L’UPRONA A LA CROISEE DES CHEMINS.
Burundi news, le
01/06/2014
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Un pluralisme
politique équilibré pour barrer le chemin à une dictature monolithique.
Ces derniers temps,
l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya s’est exprimé sur les partis
politiques et a identifié quatre partis dont il juge la présence aux élections
de 2015 indispensable. Il épingle le CNDD-FDD, l’UPRONA, le FRODEBU et le
PALIPEHUTU-FLN. Son argumentaire est basé sur le rôle historique des partis en
question. Il ne manque pas de relever que, à l’exception du parti au pouvoir,
ces partis sont en butte à des crises internes qu’il met sous la responsabilité
de leur leadership et des actions opportunistes du parti au pouvoir.
Dans les lignes qui
suivent, nous allons nous pencher sur le parti UPRONA qui fait face à une énième
crise interne depuis la disparition de son leader fondateur, le Prince Louis
Rwagasore. On pourrait citer ici la crise ethnico-idéologique Monronvia-Casablanca
des années soixante, la crise politique consécutive au processus de paix de la
fin des années quatre-vingt-dix, ainsi que la crise qui secoue actuellement ce
parti alors même qu’il essayait de surmonter une autre crise née de la
participation aux institutions après les élections de 2010. Notons que les trois
dernières crises opposent invariablement ce que les acteurs eux-mêmes appellent
« UPRONA gouvernemental » et « UPRONA non gouvernemental », ce qui suggère non
pas nécessairement des divergences idéologiques, mais une confrontation autour
de l’avoir et des honneurs liés à la participation au pouvoir.
A l’aune du processus
électoral de 2015, il convient de souligner la nécessité d’un pluralisme
politique équilibré pour barrer le chemin à une dictature monolithique de nature
à perpétrer la régression politique, économique et sociale de notre pays. Comme
les autres importants partis, il est impérieux que les leaders de ce parti se
ressaisissent, aillent au-delà des leurs intérêts personnels pour embrasser le
destin du devenir de la nation. Celle-ci a besoin d’un UPRONA, d’un FRODEBU et
d’un FNL forts et unifiés.
La crise idéologique:
les faux prétextes.
L’idéologie de l’UPRONA
a évolué au gré des époques. Le nationalisme unitaire pour la conquête de
l’indépendance, le tiraillement entre le libéralisme autoritaire et le
socialisme autoritaire tous les deux en vogue en Afrique après les
indépendances, le progressisme de type socialiste à l’époque du parti unique, la
domination du libéralisme sur les autres tendances avec la naissance du
multipartisme. Y’a-t-il actuellement un conflit d’ordre idéologique ?
Actuellement, le parti
UPRONA garde la possibilité, avec les arrangements institutionnels issus
d’Arusha, d’occuper la deuxième place dans les institutions en tant que
principal parti à dominance tutsi. Cette prérogative constitutionnelle s’est
avéré un cadeau empoisonné pour ce parti. En effet, avec la défaite aux
élections de 1993, l’UPRONA a vu sa possibilité de distribuer des prébendes à
ses militants se réduire comme peau de chagrin. De là découleront toutes les
crises que connaîtra désormais ce parti.
L’affaire Mukasi ?
L’éclatement de l’UPRONA en ailes Mukasi anti-Arusha (non gouvernementale) et
Kumugumya pro-Arusha (gouvernementale) est vu par nombre d’observateurs comme
étant la conséquence du refus du Président Buyoya de confier la primature à M.
Charles Mukasi, alors président de l’UPRONA. Les mêmes observateurs indiquant
que Mukasi n’aurait pas pu s’opposer aux négociations alors qu’il avait déjà
participé à des négociations secrètes antérieures. Rien d’idéologique donc, à
part que Mukasi à surfer sur le sentiment radical chez certains Tutsi de ne pas
« négocier avec les génocidaires ». Encore qu’ici aussi, il faille nuancer en
indiquant que le refus de négocier est plutôt le refus de perdre les avantages
acquis depuis quelques décennies par l’oligarchie tutsi.
Le courant de la
réhabilitation ? Outre que ce phénomène a pris naissance dans les ratés de la
réunification des tendances précédentes, il a été amplifié par l’absence de
certains ténors de ce parti dans les institutions issues des élections de 2010.
Le fond idéologique prétexte est ici la participation à un gouvernement CNDD-FDD
embourbé dans la mal gouvernance générale. Notons cependant une revendication
partagée par nombre de militants et non dénuée de fondement : négocier avec le
partenaire une plate-forme de gouvernement au-delà de laquelle le partenariat
serait cassé.
L’affaire Concilie
Nibigira ? C’est ici une expression pure de la revendication de type
ventriotique. Sous couvert d’un prétendu conflit de générations, des faucons
désireux de s’inscrire dans le courant ambiant de l’acquisition débridée des
biens ont entrepris d’offrir leurs services au parti au pouvoir. Un mercenariat
qui ne dit pas son nom. Il est question d’écarter tout obstacle susceptible de
gêner la victoire de ce parti ou de l’aider à réaliser tous ses desseins.
Ecarter le Premier Vice-Président Térence Sinunguruza qui acquiert trop
d’influence auprès du Président de la République et dont la connaissance
remarquable des dossiers politiques risque de gêner l’avancement de certains
dossiers : régler son compte à Arusha qui empêche de gouverner à volonté à
travers une constitution basée sur son prescrit, faire échouer la mise en place
d’une Commission des terres et autres biens spoliatrice objet d’une promesse de
campagne, contrecarrer la mise en place d’une Commission Vérité et
Réconciliation vidée de sa substance. Il est aussi question, pour les faucons,
de mettre en place des hommes susceptibles d’aider dans la réalisation de ces
desseins et de placer l’UPRONA sous l’emprise du parti CNDD-FDD. Les faucons
sont ainsi occupés à mettre en place des structures parallèles du parti. Dans
les administrations, ils se livrent à la chasse à l’homme en limogeant tout
fonctionnaire qui refuse d’entrer sous leur obédience.
La personnalité du
Professeur Charles Nditije au centre des controverses.
Le 4ème
Congrès National Ordinaire du Parti UPRONA, tenu à Gitega le 16 septembre 2012,
place le Professeur Charles Nditije à la tête de l’UPRONA. Son challenger André
Ndayizamba vient de s’incliner. La campagne aura été rude. Une campagne ethnique
avait été même menée contre le Hutu Nditije. Quatre éléments vont faire du
nouveau leader de l’UPRONA un objet de controverses.
L’avènement d’un
leader hutu à la tête de l’UPRONA ne va pas laissé indifférent. Certains Tutsi
l’accepteront à leur corps défendant. Mais surtout, le parti au pouvoir va voir
en lui une source de problèmes électoraux.
Cela va se confirmer
avec ses descentes sur le terrain qui drainent des foules et provoquent des
défections au sein même du CNDD-FDD.
Mais c’est surtout ses
prises de positions claires et sans équivoque sur les questions de l’heure qui
vont susciter le courroux du pouvoir. Sur la Constitution et Arusha, sur la
Commission Terres et autres biens, sur la Commissions Vérité et Réconciliation
et autres questions de gouvernance et de sécurité. Dans les coulisses du
pouvoir, on voit là une volonté d’intégrer l’UPRONA à la coalition ADC Ikibiri.
Last but not least, la
façon de mener l’action de rassemblement des militants qui le place en faux
avec certains ténors du parti. Il est accusé de jouer le jeu du Courant de la
Réhabilitation et de favoriser les tenants de ce dernier au détriment de
congressistes de 2012 qui l’ont mis en place.
La perspective des
élections 2015 : un catalyseur des forces centrifuges.
Le parti UPRONA se
trouve dans une situation inédite à une année des élections de 2015. Aux ailes
antérieures qui peinaient à opérer leur réunification, vient de s’ajouter une
aile dévouée à la cause du parti au pouvoir et portée par celui-ci. Madame
Concilie Nibigira détient désormais la légalité du parti alors que le Professeur
Charles Nditije en détient la légitimité.
L’approche des
élections n’est pas pour favoriser les choses. Dans toutes les tendances, la
guerre de positionnement a déjà commencé. Les diverses tentatives de
réhabilitation de ce parti buttent désormais sur le désir de positionnement de
bon nombre de ténors. Certains voudraient se placer au sein de la haute
direction du parti, voire à sa tête pour en faire un tremplin pour le
positionnement au niveau des listes électorales. L’ours à dépecer n’est pas,
mais l’on affûte déjà les couteaux. Difficile dans ces conditions d’aller vers
le rapprochement.
Les enjeux aux
alentours de l’UPRONA.
On l’a vu. Confronté à
une baisse de popularité due à l’usure du pouvoir et à la montée d’autres forces
politiques, le pouvoir a peur de voir ses performances électorales baisser
fortement. Et de vouloir réviser la Constitution pour mettre en place un nouveau
système institutionnel et introduire de faibles majorités de décision. Et
d’introduire des lois ou mesures visant à réaliser certaines promesses
électorales (CVR, CNTB). Et enfin, d’entreprendre la mise sous-tutelle du parti
UPRONA.
D’un autre côté, les
membres de la coalition ADC Ikibiri ne cessent de faire les yeux doux aux
leaders de l’UPRONA pour qu’ils intègrent le parti dans la coalition. Il semble
qu’il en ait au sein du parti qui s’y emploient depuis longtemps. Mais sans que
cela ait l’approbation d’un grand nombre de dirigeants qui entendent garder
intacte l’identité de leur parti.
Enfin ce parti en
difficultés n’a pas le monopole de la représentation des Tutsi. L’histoire aura
en effet montré que les partis tels que le MSD ou le MRC sont des concurrents
sérieux.
Quelles perspectives
pour le parti de Rwagasore ?
Quoi que peu nombreux,
il existe encore, au sein de la direction de l’UPRONA, des personnalités mues
par le combat idéologique de ce parti. Il leur appartient de prendre le taureau
par les cornes et de ramener le débat politique et idéologique au centre des
préoccupations des militants.
Ensuite, ce parti
regorgent de sages personnalités à même d’initier des contacts entre
représentants des diverses tendances pour aboutir à une solution avantageuse
pour toutes les parties. Un « win win process » où chacun trouverait son compte.
D’aucuns soulignent la
nécessité de respecter la légalité. Le groupe du Professeur Charles Nditije
devrait s’asseoir avec celui de Madame Concilie Nibigira et s’inscrire dans
logique du procès rendu par la chambre administrative de la Cour Suprême qui
reconnaît les organes de 2009 comme détenteurs de la légalité. Il appartiendrait
à ces derniers de désigner le leadership et les nouveaux organes du parti en
tenant compte de l’urgence liée à la proximité du processus électoral.