LE GOUVERNEMENT BURUNDAIS PRIS DANS UN PIEGE SUCRE

Par Gratien Rukindikiza

  Burundi news, le 19 mars 2006

Au commencement, c’était la région fertile de Rutana. Le sucre coûtait cher à l’économie burundaise. Il y a eu l’idée de cultiver et de produire le sucre made in Burundi. L’économie burundaise y gagnait au niveau de la balance de paiement car le sucre n’était plus importé. La région de Rutana en profitait aussi avec cette relance économique et des externalités de l’installation de Sosumo notamment au niveau des infrastructures et de l’emploi. Les Burundais ont bien compris que la pénurie du sucre en raison des problèmes d’acheminement au port de Dar-Es-Salam était du passé.

Le sucre est devenu pour les plus malins un outil d’enrichissement illicite. Vendre le sucre était devenu un privilège réservé à ceux qui dirigeaient le pays. Le simple commerçant n’avait pas assez de sucre pour satisfaire sa clientèle. L’ancien Président Buyoya a inauguré une politique de rareté du sucre. Le sucre burundais était abondant au Rwanda de Kagame et rare au Burundi où il était et encore  produit.

Aujourd’hui, le pouvoir du CNDD-FDD a voulu rompre avec le passé et rendre le sucre burundais aux Burundais. Il a choisi de confier le commerce du sucre aux 6 militants du parti. Ils devenaient les seuls distributeurs du sucre en position de monopole. La décision a été contestée par les autres commerçants, la société civile et d’autres associations. Au niveau économique, la décision est tout sauf juste et bonne pour le Burundi. Après cette décision, le ministre du commerce reconnaissait que le sucre burundais est redevenu exportable même s’il est introuvable au Burundi.

L’exportation du sucre burundais est un véritable problème de rentabilité de Sosumo. En effet, 1 kg de sucre est vendu à 473 frs bu pour celui qui exporte alors qu’il est vendu à 687 frs à celui qui le vend au Burundi. Dès la sortie de Sosumo, le  sucre destiné aux Burundais est plus cher que celui à exporter de 214 frs. Il est alors intéressant pour les commerçants de l’exporter que de le vendre au Burundi.

Cette mauvaise politique qui est en vigueur aujourd’hui fait perdre à Sosumo plus de 44 millions de francs bu par an, l’équivalent d’un mois de salaires de Sosumo. L’exportation de ce sucre, introuvable au Burundi, est exonérée de taxes. Ainsi, l’Etat perd 112 millions de francs bu. Cette politique fait perdre au Burundi un montant non négligeable de 156 millions de francs bu, l’équivalent de 6 mois des haricots de la Police Nationale en dehors de la corruption.

A qui profite cette politique ? Je ne peux pas répondre à la question. Il profitait à la famille Buyoya quand il était au pouvoir. Aujourd’hui, c’est peut-être une erreur d’analyse ou un malin qui exploite ce commerce pour s’enrichir au détriment des caisses de l’Etat et du bien-être des Burundais.

Sans exporter le sucre,  les 6 commerçants, membres du CNDD-FD, auront un bénéfice annuel de plus de 488 millions de francs bu. En exportant le sucre, ils pourront doubler la mise. En voilà qui diront qu’ils ont bien milité ! Qui dit mieux !

Le gouvernement s’est piégé lui-même avec cette politique commerciale. Le sucre continue à manquer. Ce n’est pas parce qu’il y avait 100 ou 200 commerçants grossistes du sucre qu’il était introuvable au Burundi. Tout le monde sait où va le sucre, à qui il profite. Un pays comme le Burundi, est capable de savoir qui exporte le sucre sans autorisation, quel commerçant crée la pénurie. Si le gouvernement confiait une mission à une équipe de 5 officiers de la police pour mettre de l’ordre dans le commerce du sucre et punir ceux qui désorganisent ce commerce, il n’y aurait plus de problème de sucre dans un mois. Par ailleurs, la volonté politique devrait s’accompagner des actes forts pour montrer que le passé est révolu. Seuls les résultats comptent. Le sucre appartient aux Burundais. Sans être chauviniste, les Rwandais ne devraient pas être servis avant les Burundais.