Question ukrainienne : L’Occident, un moralisateur moins convaincant
Burundi news, le
21/06/2014
Par PC Uwizeye
Depuis le début des troubles ukrainiens, quelques questionnements me poussent à
partager mon scepticisme face à une problématique porteuse de tous les dangers :
le choc diplomatique Russie-Occident. Dans cette réflexion, je mets en doute la
bonne foi de la partie occidentale dans un feuilleton où une légère analyse
pourrait amener à des conclusions plus ou moins superficielles.
v
Unanimisme quasi moutonnier Elle semble
loin, très loin, l’époque où De Gaulle pouvait discuter certaines des règles de
jeu de l’alliance atlantique. Même l’opposition de Chirac, pourtant très
récente, à l’opération « Renard du désert » n’aura pas servi de précédent à ses
homologues européens actuels. L’atlantisme semble synonyme de l’accord
inconditionnel entre des « entités » poursuivant pourtant des intérêts
différents voire quelques fois contradictoires que sont les États. Le cas
ukrainien sera le prototype actuel de cet unanimisme occidental sur un sujet
pourtant discutable. En effet, les
nouvelles autorités ukrainiennes que l’Occident soutient jusqu’à sacrifier
certains de ses intérêts plus pertinents n’ont même pas eu le temps de prouver
que ce sont de vrais démocrates chers à l’Ouest. Certains auraient même un passé
pas tant clean que ça. Ce n’est non plus la gestion de l’après Ianoukovitch qui
va prouver le contraire si pas aux yeux des convaincus à l’avance.
v
Le
bouc émissaire Russe, « un empire du mal éternel », attention « l’ours s’est
réveillé »…
o
Un
peu d’histoire…
Depuis la chute de l’Union Soviétique, la Russie, héritière de l’essentiel de ce
qu’était l’ex URSS ne cesse d’intriguer les politiques ou « intellectuels »
occidentaux. Les premières critiques académiques ou journalistiques se
focaliseront sur des thèmes qui cachent moins un triomphalisme du bien sur le
mal communiste avec très peu de référence à la contributioninterne russe; la fin
du communisme ayant été une affaire soviéto-soviétique, du moins politiquement.
Tous les intellectuels occidentaux moins idéologisés s’accorderont sur le
caractère humiliant de l’attitude occidentale vis-à-vis de la Russie. Un avis
que je préfère laisser à l’appréciation de chacun faute d’illustrations
concrètes et évidentes.
o
Angle
de perception… Dis-moi comment tu regardes je te dirai quoi tu vois.
Des
discours sur une Russie perçue comme un « objet anthropologique non identifié »
guident jusque-là la réflexion occidentale sur le grand voisin eurasiatique. Qui
n’aura pas entendu des discours tels « la Russie perçoit encore les relations
avec l’Occident à l’aune de la guerre froide », « paranoïaques,les Russes
pensent que leur pays doit rester fort si non il disparaitrait ».
Mais,
pour l’histoire, le Pacte de Varsovie est au moins dissout mais son concurrent
d’antan reste, même au prix de sa supposée désuétude ; la menace ayant présidé à
sa mise en place ayant disparu il y a 2 décennies. Qui, dans ses conditions
croit plus en la force qu’à la supposée « bonne volonté des voisins »?Qu’à cela
ne tienne, les récentes révélations d’E. Snowden devraient rappeler que la
confiance n’est pas le maître mot du domaine des relations internationales, même
entre alliés. Les théoriciens des jeux n’en sont pas encore à faire face à la
caducité du « dilemme du prisonnier ».
Dans
le même ordre d’idée, même les films hollywoodiens se complaisent presque
toujours à présenter les types méchants, les caïds, les groupes mafieux (le mot
a pourtant une tout autre origine), les criminels ou prostitués sous le label
russe. Pas anodin à mon sens parce que ça contribue beaucoup dans le formatage
de notre perception de l’autre.
Pourquoi alors, personne ne se pose la question sur les raisons qui poussent la
Russie à se comporter tels que certains de ces clichés la présentent.
Depuis la période prérévolutionnaire, la Russie a toujours navigué dans une
relation un peu trouble dans ses rapports avec l’Occident. Tout esprit averti
connait les différentes périodes de turbulence dans ces rapports tels que le
soutien occidental aux armées Blanches après la révolution communiste, le cordon
sanitaire qui a suivi le succès des Bolcheviks, le containment, les guerres
balkaniques et les critiques de la guerre dans une Tchétchénie qui se battait
pour la cause qu’ils réfutent dans l’Est ukrainien, la question de la Guerre des
étoiles toujours actuelle sous le nouveau label du bouclier antimissile… Bref,
rien ne semble invalider les raisons des rapports suspicieux.
v
Actualité ukrainienne…
o
Manque d’empathie ou trop de raison qui tue la raison ?
Dans
la continuité de cette vision, la presse et les milieux diplomatiques présentent
la Russie comme étant « du mauvais côté de l’histoire ». Certains médiats
la présentent à travers la crise ukrainienne dans une perspective de reconquête.
Comme quoi cette crise était depuis longtemps à son agenda. Franchement! Est-ce
la Russie qui a provoqué Maïdan? Sur quelle base la presse occidentale lui
fait-elle porter le chapeau des intentions inhérentes à une crise dont le
déclenchement lui complètement étranger? John McCain et bien d’autres officiels
très actifs alors à Kiev ne semblaient pas porter la cause Russe. Ou bien c’est
facile d’accuser celui qui était déjà victime d’une certaine perception
stéréotypée.
Si
les européens n’y sont pas par pur altruisme et philanthropie, ils devraient
aussi comprendre que le Russie a raison d’avoir des intérêts et cesser de la
présenter comme une puissance « malfaisante » ou un élément de déstabilisation.
Quand Lavrov dit que la Crimée compte pour la Russie plus que les îles Malouines
pour l’Angleterre, il faut beaucoup de prouesses aux répliques occidentales pour
justifier la « bonne raison » de ces conquêtes du passées afin garder cette
perspective manichéenne du bien et du mal en défaveur de l’autre.Non plus, Cuba
(1963) ne me semble pas plus proche des États-Unis que ne l’est l’Ukraine de la
Russie quoique ici toute comparaison risque d’être biaisée en raison de la
différence des contextes. Mais, qu’à cela ne tienne, laissons à la Russie le
droit d’avoir ses craintes, à tort ou à raison. Tout autre jugement sera
tendancieux.
·
La
morale déclarée, sacrifiée à l’autel de la propagande et des enjeux
géostratégiques (antirusses?)
Quand, à la suite de la précédente crise économique, certains européens ont
caressé l’idée d’exclure de l’union les mauvais élèves qui « passent plus de
temps à la plage qu’au travail », il sera plutôt difficile de penser que
l’Ukraine soit dans une posture qui lui vaille d’être choyée par ses partenaires
de l’Ouest. C’est du moins mon avis. Le moteur des événements semble plus dans
la relation avec la Russie que dans la cause Ukrainienne.
L’Occident est réputé pour sa défense des valeurs démocratiques. Mais, pour le
cas ukrainiens, il serait difficile de passer à côté de l’engouement à défendre
certaines règles moins démocratiques du moins en termes procédurales.
Ianoukovitch n’était pas sans doute le type idéal de chef d’État. Qui
prétendrait l’être par ailleurs? De la corruption, des ratés en matière
d’économie et des choix discutables doivent en effet avoir caractérisé son
régime. Mais, il est difficile de lui coller au dos une quelconque trahison. Le
choix du partenariat eurasiatique de Poutine relève de ses prérogatives
légitimes même en cas d’erreur. Il n’en devient pas pour autant un traitre pour
mériter une sortie par des voies inconnues du « fair-play » démocratique. Même
Madame Ashton aurait été informéede l’existence de diverses versions sur
leséventuels responsables des tueries de la Place Maïdan. Mais curieusement, une
enquête dans ce sens ne répond pas aux attentes fixées à l’avance. Si tous les
chefs en mal de popularité se faisaient montrer la porte de cette manière, la
révolution aurait peut-être commencé ailleurs. Alors pourquoi, le soutien des
démocraties à ce qui est pris pour une antivaleur chez eux : la révolution (ou
le vandalisme de quelques milliers de citoyens de la capitale?).
Si
cette irrégularité est tolérée dans certaines circonstances, demandons-nous
pourquoi, à Kiev, les Ukrainiens de la partie occidentale,dans leur ras-le-bol
du pro RusseIanoukovitch, ont eu le droit de le contester au moment où, à l’Est,
l’insatisfaction face à un nouveau régime imposé de forcene donnera pas droit à
la même chance de le contester par les mêmes moyens. La raison me semble se
trouver dans le realpolitiketpas dans les déclarations de valeur. Un
média français qui écrivait qu’ « on peut détester Maïdan et lui emprunter
tous ses moyens » n’avait peut-être pas vu que le même argument peut être
retourné contre le monde qu’il défend. Pourquoi avoir légitimé à Maïdan les
moyens dont vous rejetez la régularité à l’Est.Il s’agit ici d’un flagrant
double poids double mesure qui cache mal les enjeux plutôt que les valeurs pour
l’Occident.Allez sur tous médias voir avec quelles légèreté et froideur, ils ont
traité de la calcination de la trentaine des pro-russes ou « terroristes » comme
on les appelle, vous vous rendrez compte que les valeurs sont loin du compte.
Des activistes ouvrent le feu sur une foule d’électeurs pour en faire « deux
corps qui ne bougent plus», et on n’a droit à aucune critique à l’endroit des
protégés. Mais, très récemment, quand un avion de transport de troupes de Kiev
a été malheureusement abattu, faisant des dizaines de morts, le président
américain a présenté ses condoléances à Piotr Porochenko. Chose très humaine,
oui. Mais pourquoi personne n’a bronché quand des civils se sont fait calciner
dans leurs appartements? Où est la morale tant vendue par la propagande?
v
Une
Ukraine unie : une quadrature du cercle.
Dans
cette partie, je me pose des questions sur les stratégies que l’Occident compte
emprunter pour avoir gain de cause.La Russie conteste son implication dans la
crise ukrainienne par simple conscience du déséquilibre des forces. Si non, elle
ne doit pas être la seule grande méchante tant présentée. Même à son absence, la
guerre d’une Ukraine unie est presque perdue depuis la chute d’ Ianoukovitch. Le
sentiment d’exclus rapporté chez les russophones par la presse ne présage pas de
facilité dans cette volonté de l’Ouest à monopoliser tout le gâteau.
Ça me
parait insultant pour tout un peuple d’entendre que ces ainés autours des 80
ans(nostalgiques de l’URSS pour ne jamais rien dire de bon des autres), ces
médecins, ces étudiants, ces villageois et cette population civile dans la rue
pour arrêter la progression des chars de Kiev ou carrément sur le front,
s’exposent au risque rien que sur l’injonction de Poutine.Les médias les plus
éclairés commencent à creuser plus profond et voir que la lutte de l’Est a pris
des allures de vie ou de mort dans les têtes de ses habitants quoique ces mêmes
médias l’imputent à la propagande moscovite. Comme quoi tout sens de raison est
perdu par certaines de ces élites pourtant éduquées dont certains reporters
occidentaux nous relaient les propos. Il y a à vrai dire un malaise
sociopolitiquedans ce pays et ce n’est pas en s’attaquant à
« l’ours »apparemment en défensive qu’il sera résolu.
Comment envisager une vie normale entre un pouvoir qui qualifie toute une région
de « terroristes assassins » et l’Est qui vois en ce pouvoir des nazis si vous
avez bonne mémoire de ce que ce mot signifie dans cette région tant meurtrie par
la guerre mondiale. Comment ce gouvernement va-t-il réellement gouverner cet Est
qu’il a tant appris à détester,cerne encore avec l’artillerie et l’aviation et
dont il a privé dès le premier jour du droit de parler sa langue. Je dis avant
même le début de l’actuel conflit régional post Ianoukovitch. Je ne parle pas du
clivage qui pourrait être plus vieux que ça. C’est un vrai boulot. Pour tout
dire, l’Occident est face à ce genre de problèmes qu’il ne saura que
difficilement résoudre. Impossible de changer les préférences des peuples par
les muscles ou une mascarade médiatique. Poutine ne peut presque rien à
l’endroit des pro Kiev et le sait, l’Occident n’a pas encore su le mal qu’il
aura à soumettre les russophones.À défaut de la soumission, toutes les autres
voies civilisées mènent à un scénario déplaisant aux yeux de l’Occident. Or,
la soumission n’est jamais une solution à un conflit, ce n’est que plutôt partie
remise.
P.C.
Uwizeye