LA TORTURE RELEVE D'UNE POLITIQUE D'ENSEMBLE REFLECHIE ET MISE EN PRATIQUE PAR LES INSTITUTIONS DE L'ETAT 

 Burundi news, le 30/09/2015

Par Gratien Rukindikiza

 

Le Burundi se trouve dans une période de violence postélectorale. Le troisième mandat a déclenché un mouvement de protestation pour s'opposer aux violations des accords d'Arusha et de la constitution.

Au départ, la police n'a pas tiré à balles réelles sur les manifestants et il y avait moins de manifestants arrêtés. La contestation a pris de l'ampleur et Nkurunziza a donné l'ordre de mater ces manifestants quelques soient les moyens y compris l'usage des armes à feu.

A partir de ce  moment, l'impunité du corps de sécurité a été garantie par le pouvoir. Tuer un manifestant ou un opposant au 3 è mandat n'était pas un crime pour le pouvoir de ce moment.

La torture encouragée comme moyen de décourager les manifestants

Au cours du premier mois, la torture pratiquée surtout par le directeur adjoint de la police avait pour but de décourager les manifestants. Les assassinats après les arrestations n'étaient pas privilégiés. Il ne s'agissait pas en ce moment d'aveux car les manifestants n'avaient pas encore d'organisation solide. Progressivement, le mouvement a inquiété le pouvoir.

La torture comme moyen d'information

Le pouvoir voulait savoir comment les manifestations sont organisées, comment les manifestants sont ravitaillés, qui est derrière. Pour cela, il y a eu la stratégie d'arrêter tout jeune manifestant et de le conduire à la Documentation ou la BSR pour interrogatoire.

En l'absence d'une formation adéquate et aussi en raison de la brutalité ambiante au niveau du corps de sécurité, le chemin le plus court devient la torture. C'est de cette façon qu'ils obtiennent les aveux, les informations diverses. Pour échapper à la torture, certains jeunes sans information n'hésitent pas à inventer des histoires. Cela occasionne des arrestations arbitraires et la chaîne de la torture ne s'arrête pas.

Les policiers et les agents de la Documentation qui torturent sont presque tous des anciens membres du parti au pouvoir qui ont participé à la rébellion avec Nkurunziza. Les méthodes pratiquées pendant la rébellion étaient aussi barbares comme les assassinats avec des houes usagées, la torture avec des objets enfoncés sur des personnes etc...  La torture actuelle est une réédition du passé.

Torture, moyen réfléchie et institutionnalisé par le pouvoir.

La mise en pratique de la torture par le corps de sécurité date du mois d'août 2006 quand ils ont torturé l'ancien vice Président Kadege. Cette torture était faite sur commande car elle a été filmée et la personne à qui de droit a visionné la souffrance de Kadege. Nous rentrons dans un système de torture pour extorquer les informations mais aussi pour le simple plaisir. Le plaisir de voir celui qui est considéré comme son ennemi même s'il n' a pas pris les armes souffrir.

Parfois, cette torture est mise en pratique pour humilier. C'est le cas de Kadege et c'est aussi le cas du général Ndayirukiye. Humilier est devenu une arme. Un général qui est tabassé par un caporal.

La torture est aussi morale. Il suffit de s'imaginer une maman qui est enfermée dans un quartier pendant 3 jours sans pouvoir nourrir son enfant, c'est aussi une autre forme de torture à l'endroit des habitants des quartiers qui ont manifesté.

Pour faire un moyen réfléchi il faut préparer des agents spécialisés dans les tortures, ce métier existe au sein des services des renseignements burundais comme il y a des spécialistes des assassinats.

 

Les tortures pratiquées proprement dites

Les tortures pratiquées sont diverses :

* Le bastonnade : C'est assez courant et les agents utilisent des barres de fer et frappent dans des articulations. Souvent, les prisonniers sont nus pour être humiliés.

* La suspension de dos par les jambes et les bras sur deux morceaux de bois.

* La plongée de la tête dans un bassin d'eau pour simuler une noyade.

* La torture sur les parties génitales masculines, des fois attachées et tirées par une corde.

* La plongée dans des acides que nous n'avons pas pu identifier mais qui défigurent le corps;

* D'autres pratiques aussi.

Impunité garantie pour ceux qui torturent

Ceux qui torturent le font en service commandé par les services de l'Etat notamment la Documentation qui dépend du Président directement.

Il va de soi que cette impunité garantie pousse un excès de zèle de ceux qui torturent.

Il y a aussi une prime  à la torture. C'est ainsi qu'il y a deux tentatives pour envoyer dans des missions internationales payées par l'ONU des officiers ayant directement torturé. Je peux citer le directeur général adjoint de la police.

Tant qu'il y a la dictature, tant que ceux qui torturent le font au nom de l'Etat, tant que la justice est inféodée au pouvoir, il y aura la torture au Burundi.