Les troupes éthiopiennes rencontrent de grandes difficultés à Mogadiscio

 

LE MONDE | 21.04.07 | 13h02  •  Mis à jour le 21.04.07 | 13h02
NAIROBI CORRESPONDANT

e piège de la guérilla urbaine est-il en train de se refermer sur les troupes éthiopiennes déployées dans la capitale somalienne ? Après une première phase de quatre jours de combats contre les insurgés de Mogadiscio, interrompue le 1 er avril par l'instauration d'une trêve, les forces d'Addis-Abeba avaient dû se rendre à l'évidence. La capacité militaire des insurgés - une coalition de combattants des ex-Tribunaux islamiques et de miliciens de clans - avait été sous-estimée.

 

 
Leur groupe pourrait compter 3 000 combattants, selon une estimation en cours à Mogadiscio, reprise par les Nations unies. Il a non seulement résisté à une offensive appuyée par un pilonnage à l'artillerie lourde, mais également mis en difficulté les forces d'Addis-Abeba en plusieurs points, cernés par des insurgés très mobiles attaquant sans relâche.  

Cette première phase de combats avait fait des centaines de morts en quatre jours, entraîné d'importantes destructions et provoqué l'exode de la population, sans empêcher les insurgés de conserver le contrôle de vastes secteurs de la capitale, ne laissant que quelques "poches" aux forces armées éthiopiennes.

Pour la seconde phase de la bataille, les troupes d'Addis-Abeba ont donc intensifié leurs opérations. Les bombardements à la roquette des quartiers de la capitale tenus par les insurgés depuis Villa Somalia, la présidence somalienne transformée en camp retranché, ont repris dès jeudi 19 avril.

 

NOUVELLES LIGNES DE FRONT

 

Des renforts éthiopiens étaient parvenus à Mogadiscio au cours des semaines précédentes. Un convoi de quarante véhicules est encore entré dans la ville par le sud, au moment où avait lieu, dans la journée, une tentative de contournement de positions insurgées dans le nord de la capitale.

Alors que s'ouvrent de nouvelles lignes de front à Mogadiscio, l'objectif des troupes éthiopiennes demeure l'usine de spaghettis et ses environs, où les insurgés ont une de leurs bases, un hôpital pour soigner leurs blessés et le soutien total de la population. Les insurgés ont repris leur guerre de harcèlement, attaquant les forces éthiopiennes avec le renfort de mortiers et d'armes antiaériennes, tout en "s'évanouissant" lorsque leurs positions sont pilonnées à distance depuis Villa Somalia ou l'ex-académie militaire. Mais, selon une source bien informée, "des éléments éthiopiens sont à nouveau cernés en plusieurs points de la ville, sous le feu des insurgés". Ces derniers seraient de plus munis d'armes antichars, qui pourraient rendre plus difficile les opérations de l'armée éthiopienne.

Vendredi, après deux jours de combats, une organisation de défense des droits de l'homme proche des clans impliqués dans l'insurrection a estimé le nombre de victimes civiles après deux jours de combats à 113, et le nombre des blessés à 229.

Alors que la mécanique de cette intensification des combats menace, à terme, de conduire à "la destruction d'une partie de la ville", une source de l'ONU s'interroge : "Avec les bombardements qui touchent des civils et des camps de déplacés, ce qui est en train de se produire à Mogadiscio risque d'être qualifié dans le futur de crimes de guerre."

Le président somalien, Abdullahi Yusuf, en visite à Addis-Abeba, a rejeté cette hypothèse, affirmant au contraire : "Je ne partage pas l'opinion que la situation (...) s'aggrave. Je dirais plutôt que le problème de la Somalie se règle lentement, mais sûrement."

Selon un rapport du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, un "large consensus" se dessinerait en faveur d'"un retrait en plusieurs phases des troupes éthiopiennes et du déploiement de la mission de l'Union africaine (AMIS) jusqu'à sa pleine capacité (qui) pourrait restaurer la confiance parmi la population de Mogadiscio et aider à soulager les tensions".


 
Jean-Philippe Rémy