LAS

Par Ferdinand Murara

 Burundi news, le 11/05/2008

 

 

 

Alexis Sinduhije vient d’être nominé par l’hebdo américain Time Magazine en partenariat avec CNN, parmi les cent personnalités dans le monde  qui ont marqué l’an 2007. Il sera en compagnie des célébrités à l’instar de Hillary Clinton, Barak Obama, Vladmir Poutine ou le Dalaï Lama. Il y a vingt ans quand il est entré à l’école de Journalisme, il n’aurait pas pensé un seul instant accomplir ce parcours. Portrait d’un homme hors pair.

Alexis Sinduhije ou faire de sa vie son chef d’œuvre

 

A l’école de Journalisme de 1987 à 1990, Alexis Sinduhije était le plus jeune de sa promotion. Il ne pensait pas un seul instant qu’il s’assoirait un jour avec un parterre de gens parmi les célèbres dans le monde, à l’instar de Vladmir Poutine, Georges Bush, Hu Jintao, Tony Blair, Barack Obama, Hillary Clinton, (…) pour être nominé par les grandes entreprises de presse Time Magazine et CNN parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde.

 

Beaucoup d’eau a coulé depuis que le gamin turbulent de Kamenge chassé de l’ancien collège du St Esprit part au collège Notre Dame de Gitega avant de revenir faire sa terminale chez les pères Jésuites.

Déjà ses condisciples se demandaient comment il pouvait réussir, lui qui se consacrait surtout à ses deux passions : le football et le théâtre. Mais sans effort, il pouvait réussir. Tellement cool et peinard qu’il donnait du fil à retordre à ses surveillants venus le réveiller pour aller en classe.

 

A l’Ecole de Journalisme, il était passionné de lecture mais aussi de la radio toujours branché sur RFI où les Boisbouvier et autres éditorialistes lui donnaient le goût du micro. Stagiaire à la Radio Nationale, il impressionne la directrice de l’information de l’époque Liliane Sebatigita qui plaide pour un rapide recrutement. C’était un papier analyse sur la guerre d’Irak.

Intelligence, courage et sociabilité sont les traits caractéristiques d’Alexis Sinduhije. Déjà à l’Ecole de Journalisme, malgré son jeune âge, il était le meneur de sa classe pour des revendications corporatistes, tel ce professeur conseiller à la Présidence qui ne trouvait pas le temps pour faire passer les examens. Révolté par les absences répétées du professeur, Alexis Sinduhije avait embarqué toute sa promotion pour trouver le Directeur de l’école dans un bistrot. Après doléances, le Directeur avait remplacé illico le professeur fautif.

C’est à la même époque qu’il présente son mémoire sur le conflit Eglise-Etat. Il s’intéressait déjà  au pouvoir, à ceux qu’ils l’exercent ou le subissent.

 

Avec sa maigre bourse de 8 000frs, il se construisit une chambrette en y ajoutant son pécule de professeur de français dans un lycée privé et fournit également  sa famille en eau par l’apport d’un robinet. Plus d’un condisciple et parent a bénéficié de son hospitalité et sa générosité. D’ailleurs, sa chambrette était toujours bondée de copains. Il n’y avait que rires, blagues et discussions de reconstruction du monde. 

 

Entrepreneur, Alexis Sinduhije propose à des amis Jean Marie Gasana (Lenon), Jean Marie Hicintuka, Ferdinand Murara et deux de ses professeurs Nimbona et Patrice Ntibandetse, la création d’un hebdomadaire « La Semaine du Burundi». L’équipe travaille avec abnégation et enthousiasme. La rédaction produit un journal de qualité dont les professionnels louent la compétence. Parmi les articles célèbres, la dénonciation d’un coup d’Etat contre le Président démocratiquement élu Ndadaye, son interview lorsqu’il était encore candidat, les circonstances de sa mort relatées par Alexis Sinduhije et la naissance de la rébellion, le génocide rwandais, etc.

 

Lorsque cette aventure journalistique finit, Alexis Sinduhije quitte la radio où il refuse l’étouffement né des pratiques du Parti Unique pour travailler pour Reuters. Search for Common Ground fonde studio Ijambo où il se fait remarquer par les reporters de guerre de BBC. Il couvrira également à l’époque la chute de Mobutu et l’avancée des troupes rwandaises et des rebelles congolais. Ses qualités n’échappent pas à Bryan l’américain directeur du Studio Ijambo qui lui propose en 1998 une bourse à Havard University, la prestigieuse institution dans son département Médias et Bonne Gouvernance. Son sens des contacts et sa bonne humeur vont convaincre la fondation Ford qui lui donne 150 mile dollars pour ériger la RPA.

C’est sa deuxième aventure individuelle. Il agglutine autour d’un idéal des jeunes sortis de la rébellion rwandaise et burundaise, de même que des milices. Hier, les porteurs de fusils se métamorphosent en apôtres de la paix par le micro. La suite on la connaît, des reportages de guerre pour montrer la vraie face de la rébellion à l’époque diabolisée par le pouvoir. Il essaiera d’entrer en contact avec les rebelles pour l’équilibre de l’information et on verra peu à peu venir à Bujumbura signer un accord de paix. Il avait couvert auparavant quand il était à Studio Ijambo, les pourparlers d’Arusha qui ont vu la signature des Accords. La radio avait servi aussi à déjouer un coup d’Etat fomenté par le lieutenant Gaston quand le Ministre de la Défense utilise le micro de la RPA pour dénoncer la tentative de coup d’Etat, les rebelles s’étant emparés de la radio nationale. Radio de proximité, la RPA dénoncera les injustices faites contre les sans voix, domestiques brutalisés par leurs patrons, paysans dépossédés de leurs terres, prisonniers sans dossier, même des gens célèbres et puissants sont soutenus par la radio. On se souvient de l’enquête menée pour démasquer les assassins du représentant de l’OMS au Burundi, le médecin Kassy Manlan.

On reproche à la RPA d’avoir soutenu le parti au pouvoir, mais quand celui-ci a manifesté des dérives autoritaires et de malversations, la radio les a tout de suite dénoncées : le cas de l’avion présidentiel, les montages de coup d’Etat et autres massacres de sympathisants du Palipehutu-FNL à Muyinga.

 

C’est peut être pour cela qu’Alexis Sinduhije retourne sa veste de journaliste en celle de politicien lorsqu’il fonde le MSD en attente d’agrément (Mouvement pour la Sécurité et la Démocratie). Sa démission comme journaliste ne l’empêche pas de rentrer dans l’entreprenariat culturel avec la création du studio d’enregistrement musical Studio Tanganyika. Alexis qui veut enter dans l’arène politique renvoie dos à dos tous les partis ayant été au pouvoir au Burundi pour graves et massives violations des droits de l’homme, l’UPRONA en 1972, le FRODEBU en 1993 et le CNDD-FDD aujourd’hui. La mauvaise gouvernance et les malversations économiques sont également épinglées par le Président du MSD.

 

C’est cet homme de radio, ce passionné des libertés et de l’art qui vient de remettre le Burundi sur la carte du monde dans Time Magazine et CNN. Son portrait figurant sur un des hebdomadaires les plus lus par les élites du monde. 20 ans ont passé depuis qu’ Alexis Sinduhije est entré à l’Ecole de Journalisme. Il ne les a pas gaspillés et a fait de sa vie un chef d’œuvre, un exemple pour notre jeunesse en manque de modèle et de repères. Time Magazine et CNN viennent de le confirmer.