QUEL BILAN APRES TROIS MOIS DE POUVOIR ?

 Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 01 décembre 2005

Le peuple burundais attendait impatiemment un nouveau pouvoir pour le délivrer de la pauvreté, de l’insécurité et de l’injustice. L’arrivée de Pierre Nkurunziza au pouvoir a suscité beaucoup d’espoirs. Dans le cadre de l’exercice du pouvoir, les dirigeants doivent tracer le chemin, prouver que leur programme est le mieux adapté pour développer le pays.

Le programme du Président de la République ou de son parti n’est pas connu ou n’existe pas. Or, le pays a besoin d’un cap. Cinq ans est une période raisonnable pour mettre le pays en marche. Sans programme politique, c’est la politique improvisée du jour au lendemain qui s’applique. Pire, c’est l’absence de projet qui fait que le pays piétine en attendant une idée salvatrice. A défaut d’un programme, il faut avoir des ministres qui réfléchissent, qui trouvent des solutions aux problèmes du pays. Un ministre qui attend les directives du Président pour innover dans son domaine pourra patienter.

Le développement économique  devra passer par la relance économique favorisant le plein emploi. Les mesures économiques tardent à sortir. L’économie souffre de la cherté de l’argent. Le taux de 20% ne favorise pas la relance économique. Au moment où l’Europe discute  des taux d’emprunt de 3 à 4% pour les particuliers, le Burundi ne fait aucun effort pour permettre l’accès au crédit moins cher aux investisseurs et aux ménages pour relancer la production et la consommation.                       Le gros du budget sera affecté à l’enseignement primaire gratuit, ce qui est une bonne chose. Cependant, le financement de cette politique ne se fera pas toujours avec les dons étrangers. Il faudra que le Burundi arrive à s’autofinancer, à défaut, le gouvernement reviendra à la case de départ quelque soit la forme. Financer ce programme suppose des ressources fiables. L’Etat tire ses recettes des ménages et des entreprises. Pour les premiers, il faut augmenter leurs revenus, pour les deuxièmes, il faut créer un environnement propice à la création des richesses. Les grands travaux s’imposent. Le gouvernement devra aussi faciliter les initiatives privées notamment les démarches administratives qui peuvent durer des mois.

Au niveau social, rien n’a été fait, sauf cet enseignement primaire gratuit qui n’a pas encore les moyens pour sa mise en application. Le secteur de santé reste scandaleux. Les malades continuent à être emprisonnés du seul fait qu’ils sont pauvres. Pour quelques dizaines de millions de francs burundais, des dizaines de burundais restent à l’hôpital malgré eux. Or, un détournement de fonds par un ministre pour plus de 450 millions a été révélé par ce site burundi news. Ces fonds auraient servi à financer le manque à gagner des hôpitaux pendant quelques années. Les injustices continuent, les violations des droits de l’homme continuent. Il suffit de se rendre compte des emprisonnements faits par la Documentation nationale. C’est devenu flagrant à tel point que la ministre Françoise Ngendahayo a reconnu que cette police dépasse les limites en prenant l’exemple de l’emprisonnement d’une militante des droits des femmes qui avait dénoncé un homme de plus de 50 ans qui avait pris une fille de 14 ans pour l’épouser.                                                               

Jusqu’aujourd’hui, la réforme de la santé se fait attendre faute d’argent et d’idées. En attendant, le peuple manque de moyens pour se faire soigner. Les initiatives locales ne sont pas encouragées, sans parler de celles des burundais de l’étranger qui éprouvent des difficultés insurmontables pour officialiser l’aide à la population. A un certain moment, on se demande s’il faut payer l’administration pour aider son peuple.

Au niveau de la sécurité, la guerre continue sans parler de l’insécurité dans la ville de Bujumbura. Le FNL reste actif et bombarde toujours la ville de Bujumbura avec les mortiers 60. Il bombarde toujours les mêmes quartiers de Mutanga comme s'il ne peut exister aucune stratégie de défense de ces quartiers. Qui contrôle les hauteurs contrôle les bas. Si le FNL peut bombarder la ville à partir des hauteurs qui dominent Mutanga avec des mortiers d’une portée de moins de 1000 mètres en version portative, il a une certaine force. La visite récente du Président Nkurunziza au Rwanda a porté sur la question du FNL et des FDRL. Il reste à savoir si les deux pays vont relancer la guerre du Congo pour contribuer à la prochaine guerre de fédéralisme soutenue par une grande puissance occidentale. Le Burundi commettrait un suicide politique en se lançant dans une telle guerre.

En définitive, le bilan des trois n’est pas glorieux. Le Burundi a besoin d’un nouveau cap. En l’absence d’un programme clair, le peuple burundais risque de perdre l’espoir. Le Président n’agit pas seul. Les ministres sont aussi des décideurs principaux. Certains ont failli à leur mission. Ainsi, un remaniement gouvernemental apporterait un bol d’oxygène afin de composer une équipe d’hommes et femmes intègres, prêts pour une mission précise. Le temps de remercier les militants est révolu.