QUE CACHAIT LA VISITE DE RADJABU EN EUROPE? 

Burundi news, le 13 janvier 2007

Par Gratien Rukindikiza

Le vent de l’Est a fait comprendre que tout peut changer. Comme le disait le scientifique Lavoisier, tout change sauf la loi du changement. Celui qui croit que le statu quo peut se maintenir indéfiniment se trompe énormément. Qui pouvait penser que le mur de Berlin allait tomber ? Le Burundi est un pays particulier, les régimes réputés stables n’ont pas résisté aux changements. Le cas de Bagaza en est l’exemple.

La chute et la préparation de la relève

Depuis le mois d’août 2005, Hussein Radjabu est à la une des médias burundais. Pourtant, il n’est pas le Président de la République. Son rôle ressemblait, il y a peu de jours, à celui d’un Président de la République. Qui a été nommé à un poste de responsabilité sans l’avoir rencontré ? Peu de gens. Dans Bujumbura, c’était la chasse à l’homme providentiel qui pouvait présenter un demandeur de poste important à Radjabu.  Le véritable patron, c’était Radjabu. Certaines langues affirment que le Président de la République commence à assumer son vrai rôle.

Au sein du parti CNDD-FDD, les militants sont décidés à tourner la page du régime de Radjabu. Il a échappé de justesse à un limogeage en règle au congrès ou assemblée générale  selon les souhaits des uns et des autres. L’intervention du Président de la République a sauvé Radjabu de sa chute. Certains militants nous ont affirmé que c’est une question de temps (Semaines ou mois ?).

Au cours de cette assemblée générale, Radjabu a compris que des changements se préparaient. A son grand étonnement, le discours de Manassé Nzobonimpa, le secrétaire général du parti, n’était pas  celui prévu par le président du parti.

Remonter la pente n’est pas une tâche facile pour Radjabu. Un malheur ne vient jamais seul. Une lettre de la section du CNDD-FDD de Belgique a mis les pieds dans les plats. Les défaillances du parti sont signalées. Elle a provoqué la colère de Radjabu qui a mandaté le commissaire chargé des affaires juridiques de répondre. Une réponse  à la hauteur des événements si on se réfère à la qualité médiocre de la réponse quant à la forme sans parler de contenu. Le tu côtoyant le vous, du déjà vu chez un certain Alain Patrick Gasore !

«Tu ne connaît pas du tout à qui tu donnes tes ultimatums !! », un vrai dialogue au sein du parti quand on trouve une telle phrase en réponse à la lettre du Président de la section de Belgique.

Une tournée mal commencée

Dans le cadre de sa lutte pour garder le pouvoir, Radjabu a organisé une tournée en Europe pour tenter d’expliquer ses agissements.

En Belgique, la rencontre a mal commencé. Les militants ont été informés de la rencontre par des sites internet qui faisaient état de cette information. Un communiqué de la section de Belgique invitant les militants du CNDD-FDD à cette rencontre a été envoyé plusieurs jours après que la nouvelle soit publiée.

Drôle de convocation des militants de Belgique

Voici le message envoyé par le président de la section de Belgique aux militants. Aux lecteurs de juger !

Cher(ère) Mugumyabanga,

Bonjour. Vous aurez appris par les sites burundiweb.org  info-burundi.net que le Président du CNDD-FDD, l’Honorable Hussein RADJABU s’entretiendra avec les Bagumyabanga du BENELUX et ceux d’ailleurs qui seraient de passage à Bruxelles. 

Aucun membre du Comité de la Section Belgique du CNDD-FDD n’a été informé de cette visite. Nous regrettons que les organisateurs aient choisi un moment qui n’arrange pas beaucoup de militants, puisque la rencontre aura lieu pendant les heures de travail. Toutefois, nous comptons sur le sérieux de ces sites et encourageons ceux et celles qui le pourront de répondre au rendez-vous.

Date: Lundi 08/01/2007

Heure: 16H00

Lieu: Hôtel CONRAD à Bruxelles sis à l’Avenue Louise.

 

Merci de faire une large diffusion de ce message auprès des Bagumyabanga.

Pour la Section Belgique du CNDD-FDD

Ruhomvyumworo Pascal

Président

Des extraits de la lettre devenue un cauchemar

Cette section pose de sérieux problèmes à Radjabu. Quelques extraits de la lettre envoyée par cette section en disent long.

«    Le cas BASABOSE : En février 2006, lors d'un congrès national extraordinaire, les plus Hautes Autorités du Parti ont décoré en grandes pompes,  un homme qualifié de "grand militant", en l'occurrence Mr Basabose Mathias, et, deux mois après, le "Monsieur" est présenté comme un filou, un escroc… nous trouvons cela  bizarre; d'autant plus qu'il était présenté comme le numéro 2 du Parti, vu les fonctions qu'il y occupait ! Est-ce entre février 2006 et la date de son limogeage que les autorités du parti se sont rendu compte de ses défauts ? Ce monsieur n'a jamais rien fait de visible dans notre section ».

«   Par ailleurs, d'après des échos qui nous parviennent de l'intérieur du pays, des inquiétudes se font sentir. Pour le petit peuple au nom duquel toute notre lutte était menée, il semble que c'est la désillusion, surtout du fait des mandataires du CNDD-FDD.  Ils ne disent rien, mais la colère couve ! »

 « Les membres du CNDD-FDD ont peur, de parler et d'exprimer leur ressentiment, plus peur qu'à l'époque des Bagaza et Buyoya … Et par conséquent, les autres citoyens burundais non membres du CNDD-FDD ont plus peur. Mais, de quoi ?  Pourquoi notre Parti fait-il si peur, même à ses propres adhérents alors qu'il devrait être rassembleur ? »

Qui dit mieux ? Nous avons écrit, critiqué la gestion du parti au pouvoir. Pour la première fois, une section de ce parti a révélé au grand jour ce qui se disait à voix basse par les militants. Au niveau économique, la lettre a fait un bref aperçu du vrai problème de la mauvaise gouvernance.

Voici un extrait de cette lettre :

1.       Au niveau de la gestion économique et  sociale.

Certains dossiers n’ont pas été bien gérés. Ces dossiers concernent les  affaires  « des haricots et de l’huile de palme », de l’avion présidentiel, du sucre, etc…

La plus part du temps, les lois de passation des marchés et les règles de la concurrence ne sont pas respectées. Notre gouvernement doit donner la chance à tout le monde et ne pas favoriser seulement les militants du CNDD-FDD. 

Il faut aussi promouvoir des marchés qui donnent de l’emploi sur place et éviter aussi que faire ce peut la sous-traitance à l’étranger pour un produit qui coûte cher au consommateur  et qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur la santé de ce dernier comme c’est le cas pour des maisons préfabriquées.

Ce bref aperçu n'est qu'un échantillon du problème de malversations économiques mais il suffit pour mettre en doute une bonne gouvernance dans n'importe quel pays. Et, quand il s'agit de sous, les bailleurs de fonds, les investisseurs potentiels et les éventuels gouvernements donateurs sont vigilants surtout quand il s'agit d'un pouvoir qu'ils n'aiment pas particulièrement. »

La teneur cette lettre ne pouvait laisser indifférent Radjabu. Cette lettre est à la base de cette tournée. Ces deux extraits ont surtout provoqué la colère de Radjabu et a décidé de prendre l’avion pour la Belgique.

«  Au niveau des médias, nous nous inquiétons des mauvaises relations avec les médias locaux alors que sans certains d’entre eux, notre lutte aurait été plus dure et plus longue. » 

« Les invitations aux Congrès du parti sont verbales. Les invités apprennent l’ordre du jour séance tenante. Des membres désignés exposent l'objet du jour, des décisions sont déjà prises et sont soumises à l'auditoire. Les autres membres écoutent religieusement et ne peuvent pas faire d'objection sans s'attirer la colère des dirigeants.  En gros, ils sont là juste pour avaliser des décisions déjà prises. Pour nous, il y a là un véritable problème de dialogue interne dans notre Parti. C'est inquiétant ! Cela doit changer. »

La rencontre en Belgique était programmée à 16 hrs. En général, les salariés terminent leur journée de travail au plus tôt à 17 hrs 30 ou 18 hrs. Il va de soi que cette rencontre excluait les militants salariés ne pouvant pas s’absenter au travail. Pire, les convocations ont été en réalité faites de bouche à oreille entre copains parmi les proches de Radjabu.

Dans la salle, les militants étaient étonnés de la présence massive des non militants, des Burundais invités pour contrebalancer le poids  des militants « rebelles » à la ligne de Radjabu.

« Je ne suis pas venu pour m’expliquer », disait Radjabu chaque fois que des questions gênantes étaient posées.

Des mensonges ont servi à la campagne de publicité. L’ombre de Basabose planait dans la salle. Radjabu a affirmé que ce n’est pas le parti qui est au procès contre Basabose mais l’Etat. Pourtant, le juge signale bien au procès que c’est l’affaire qui oppose Basabose au parti CNDD-FDD. Plusieurs fois, le CNDD-FDD ne répondait pas au procès. Il va de soi alors que Basabose, n’étant pas membre du gouvernement, ne pouvait pas être en procès contre l’Etat dans une affaire interne au parti.

Une radio et un nouveau parti bientôt pour Radjabu !

Le scoop du jour est la nouvelle de l’ouverture de deux radios, une privée au nom de Radjabu lui-même, charité bien ordonnée commençant par soi-même, et une autre appartenant au parti CNDD-FDD.

Radjabu a démontré ainsi que  son départ est imminent. En voulant ouvrir sa radio à côté de la radio du parti, il a fait comprendre que la       création d’un autre parti à lui n’est pas exclu s’il est écarté de la direction du CNDD-FDD. Personne ne peut s’imaginer un président d’un parti ayant sa radio à côté de celle du parti. Si réellement c’est un don, il aurait pu céder alors le don au parti pour que l’argent soit épargné. Une milice est déjà créée, des caches d’armes sont là, une radio bientôt et un compte aux Bénélux bien rempli d’euros, il ne reste qu’un parti politique pour conquérir le pouvoir par la force ou la ruse.

Au général-Major Adolphe, je t’aime, moi non plus

Bon sang,  Adolphe n’est plus mon ami, voulait dire Radjabu en s’expliquant sur ses relations avec Adolphe. Officiellement, il clame haut et fort qu’aucun différend n’existe entre lui et Adolphe. A l’assemblée générale du parti à Gitega, il a aussi insisté sur ses relations avec Adolphe. Ce dernier, patron des services de renseignement, était absent à cette assemblée.

Si Radjabu ne contrôle plus Adolphe Nshimirimana ou si ce dernier ne répond plus aux ordres de Radjabu, ce dernier serait fragile. Il apparaîtrait comme un homme vulnérable et ne serait pas aussi craint qu’il ne le soit aujourd’hui. Son pouvoir serait ainsi réduit. C’est une véritable obsession  cette inimitié avec Adolphe. A Bruxelles, il n’a pas raté l’occasion pour marteler que les relations avec Adolphe sont restées les mêmes. A entendre l’entourage d’Adolphe, les deux hommes ont déjà franchi le rubicon. Le différend serait même international. Radjabu, accusé au Rwanda par les services secrets lors de sa dernière convocation à Kigali, aurait balancé Adolphe sans gêner sur les armes en distribution et les milices en constitution. La question préoccupe plus les Rwandais que les Burundais. Adolphe n’aurait pas apprécié que son ancien compagnon d’armes le balance aux Rwandais au lieu d’assumer ce qu’il est entrain de faire. Apparemment, à Kigali, ce n’est pas une promenade de santé. Radjabu en est témoin.

Quand il parle du Rwanda, il tombe dans son propre piège

« N’allez pas croire que le président du Parti CNDD-FDD décide de sa propre initiative de se présenter dans quelque capitale africaine ou européenne en émissaire du chef de l’Etat. Il reçoit pour cela un mandat. » Voilà ce que disait Radjabu à Bruxelles. Le ridicule ne tue pas. Les Burundais ont entendu la ministre Batumubwira donner la version gouvernementale et elle a bien expliqué que Radjabu a parlé en son nom et non au nom du gouvernement.

Il a bien dit à la presse rwandaise qu’il parlait au nom du pouvoir burundais. Or, le Président de la République a précisé à l’ambassadeur français à Bujumbura que Radjabu ne représentait personne.

Porteur d’un message du Président de la République au Rwanda, voilà le gros mensonge car ce n’est pas ce qu’il a dit à Bujumbura à certains de ses proches avant d’aller au Rwanda.

Le Président l’a bien dit à Paris. Il n’envoie jamais Radjabu à l’étranger pour le représenter. Il a ses ministres pour le représenter.

Le Président de la République et le ROI

« Le président Pierre Nkurunziza, c’est un ami mais aussi un grand militant du CNDD-FDD. Il s’acquitte de sa cotisation mensuelle, participe aux grands débats initiés par le Parti et respecte les statuts et le ROI du Parti. » Un lapsus ou une erreur de transcription, le site proche de Radjabu Burundi info net a bien mis en majuscule le ROI du part qui est respecté part le Président de la République.

Le Président de la République respecte non seulement les statuts mais aussi le ROI du parti. C’est Radjabu qui est cité si on fait confiance à ce site proche de lui. Il y aurait au Burundi un Président de la République et un Roi. Rien d’étonnant alors que le Président respecte le Roi.

A une autre occasion, dans cette tournée, Radjabu a affirmé que, s’il n’intervenait pas dans toutes les affaires de l’Etat, il y aurait déjà eu une catastrophe. Le Docteur Radjabu a sauvé le Burundi des erreurs dues à l’incompétence des ministres, du Président de la République etc… En psychanalyse, le jugement serait sévère.  Le moi domine, en dehors du moi, les autres seraient en danger !!! Pauvres Burundais ! On aura tout entendu!

Où sont les militants du CNDD-FDD en France et en Italie ?

Militants introuvables, nom de Dieu ! Pourtant, j’en connais beaucoup. Dans une interview sur le site de Rurimirije, un proche de Radjabu, il parle de ses rencontres avec les militants de France et en Italie.

Qui a rencontré Radjabu ?

En France, 4 ou 5 militants triés au volet et même des amis à Radjabu l’ont rencontré discrètement sans que les autres militants soient informés. Il voulait les convaincre du bien fondé de son action. Quelle action ? De l’immixtion dans le pouvoir !

En Italie, le président de la section du parti CNDD-FDD n’est pas au courant de cette rencontre et d’ailleurs personne ne lui a communiqué l’information. Impossible de trouver un militant qui a rencontré Radjabu. S’il a rencontré un ami membre de la section, il ne peut pas parler de rencontre avec les militants. 

Fin de tournée en Europe et début de la campagne, quelle campagne ?