LA TELEPHONIE MOBILE BURUNDAISE, A QUI CA PROFITE?
Burundi news, le 07/01/2014
Par Gratien Rukindikiza
Le développement de la technologie mondiale a atteint l'Afrique. Parallèlement à internet, la téléphonie mobile est venue compléter, si non concurrencer la téléphonie fixe. Elle a commencé timidement à être un moyen de communication des dirigeants publiques et après des grandes sociétés et elle est aujourd'hui au service du simple citoyen. Elle apporte des merveilles. En Afrique, le pays le plus avancé est le Kenya. Les banques se sont délocalisées sur les téléphones mobiles. Des virements de portable à portable, des prêts via la téléphone mobile, des alertes en cas d'agressions au sein d'une même communauté villageoise.
Cette téléphonie mobile a apporté plusieurs points de croissance du PIB, nécessaire pour créer des emplois, surtout des jeunes.
L'état de la téléphonie mobile au Burundi
Au Burundi, la téléphonie mobile a été une véritable révolution. La phase téléphone fixe a été sautée au profit de la téléphonie mobile. Cette téléphonie amasse beaucoup d'argent à tel point que les sociétés étrangères s'y intéressent.
Les premières licences accordées stipulaient qu'il devait y avoir des investissements pour couvrir tout le pays. Il va de soi que les impôts étaient prévus après une bonne communication du chiffre d'affaires; soit des minutes de télécommunication vendues. Le Burundi a aussi évolué avec la nouvelle technocorruptiologie. Au lieu de payer les impôts à l'Etat, n'est-il pas simple de les verser aux dirigeants et économiser une moitié non donnée? Voilà le monde des affaires burundo-burundaises. Aujourd'hui, certains généraux bénéficient de cette manne téléphonique.
Le problème des licences
Aujourd'hui, cinq sociétés ont des licences d'exploitation de la téléphonie mobile. Il s'agit d'Africel, Lacel, Onatel, Spacitel et Telecel. Chaque société a acquis la licence à 200 000 $. Elle est vendue aujourd'hui à 10 millions de dollars. Les plus grandes sociétés de la téléphonie ne sont pas nécessairement celles citées ayant des licences. U Com-Leo, la plus grande des compagnies n'a pas de licence en son nom. Elle a repris la licence de Telecel et n'a pas fait une demande en son nom. U Com travaille en tant que Telecel même si on peut dire que Telecel est devenu U Com. La même chose que Smart qui travaille avec la licence accordée à la société Lacel et Econet qui travaille avec la licence de Spactel.
La licence a une durée de 15 ans. U Com sous le nom de licence de Telecel, Econonet sous le nom de licence de Spactel et Africel doivent renouveler leurs licences pour 15 ans. Le montant de 10 millions de dollars prévu ne plaira pas aux trois sociétés.
Les rejets des appels téléphoniques, les problèmes techniques, un calvaire pour les appelants
Au niveau international, les appels vers le Burundi sont devenues un casse tête. A côté du prix exorbitant en raison des taxes sur les appels entrants, les appels ont du mal à passer. De la messagerie en langue chinoise (Le Burundi délocalise en low cost en Chine pour la messagerie!!!), les lignes occupées alors que le correspondant n'était pas en ligne, des coupures, des indicatifs de la France et la Belgique collées pour des appels venant du Burundi, des rejets d'appels, une couverture nationale devenue provinciale, voilà le lot de manquement de ces sociétés de téléphonie mobile qui n'investissent pas malgré les profits énormes qu'elles engrangent et leurs engagements.
La taxe de 32 centimes de dollars qui profitent avant tout à ces sociétés a servi surtout pour les dividendes des actionnaires et non à un investissement pour recevoir tous les appels. Est-ce que les sociétés boycotteraient des appels internationaux? Techniquement, si un appel arrive sur un réseau saturé d'une société, l'appel est renvoyé vers une autre compagnie. Or, comme cette société ne va pas profité des 16 centimes de dollars qui iront chez le concurrent, la société préfèrera les rejeter.
Le décompte des minutes de communication, sujet qui fâche!
Dans le monde des entreprises, il y a la comptabilité qui sert, non seulement à payer les fournisseurs, encaisser les paiements des clients, à payer les salariés mais aussi à calculer le bilan, base pour le calcul des dividendes et des impôts. Tous les Etats du monde ne font pas confiance aux entreprises. C'est un jeu du chat et de la souris. Il y a un terme en vogue dans le monde des finances, c'est l'optimisation fiscale. En termes clairs, ce sont des manipulations à l'extrême limite de la loi fiscale pour ne pas payer les impôts.
L'Etat burundais n'avait pas encore compris comment les compagnies de téléphonies burundaises optimisaient à la burundaise. Pour tout contrôle fiscal, il faut partir des ventes. On peut connaître les ventes ou le chiffre d'affaires d'une société soit par un calcul inverse partant des achats avec les factures des fournisseurs et ajouter la marge de la branche pour évaluer approximativement les ventes, soit par d'autres moyens en fonction du genre d'activités.
La téléphonie échappe au contrôle classique. Les compagnies vendent du vent comme le disait un opérateur burundais. Elles n'achètent pas les minutes qu'elles vendent et ces minutes vendues ne laissent pas de traces pour les non initiés. Donc, les sociétés peuvent déclarer un chiffre d'affaires voulu avec un petit montage avec des filiales ou des refacturations avec d'autres sociétés affiliées moyennant une corruption.
Au Burundi, depuis la taxation des minutes de télécommunication internationale entrantes, l'Etat connaît les minutes reçues et facturées. Il reste les minutes des communications sortantes et les minutes locales au Burundi. La connaissance de toutes ces informations permettra de régler tout au moins les problèmes de fausses déclarations. En ayant le vrai chiffre d'affaires de ces sociétés, l'Etat pourrait imposer au moins un pourcentage d'impôt forfaitaire minimum aux sociétés de téléphonie. Ceci pourrait même limiter la corruption. Les contrôles fiscaux se limiteraient au niveau des charges déductibles dans le calcul de l'impôt.
L'Etat burundais a intérêt, comme il cherche de l'argent pour son budget, à investir ou mettre en place un dispositif permettant de faire le comptage des minutes consommées en national ou en international. Pourvu que l'argent ne soit pas détourné comme c'est le cas de la taxe sur les appels de l'étranger au niveau de la part destinée à l'Etat.
Il devait aussi contraindre les sociétés à respecter un cahier des charges sur les investissements futurs. L'Etat devait favoriser l'arrivée d'autres opérateurs de téléphonie pratiquant des prix bas pour casser le système d'entente oligopolistique. Les Burundais ont besoin d'un opérateur qui lance la concurrence avec des prix bas.