LA SOCIETE CIVILE SEULE DANS LES ENQUETES

 

Source Iwacu-Burundi

Burundi news, le 28/09/2009

 

 

La société civile tient des pistes sérieuses sur l’assassinat d’Ernest Manirumva. Pourtant, la commission  d’enquête mise sur pied par le gouvernement traîne la patte et manque de moyens. Entre temps, la famille a procédé à la levée de deuil définitive du défunt ce 29 août.

Image 
Ernest Manirumva. Mort parce qu’il traitait des dossiers brûlants dont celui des armes commandées par la police et utilisées pour d’autres fins

La société civile s’est jointe à la famille d’Ernest Manirumva. Le premier vice-président, Yves Sahinguvu a fait le déplacement. Quelques diplomates accrédités à Bujumbura sont également présents à la messe animée par l’abbé Adrien Ntabona. « Dieu ne veut pas que nous fassions du mal à autrui », martèle-t-il dans son homélie à la paroisse Esprit de Sagesse  de Mutanga Sud.
Après cette liturgie, les cérémonies ont continué au snack-bar Sabemeli, sur l’avenue du Large. En dessous de la photo du défunt, on pouvait lire: « Justice pour Ernest Manirumva. » Tous ceux qui prennent la parole demandent au gouvernement de mener des enquêtes pour identifier les bourreaux. La société civile s’étonne que le gouvernement lui refuse même une marche manifestation. D’après elle, la levée de deuil est une manifestation coutumière, mais le combat pour la justice va continuer. Néanmoins, le premier vice président de la République, qui a suivi la famille au snack bar Sabemeli, n’a rien dit alors que l’OLUCOME attendait de lui un message fort.

Le principal dossier fatal

Une source proche de la police nationale (PNB) révèle que ce corps aurait commandé des armes qui auraient été utilisées pour d’autres fins : «Elles ont été distribuées  aux démobilisés . Quand il perd conscience, on le réanime ensuite pour le faire parler », explique notre informateur., affirme M. Quand l’OLUCOME a eu vent de la nouvelle, il a confié les enquêtes à Ernest Manirumva. Ses investigations seraient donc à l’origine de son élimination. D’ailleurs le dossier y relatif a été volé par les assassins. Une source qui a requis l’anonymat explique que les criminels auraient utilisé le code 102 pour tuer Manirumva : « Les tortionnaires introduisent lentement un couteau dans le corps de l’individu. Quand il perd conscience, on le réanime ensuite pour le faire parler », explique notre informateur.

Les bourreaux démasqués peu à peu

Une source proche de la société civile indique qu’un haut cadre de la police nationale à Bujumbura coordonnait les démobilisés qui ont assassiné le vice- président de l’OLUCOME. Il aurait eu un appui d’un collègue, commissaire de police à Ngagara. Une autre source affirme qu’un autre commissaire de police haut gradé déplaçait des démobilisés qui ont tué Manirumva. Parmi ces derniers, un certain G. aurait affirmé avoir reçu 300 mille francs burundais. Par ailleurs, une source proche d’une organisation internationale des droits de l’homme précise que G. a révélé que 5 millions de francs burundais avaient été mobilisés pour éliminer le vice- président de l’OLUCOME. Ce présumé exécutant l’aurait signalé à un autre démobilisé qui a vendu la mèche.

Manirumva traîné mort dans un capot   


Une source proche du Service National des Renseignements explique que le cadavre d’Ernest Manirumva aurait été conduit dans une camionnette dont le numéro d’immatriculation est connu. Le corps inanimé aurait été enfermé dans une caisse et placé dans le capot. Selon notre source, la camionnette était conduite par un chauffeur d’un haut responsable du Service National des Renseignements.
En outre, Gabriel Nduwayo, alias « Sésé » serait parmi les bourreaux. Il travaillait pour la SODECO avant de fuir le pays.  « Sésé » a pris l’avion à destination d’Atlanta aux Etats- Unis d’Amérique pour une foire sur le café le 14 avril 2009 [Cfr Journal Iwacu N°25 du 5 juin 2009].  Mais il a bifurqué par la suite vers Montréal au Canada. Son passeport aurait été confectionné le 13 avril 2009, selon une source proche de la société civile.
Plusieurs questions se posent alors. Pourquoi a-t-il attendu la veille du jour de son voyage pour demander le passeport ? La mission était-elle connue d’avance ? Qui a établi son ordre de mission ? Mais après vérification  et enquêtes minutieuses, notre source indique que Sésé n’avait pas la mission d’aller à la foire. Selon elle, « Sésé », en complicité avec certaines autorités du pays, aurait obtenu le visa pour se mettre à l’abri. Mais des sources indiquent que le FBI (Federal Bureau for Investigation=Bureau Fédéral d’Investigation) l’aurait arrêté et conduit aux Etats- Unis pour interrogatoire.

Une commission qui ne l’est que de nom

La commission mise sur pied pour enquêter manque cruellement de moyens de fonctionnement. Elle est dirigée par Stany Nimpagaritse, procureur de la République en Mairie de Bujumbura. D’après une source proche de cette commission, les membres n’ont ni téléphone, ni moyens de déplacement et de fonctionnement. Ils n’ont pas non plus de rapport médical. Les membres de ladite commission ne se seraient jamais réunis sauf le jour de leur nomination. Iwacu a contacté sans succès Stany Nimpagaritse, président de cette commission pour plus de précisions. Paradoxalement, le ministre des Relations Extérieures, Augustin Nsanze, a affirmé, le 24 juillet, aux Etats-Unis d’Amérique, au cours d’une  téléconférence sur la situation sécuritaire au Burundi que « le gouvernement a mis à la disposition de la commission tous les moyens nécessaires pour enquêter librement. » Le journal Iwacu a contacté en vain Augustin Nsanze pour plus de détails. Cette commission mise en place le 22 avril de cette année aurait dû rendre son rapport le 22 mai. La société civile souhaite que ce document soit rendu public à l’issu des enquêtes.

Le FBI espionné

Les Etats- Unis ont appuyé le Burundi dans les enquêtes. Ils ont envoyé des éléments du FBI basés au Kenya pour aider la commission dans les enquêtes. Selon la société civile, ces policiers américains étaient filés par les agents du Service National des Renseignements. « Pour éviter de mettre en danger de mort les informateurs, ils préféraient ne pas les interroger », affirme une source. Aujourd’hui, l’Etat burundais  aurait  interdit au FBI de continuer les enquêtes. Pourtant, Philippe Nzobonariba, secrétaire général et porte-parole du gouvernement dément : « Le gouvernement n’a jamais interdit au FBI de mener les enquêtes. » Pour lui, ces enquêteurs sont libres dans leur travail et doivent le faire dans la discrétion totale, sans aucune influence. Visiblement, les enquêtes sont terminées. La société civile s’étant largement impliquée. Seule la volonté politique manque pour rendre public les assassins.