« VOS HISTOIRES DES HUTU ET TUTSI NE CONCERNENT PAS, NOUS LUTTONS POUR LA CAUSE DES SWAHILI »

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 17 octobre 2006

 

Cette phrase n’est ni la mienne, ni celle du Tanzanien Mwalimu Nyerere, ni d’un simple citoyen de Buyenzi.

Il y a des gens qui se battent pour une cause qu’ils ne connaissent pas ;

Il y a des gens qui suivent sans savoir la finalité de la démarche ;

Il y a des gens qui entraînent d’autres dans des ténèbres sans que les concernés s’en rendent compte.

L’histoire nous apprend qu’il arrive qu’un peuple soit manipulé pour servir une cause contraire à ses intérêts.

« Vos histoires des hutu et tutsi ne nous concernent pas, nous luttons pour la cause des swahili ». J’ai entendu cette phrase en 2001 dans un pays européen de la part d’un haut responsable du parti au pouvoir CNDD-FDD. J’ai pensé d’emblée que j’ai mal entendu et j’ai fait répéter mon interlocuteur. Heureusement que j’étais avec d’autres personnes avec lesquels j’ai partagé ces discussions. Etaient présents un journaliste et un deuxième membre du CNDD-FDD qui est devenu une des hautes personnalités.

A ce moment, j’ai dit que finalement, nous les Burundais, avons rien compris de la question burundaise. Mon interlocuteur m’expliquait que des Swahili sont dans des camps des réfugiés, appelés camps swahili, comme il en existe à Rumonge, Gitega, Ngozi, Muyinga, Buyenzi etc… J’avais du mal à m’imaginer que nos soeurs et frères se battaient pour la cause des Swahili. Il est vrai qu’il y a beaucoup d’injustices au Burundi. Je ne pouvais pas m’imaginer que le problème ethnique soit occulté au profit d’une résolution d’un autre problème.

Au Burundi, les Swahili ne sont pas des swahiliphones, ce sont des musulmans car les jeunes de Kamenge ou Bwiza qui parlent swahili ne sont pas des swahili. Comme les premiers musulmans étaient des swahiliphones, le nom a pris une connotation religieuse quand il n’est pas synonyme de menteur dans le sens péjoratif.

Les propos de 2001 sont passés inaperçus. Je ne pouvais pas m’imaginer qu’ils pourront refléter la vérité. Cinq ans après, en pensant à cette phrase et à la position réelle de la personne au niveau du pouvoir, j’ai des doutes. A-t-il réellement lutté pour le peuple burundais en général ou pour les Swahili. Il faut briser le tabou. Il était interdit de parler de régionalisme jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Ndadaye. Il était aussi interdit de parler de discrimination ethnique jusqu’en 1988. Si demain, il y a une discrimination ou un favoritisme exagéré au profit des Burundais ou même étrangers d’une religion ultra minoritaire au Burundi, faudra –t-il se taire ? Au nom de quelle démocratie, ces abus ne seraient-ils  pas dénoncés ?

Aujourd’hui, les Burundais s’interrogent. Au moment où le Président refuse d’exercer son pouvoir par peur ou par complicité pour laisser la place à Radjabu, plusieurs nominations font ressortir une part importante des swahili ou musulmans. Est-ce une stratégie ou une pure coïncidence ? Les décisions pour le Burundi sont d’abord discutées entre deux hommes avant d’être communiquées aux exécutants. Ces décisions sont appelées « La volonté du parti ». Ces deux hommes sont Radjabu et Karenga. Une troisième personne entre dans le jeu. C’est la deuxième vice-Présidente Marina Barampama dont sa nationalité burundaise est contestée. Il ressort alors que le Burundi a plus de 95% chrétien est dirigé en réalité par un groupe de 3 musulmans. Il suffit de savoir que celui qui me disait que leur cause était celle des Swahili figure parmi les 3 pour comprendre que son but est atteint. Les autres combattants n’ont rien compris à la cause pour laquelle ils ont lutté. Les morts sur le champ de bataille croyant lutter pour la cause hutu, d’autres pour la cause burundaise, sont morts pour rien. Ce qui se passe aujourd’hui ne méritait pas tant de sacrifices.

Ce n’est pas du divisionnisme que ce problème qui se discute dans les salons de Bujumbura soit traité dans notre article. Si ce responsable du CNDD-FDD ne m’en avait pas parlé, le sujet n’aurait pas éveillé ma conscience. Comme les autres Burundais, je me pose la question de savoir si le Burundi va connaître  une domination liée à la religion ou des promotions favorisant surtout les hommes et les femmes de confession musulmane.