AU PAUVRE LE SERVICE PUBLIC

Burundi news, le 08/05/2013

Par Gratien Rukindikiza

Le service public d'un pays est à l'image du pays, sauf si c'est la voie ultralibérale qui a été choisie. Or, le petit peuple ne connaît que ce service. C'est ce service qui a formé les anciennes générations d'intellectuels et qui continue à former la génération actuelle. C'est ce service public qui a soigné les grands du pouvoir. C'est le même service public qui ne soigne plus les grands du pouvoir actuel mais qui continue à soigner le petit peuple.

Dis-moi l'école de ton enfant, je te dirai combien tu gagnes ou tu voles

Les collèges Saint Esprit, Notre dame de Gitega, Don Bosco, Athénée de Bujumbura, de Gitega, de Rubanga, Lycée Vugizo, d'Ijenda etc... ce sont des écoles publiques qui ont formé des générations d'intellectuels actuels. Aujourd'hui, ce ne sont pas ces écoles qui forment les enfants des grands comme les années 70-80-90-2000. Leurs enfants sont dans écoles privées avec des tarifs annuels qui dépassent de loin le coût sur 7 ans dans ces écoles publiques.

L'école s'est dégradée par un abandon du pouvoir. Les enseignants ont été délaissés, certains sont partis dans le privé, souvent les meilleurs. Alors que les anciens dignitaires envoyaient leurs enfants étudier dans les écoles publiques, aujourd'hui, l'école publique est décriée par ceux qui devaient la sauver. Tant que leurs enfants ne fréquentent pas ces écoles, la situation sera difficile.

Le niveau des élèves a beaucoup baissé. Demain, ils devront se confronter avec les enfants kenyans, rwandais, ougandais et tanzaniens en anglais alors que les professeurs ne parlent même pas l'anglais.

L'hôpital public aux bas revenus et le privé aux riches

L'hôpital public est devenu une prison. L'hôpital des "sans ressources" qui n'arrivent pas à payer et qui se retrouvent dans une prison hôpital. L'hôpital public est souvent en grève. Les médecins et les soignants ne font pas du poids face aux dirigeants qui se font soigner ailleurs.

A titre d'exemple, les familles des anciens Présidents se faisaient soigner dans le même hôpital que Rwagasore, Ngendandumwe. Aujourd'hui, la dame du Président Nkurunziza accouche en Afrique du Sud. Les médecins viennent de l'étranger pour soigner la famille. Est-ce parce que les médecins burundais sont incompétents ou c'est par manque de confiance? Il va de soi que du moment où les ministres, le Président et les autres dignitaires ne se font pas soigner à l'hôpital public, le service ne pourra pas s'améliorer.

Le petit peuple a besoin d'un service de qualité; la même qualité des soins  que celle de la famille du Président. Il est grand temps que le Président fasse soigner sa famille dans les hôpitaux publics du Burundi. Ainsi, il pourra se rendre compte de l'état misérable de ces hôpitaux, des morts à l'hôpital qui auraient pu être sauvés s'ils avaient une considération.

Le service public est mort, vive le gain privé

Le service public a été plongé dans l'agonie. Même les enfants qui sont dans le public sont souvent obligés d'avoir des cours du soir pour être au bon niveau. La concentration dans des classes ne permet pas aux dévoués enseignants de transmettre correctement le savoir. Les écoles privées deviennent alors du business qui est alimenté par la médiocrité de l'enseignement public.

Dans les bureaux, le service public gratuit est devenu une source de revenus hors salaires. Ce service est échangé contre argent dans certains services au vu des responsables. Un proverbe burundais dit que quand vous volez alors que vous avez un enfant dans le dos, vous lui transmettez le message de voler à son tour. Les administratifs qui sont au courant que le ministre est corrompu, ils ne se gênent pas à leur tour de demander ou de faire comprendre aux usagers du service public gratuit de faire un geste s'ils veulent que le dossier avance. Souvent, des  dossiers sont bloqués pendant un an et se débloquent  à moins d'une semaine grâce à l'argent.

L'insécurité publique et la sécurité privée

Faute de privatiser les corps de sécurité, le pouvoir en place a transformé ces corps en corps au service du pouvoir. La police, les services de renseignement protègent les membres du parti au pouvoir, y compris quand ils commettent des crimes. Les miliciens Imbonerakure ont la couverture de la police et de la Documentation quand ils traquent les militants hutu du FNL de Rwasa.

Au Burundi, l'insécurité est toujours là. Cela est nié par les gens du pouvoir. En même temps, ils se font escorter tout le temps avec une armada des policiers armés. Cette protection n'est pas seulement pour les membres du gouvernement. Les gouverneurs, certains administrateurs communaux, députés aussi. Si la sécurité régnait au Burundi, pourquoi ces proches du pouvoir  auraient des policiers avec eux à chaque déplacement et à leurs domiciles?

Le budget de l'Etat est au service du peuple, à travers le service public. Si ce service est mis à mal par les intérêts privés des ténors du pouvoir, le peuple a raison de penser qu'il est abandonné par ce même pouvoir qu'il a mis en place en 2005 et qui s'est octroyé la prolongation en 2010.