
Quelle agriculture adoptée?
Une question difficile. Les engrais chimiques sont achetés à l'étranger et le manque des devises étrangle le pays. Des méthodes existent pour fertiliser les sols. Les agronomes se contentent d'appliquer ce qui a été dit à l'université sans être créatifs.
Les Burundais qui ont des plantations de caféiers savent bien que le café a été le chouchou des pouvoirs. Les moniteurs agricoles visitaient régulièrement les plantations de caféiers des paysans. Les champs des produits vivriers ne les intéressaient pas. Il y a lieu de remarquer qu'ils ont privilégié une technique qui a fait ses preuves mais que les Burundais n'ont pas étendu aux autres plantations. Dans les caféiers, il n' y avait ni fumier animal, ni engrais. Il était interdit de retourner la terre. La terre était couverte de paille qu'il fallait renouveler chaque fois que l'épaisseur diminuait. Les mauvaises herbes ne poussaient pas et la fertilité sur cette terre couverte de paille était plus élevée qu'ailleurs. Les courges qui poussaient dans un caféier étaient impressionnantes (Malheur à celui qui était attrapé par le moniteur agricole).
La terre est très exposée à cette chaleur. L'eau coule et c'est l'érosion qui s'observe. Elle ne s'infiltre pas car le sol n'est pas accueillant. Par ailleurs, la paille retient l'eau et contribue à son infiltration dans le sol. Cette technique aurait dû servir à l'agriculture en général. Des agronomes sont au chômage au Burundi. C'est comme si on disait que les spécialistes de la climatisation sont au chômage en hiver en Europe. Ces agronomes ne manquent pas de travail. Travail rémunéré, oui, mais l'agriculture n'est pas ingrate. Ce sont les idées qui rémunèrent. Il semble que ces idées manquent au Burundi.
Haricot oublié!
Le haricot est ce qu'est la viande aux riches. Il contient des protéines. Nos paysans manquent de viande chère. Le haricot devait avoir la priorité sur les autres plantes. Or, cette plante ne figure pas dans les priorités du gouvernement. Pas de semences sélectionnées de haricots. On parle de manioc, de bananes, pomme de terre. Est-ce que nos dirigeants ne réfléchissent pas selon leur mode de vie?
La terre s'amenuise. Planter les haricots qui poussent jusqu'à 20 cm du sol est un gâchis. Les Rwandais l'ont compris. Les haricots grimpent sur de morceaux de bois de 2 m. La récolte de la région de Ruhengeri pourraient nourrir le Burundi. Les recherches issues des centres de recherche sont déjà chez les paysans.
Notre association Ubuvukanyi avait eu l'idée de fournir des semences sélectionnées de haricots aux ménages de la zone Muyebe, commune Kayokwe. Les Isabu de tout le Burundi étaient incapables de fournir une tonne de semences sélectionnées de haricots . Avec le financement de Naples, nous avons cherché ces haricots au Rwanda. L'association Ubuvukanyi vient de distribuer à 2 000 ménages les semences de haricots sélectionnés provenant de la région de Ruhengeri. Ce sont les mêmes haricots qui prennent de la hauteur jusqu'à 2 m. Des échantillons ont déjà prouvé que le sol de Kirimiro ne les impressionne pas.
Inutile de parler des tracasseries administratives du côté du Burundi. Au Rwanda, les papiers officiels pour sortir les haricots ont pris moins d'une heure. Au Burundi, une semaine entière pour avoir des documents douaniers, sans parler de ce douanier au Kanyaru qui a démontré que l'OBR a encore du pain sur la planche pour la corruption 0.
Si un kg de haricot planté sur 10 m 2 produisait 10 kg, avec cette sorte de haricots, ceteris paribus, (conditions climatiques et bon entretien), un kg occupera sur 10 m 2 produira 50 à 100 kg. C'est la seule façon de produire plus sur un espace réduit. Les terres manquent mais le nombre de paysans ne fait qu'augmenter. Demain, il faudra cultiver non seulement ces haricots grimpants mais aussi cultiver sur des niveaux à étages. Que font les Israéliens dans le désert? L'Europe importe des oranges d'Israël.
Un défi osé!
Je lance un débat que les "experts" pourront critiquer et c'est mon but. Ils pourront aussi me compléter. Je ne suis pas agronome mais le sujet me passionne en tant que paysan dans l'âme. Fils d'un paysan, ma seule richesse sur le sol burundais est ma terre familiale; donc le trésor qui doit nécessiter une réflexion.
La terre occupe 90 % de la population burundaise. Même ceux qui sont dans les villes ont souvent une terre qu'ils exploitent. Négliger cette partie de la population est une erreur intellectuelle pour l'élite burundaise. La terre burundaise n'est pas exploitée convenablement. Elle est pratiquement en jachère alors que des Burundais meurent de faim. La terre doit être cultivée en cycle continue avec des alternances des plantes. Ce ne sont pas les bras qui manquent mais des idées et une volonté politique.